Retraites : le marché français est-il réellement une «boîte de Smarties» pour BlackRock ?

Retraites : le marché français est-il réellement une «boîte de Smarties» pour BlackRock ?© Bryan R. Smith Source: AFP
Le symbole commercial de BlackRock est affiché à la cloche de clôture du Dow Industrial Average à la Bourse de New York, le 14 juillet 2017 à New York (image d'illustration).
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Tandis que BlackRock est englué dans la polémique, la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher a comparé le marché français à «une boite de Smarties» pour le géant financier, qui n'aurait «pas grand-chose» à gagner dans la réforme. Vraiment ?

La réforme des retraites, officiellement présentée par le gouvernement le 11 décembre 2019, aurait-elle été influencée, comme l'affirment certains observateurs, par le plus grand gestionnaire d'actifs au monde, la société d'investissement américaine BlackRock ? Si le géant financier le dément formellement, la polémique continue d'enfler ces derniers jours. Aux relations entre la multinationale et Emmanuel Macron, parfois pointées du doigt, est venu s'ajouter un second élément soulevé par les opposants à la réforme : la promotion de Jean-François Cirelli, président de BlackRock France, au rang d'«officier» de la Légion d'honneur. Tandis que le mouvement de grève contre la réforme des retraites entame son 29e jour de mobilisation, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances, a tenté de couper court à la controverse ce 2 janvier sur BFM-TV et RMC.

«Une boîte de Smarties»

Répondant aux questions de Jean-Jacques Bourdin, Agnès Pannier-Runacher a d’abord assuré que BlackRock ne faisait pas de lobbying sur les membres de la classe politique française à propos de la réforme des retraites. La raison ? «Ils n’ont pas grand-chose à y gagner», selon elle.

La secrétaire d’Etat a ensuite estimé que les retraites par capitalisation des Français ne représentaient «rien par rapport à [la] gestion d’actifs [de BlackRock]», rappelant que la multinationale américaine gérait près de 7 000 milliards de dollars «et notamment des dollars qui viennent des Etats-Unis et d’Asie». Par ailleurs, Agnès Pannier-Runacher s’est livrée à une comparaison quelque peu hasardeuse : «C’est une boîte de Smarties le marché français [...] Arrêtons de croire que nous sommes au centre du monde.»

Une ligne de défense également reprise par Jean-François Cirelli. «A plusieurs reprises, nous nous sommes exprimés pour dire que nous n'avions pas cherché à influencer le gouvernement ni sur la réforme actuelle des retraites, ni sur la loi Pacte», a ainsi assuré le patron de la filiale française du groupe financier à l'AFP, regrettant d'être «pris à partie dans une polémique infondée».

Pourtant, une publication accessible sur le site de BlackRock vient fragiliser cette défense. En effet, l’entreprise américaine a publié sur son site en juin 2019 ses propres «recommandations», dont elle précise qu'elles sont adressées «au gouvernement français et à d'autres acteurs». BlackRock présente ainsi les «dispositifs indispensables pour réussir la réforme de l’épargne-retraite», et les «mesures complémentaires envisageables pour améliorer la qualité du dispositif et lui permettre de dépasser ses objectifs», sans manquer de se réjouir des dispositifs présents dans la loi Pacte, promulguée en mai 2019. Un intérêt à réformer qui est donc tout sauf caché.

Retraites : le marché français est-il réellement une «boîte de Smarties» pour BlackRock ?
Capture d'écran du site blackrock.com

«Concernant les retraites, nous avons toujours dit, et moi le premier, que nous étions conscients que le choix de la France est le régime par répartition et cela restera ainsi», assure Jean-François Cirelli, cité par l'AFP. «En revanche nous nous sommes félicités dans un document public, mis en ligne en juin sur notre site internet, après le vote de la loi Pacte, de certaines mesures prévues par le texte», précise-t-il, ajoutant qu'«il ne s'agit ni d'un document secret, ni d'instructions au gouvernement». Il ajoute encore : «Si la réforme proposée a un impact positif, ce sera pour les établissements qui proposent de l'épargne retraite, ce qui n'est pas notre cas».

«Environ deux tiers des actifs que nous gérons pour nos clients dans le monde sont liés aux solutions d’épargne-retraite», explique pourtant la société américaine sur son site.

