La présidentielle tunisienne s'invite à l'Assemblée nationale... française
A l'Assemblée nationale, des députés français ont interpellé le gouvernement sur les élections en Tunisie. Ils ont demandé que la France se positionne pour que Nabil Karoui, incarcéré, puisse participer au scrutin présidentiel de son pays.
Un sujet étonnant s'est invité à la séance de questions au gouvernement le 10 septembre. Dans l'hémicycle, deux députés ont interpellé le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian sur l’élection présidentielle tunisienne et le cas du candidat Nabil Karoui, en détention depuis le 23 août dernier, demandant tous deux la position de la France sur cette question.
Le président du groupe centriste UDI et indépendants Jean-Christophe Lagarde s'est, le premier, adressé au chef du gouvernement, sur l’arrestation du «favori des sondages» Nabil Karoui, regrettant que celui-ci puisse être «empêché d'exposer son projet librement».
Le député, qui a admis au détour d'une phrase comprendre qu'il ne relevait pas du «rôle de la France de s'immiscer dans les affaires judiciaires tunisiennes», a néanmoins affirmé que la France «qui a des relations anciennes et amicales avec la Tunisie» se devait d'exprimer cette inquiétude et «d'exiger au moins que le candidat puisse le temps de l'élection présenter son programme».
Le Premier ministre a pour sa part estimé qu’il n’appartenait pas à la France de «s’immiscer ou de commenter le fonctionnement des institutions judiciaires en Tunisie et les conditions générales d’organisation de l’élection».
Il a cependant déclaré avoir «pris note» de l'arrestation du candidat, sans vouloir «commenter cette décision prise par une autorité juridictionnelle».
«Nous sommes attentifs et confiants dans la capacité de ce pays à s’inscrire dans la lignée qu’il a lui-même choisie et que nous soutenons politiquement, diplomatiquement, avec beaucoup d’engagement», a déclaré Edouard Philippe.
Un peu plus tard, le député des Français du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, M'jid El Guerrab, a renchéri, plaidant lui aussi pour le candidat emprisonné. Il a affirmé avoir eu vent de «craintes qui risquent de porter atteinte au processus démocratique actuel» en Tunisie, en évoquant un «risque de dérive autoritaire de l’exécutif».
Se défendant de prôner l'ingérence, M'jid El Guerrab, a demandé au gouvernement «quelle [était] la position de la France» sur cette question.
En réponse, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a rappelé les propos du Premier ministre Edouard Philippe, invoquant la «souveraineté» de la Tunisie et évoquant la «confiance de la France en la Tunisie, en son peuple et en ses institutions et en sa procédure électorale».
Nabil Karoui, candidat à la présidentielle en bonne place pour remporter l'élection selon de récents sondages, a été arrêté pour blanchiment d'argent le 23 août.
Son parti Qalb Tounes («Au cœur de la Tunisie»), a accusé le 24 août le Premier ministre Youssef Chahed de chercher à barrer la route de ce rival sérieux.
Intervenant à trois semaines du premier tour de la présidentielle, cette arrestation précipitée fait monter la tension autour de ce scrutin anticipé, à la suite du décès, le 25 juillet, du président Béji Caïd Essebsi, 92 ans.