Près de 1 200 médecins vont démissionner pour protester contre l'inaction du gouvernement
Jugeant très insuffisante la réponse du gouvernement à la crise de l'hôpital, plus de 1 000 médecins dont 600 chefs de services ont décidé de démissionner pour dénoncer les conditions de travail de plus en plus compliquées du personnel hospitalier.
Le 14 janvier, au cours d’une conférence de presse, «sera rendue publique la lettre de démission collective de leurs responsabilités signée par plus de 1 000 médecins hospitaliers dont 600 chefs de services», a fait savoir sur Twitter le Collectif inter-hôpitaux. Manques de financements, de lits et de personnels, conditions de travail, perte de sens, crise de gouvernance : de nombreux maux touchent actuellement les services publics de santé. Ces chefs de services et médecins rejoignent désormais le mouvement de grève lancé par plusieurs services d’urgences parisiens il y a près d’un an, élargissant ainsi la contestation à l’ensemble de l’hôpital public.
Conférence de presse le 14 janvier à 11h00 à Paris et en région ➡️ lettre de démission collective pic.twitter.com/0WG5zYC4t2
— COLLECTIF INTER-HOPITAUX (@CollectInterHop) January 9, 2020
660 chefs de service, assurant que le gouvernement faisait la sourde oreille à leurs revendications, avaient déjà menacé de «démissionner si la ministre [de la santé, Agnès Buzyn] n’ouvr[ait] pas de réelles négociations», dans une tribune parue le 15 décembre dans le Journal du Dimanche. «L'hôpital public se meurt, faute de moyens à même d'assurer la qualité des soins et de garantir la sécurité des patients. Les médecins hospitaliers ont eu beau sonner l'alarme, la rigueur est devenue austérité, puis l'austérité, pénurie», alertaient-ils dans le texte. Le 14 janvier, la menace sera donc mise à exécution.
Contre «une mort lente de l'hôpital»
Regroupés au sein du Collectif inter-hôpitaux, les 1 200 médecins et chefs de services signataires de la lettre de démission collective annonceront le départ de leurs fonctions administratives (mais continueront à s'occuper des patients au sein des hôpitaux) lors d’une conférence de presse prévue le 14 janvier à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, pour dénoncer la situation des services de santé publique français. «Des conférences de presse similaires seront organisées le même jour par les CIH [collectif inter-hôpitaux] des hôpitaux locaux», ajoute le collectif dans la lettre de démission.
Régis Legré, chef du service de chirurgie de la main – chirurgie plastique réparatrice des membres – à l'hôpital de la Timone à Marseille, est revenu pour RT France sur les principales difficultés que rencontrent les services publics de santé français. Selon Régis Legré, qui fait partie des 600 chefs de services démissionnaires, l’objectif de ce mouvement est avant tout de «défendre l'hôpital public», et d'éviter une «mort lente de l'hôpital». Les méthodes du secteur privé sont désormais appliquées au secteur public, souligne le médecin marseillais, sauf que «les règles du jeu ne sont pas les mêmes».
En conséquence : «L'Hôpital se dégrade du fait d'un manque de moyens», «n'a pas d'avenir» et «a des difficultés à garder des médecins» du fait de «conditions de travail de plus en plus compliquées» et d'«un manque d'attractivité», rapporte Régis Lebré. «On ne demande pas un chèque [au gouvernement], on demande des discussions», poursuit-il, puisque le plan d'urgence pour les hôpitaux publics annoncé le 20 novembre 2019, comprenant une rallonge budgétaire, une reprise partielle de la dette des hôpitaux et des primes pour les personnels «n'a pas été convainquant».
Le personnel des urgences et le Collectif inter-urgences avaient déjà rédigé une pétition intitulée «Il faut un plan d'urgence pour sauver l'hôpital public !», notamment signée par 108 célébrités, et publiée le 2 octobre dans Le Parisien, pour écrire noir sur blanc leurs revendications et propositions. Celle-ci débutaitde la sorte : «Un point de rupture est aujourd’hui franchi. La sécurité [des patients] n’est plus assurée».
Le personnel des urgences et le Collectif inter-urgences estimaient ainsi que «pour sauver l’hôpital public» des conséquences de l'«austérité appliquée de façon continue depuis 10 ans aux hôpitaux publics», «une lutte collective de tous les personnels des hôpitaux sur l’ensemble du territoire est nécessaire».
Dans leur cahier de doléances, ils demandent «la réévaluation des filières de soins», «l’embauche en nombre suffisant de personnels soignants, de travailleurs sociaux et de secrétaires», «la revalorisation des salaires des personnels hospitaliers», «l’instauration d’une enquête annuelle dans chaque établissement sur le bien-être au travail», et «la révision du mode de financement pour que chaque service dispose d’un budget annuel cogéré avec l’administration».