«Une pure coïncidence»

Sur BFM-TV et RMC, Agnès Pannier-Runacher est également revenue sur la récente promotion de Jean-François Cirelli du rang de «chevalier» à celui d'«officier» de la Légion d'honneur. «C’est une pure coïncidence», a assuré la secrétaire d'Etat, plaidant un hasard du calendrier, avant d'invoquer le pedigree du président de BlackRock France : « Ça fait 40 ans qu’il travaille pour le public. Il a été l’un des collaborateurs les plus proches de monsieur Raffarin. […] C’est quelqu’un qui a travaillé au FMI, au ministère de l’Economie et des Finances, qui a été collaborateur du Premier ministre, qui a été dirigeant d’une grande entreprise qui s’appelle GDF-Suez et qui, aujourd’hui, sert la cause de la France, justement en disant que la France est un pays où il fait bon investir.»

«BlackRock, c'est tout simplement le côté obscur de la réforme des retraites», selon Olivier Faure

Une analyse qui n'est pas partagée par l'ensemble du spectre politique, puisque cette récente promotion a provoqué une levée de boucliers du Parti communiste français jusqu'au Rassemblement national.

«La remise de la légion d'honneur à Jean-François Cirelli est une provocation. Elle révèle les liens étroits qui existent entre Macron et le monde de la finance», a commenté sur Twitter Fabien Roussel, le patron du PCF.

«N'allez surtout pas dire verser dans un complotisme de mauvais aloi. Le gouvernement ne cherche PAS DU TOUT à développer les retraites par capitalisation», a pour sa part ironisé Ian Brossat, porte-parole du PCF.

La députée LFI Danièle Obono a employé sur Sud Radio le terme de «provocation», rappelant que «depuis des semaines» LFI «explique que, en vérité, cette réforme a pour but de réduire à la portion congrue la retraite par répartition». Avant de souligner sur Twitter qu'«environ 2/3 des actifs» que gère BlackRock pour ses clients «sont liés aux solutions d’épargne-retraite».

«C'est pas une boîte de Smarties, la question des retraites en France, ça fait partie d'une logique d'expansion de ce type de fonds d'actifs», lui a répondu sur LCI le candidat EELV à la mairie de Paris David Belliard, pour qui «il y a une porosité entre les lobbies et le gouvernement».

«C'est tout sauf anecdotique, BlackRock, c'est tout simplement le côté obscur de la réforme des retraites», a dénoncé Olivier Faure, premier secrétaire du PS, sur France 2.  «Je vois le Canard Enchaîné qui révèle à quel point BlackRock a été depuis l'élection du président Macron l'invité permanent de ce pouvoir-là, et qui aujourd'hui est décoré, donc c'est tout sauf une anecdote, c'est effectivement le choix d'un camp, celui des fonds de capitalisation», a-t-il encore accusé. 

«Jean-François Cirelli a démantelé Gaz de France dont il était PDG. Désormais patron de BlackRock, il va enrichir un fonds de pensions américain en profitant de la destruction de notre système de retraites», s'est indigné sur Twitter le président de Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan.

De son côté, Florian Philippot, président des Patriotes, s’est indigné des actions du gouvernement français : «On est vraiment dans de la prostitution d’Etat.»

Enfin, Jean Messiha, membre du bureau national du Rassemblement national, voit un lien direct entre le «plasticage de notre système de retraite» et la décoration du «patron France du fonds d’investissement BlackRock, Jean-François Cirelli, de la légion d’honneur».

Un pied en France

Leader mondial dans la gestion d'actifs, BlackRock dispose depuis 2006 d'une filiale française (celle-là même dirigée par Jean-François Cirelli) qui gère, selon des chiffres repris par Franceinfo, «27,4 milliards d'euros de fonds confiés par des clients français».

Fait notable, la société BlackRock est actionnaire de près de la moitié des entreprises du CAC 40, telles que BNP Paribas, Vinci, Saint-Gobain, Société Générale ou encore Total. 

Comme le rapporte Franceinfo dans un article publié à la mi-décembre, «depuis plusieurs années, BlackRock se montre extrêmement intéressé pour mettre la main, via ses clients (assureurs, banques...), sur une partie de l'épargne des Français, afin de l'orienter vers l'épargne-retraite».

Si cette implantation en France n'est donc pour l'heure que partielle, malgré de bonnes relations avec l'Elysée, la multinationale ne fait pas mystère de son intention de s'ancrer davantage dans l'Hexagone. «Blackrock veut être beaucoup plus présent dans ce beau pays et nous avons de grandes ambitions pour BlackRock en France», expliquait Jean-François Cirelli sur Franceinfo en juin. Et de préciser, au cours de la même interview : «Nous voulons mettre notre expérience au service de cette nouvelle épargne retraite.»

Lire aussi : Réforme des retraites : des économistes décryptent les éléments de langage du gouvernement

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