«Ushoahia» : des textes de Yann Moix négationnistes et antisémites refont surface
Alors que Yann Moix connaît une rentrée mouvementée, L'Express révèle des dessins de jeunesse raillant les Juifs et les camps de concentration. Un long manuscrit antisémite, signé de sa main, a ensuite été dévoilé, mettant à mal sa version des faits.
La publication d'Orléans, nouveau roman de l'ancien chroniqueur de Laurent Ruquier Yann Moix, semble avoir déclenché une petite saga médiatique en plusieurs épisodes. Dans son ouvrage, il s'en prend notamment à ses parents, qu'il accuse de l'avoir battu, une version vivement contestée par son frère Alexandre, auteur d'une lettre ouverte publiée le 24 août, dans laquelle il accuse Yann Moix de l'avoir sévèrement violenté.
Ce 26 août, une nouvelle révélation vient compliquer encore un peu plus la promotion de l'écrivain. L'Express publie en effet des extraits d'un fanzine, baptisé Ushoahia, auquel Yann Moix a contribué en 1989 et 1990 dans ses jeunes années, alors qu'il était étudiant à l'école Sup de Co de Reims. Un épisode de sa biographie qu'il se garde bien d'évoquer dans Orléans.
«Chacun sait que les camps n'ont jamais existé»
Dans ce journal, dont le titre est un jeu de mots entre Ushuaïa (une émission de Nicolas Hulot) et Shoah, L'Express relève, images à l'appui, plusieurs dessins tournant en dérision, souvent avec des calembours faciles, la politique d'extermination des Juifs menée par l'Allemagne nazie. «Coca-Crema» (contraction entre «Coca-Cola» et «four crématoire»), lit-on en légende d'un dessin représentant un déporté juif émacié, revêtu d'un uniforme à rayures de prisonnier. «Official drink of the holocaust» («boisson officielle de l'holocauste»).
Le dessin de couverture du numéro un de ce fanzine reprend également la figure du déporté juif, cette fois représenté en train de jouer de la guitare. A l'arrière-plan, on discerne les cheminées d'un four crématoire, tandis que le micro ainsi que la grosse caisse de ce qui semble être un groupe de musiciens-déportés, sont affublés soit de croix gammées, soit d'une étoile de David. En fond, un tas de cadavres.
Dans ce même numéro, L'Express relève des extraits de textes qui accompagnent ces illustrations à caractère clairement négationniste : «Chacun sait que les camps n'ont jamais existé». Ainsi qu'une charge virulente contre l'essayiste Bernard-Henri Lévy, qualifié de «philosopheux et sodomite sioniste au nez long, dont le crâne n'a pas été rasé par les amis d'Adolf». Ce même BHL qui, quelques années plus tard, introduira Yann Moix dans les cercles littéraires en le présentant à l'éditeur Grasset, les deux hommes écrivant en outre dans la revue La Règle du jeu, fondée par BHL.
Un long manuscrit signé
Contacté par L'Express, Yann Moix reconnaît être l'auteur de ces dessins, dit regretter des «pages abjectes», mais affirme n'avoir écrit aucun texte. «Pourtant, on identifie sans peine son écriture dans certaines pages manuscrites de la publication, notamment la très longue tirade antisémite et négationniste du numéro 1», explique pourtant L'Express. Réponse de Yann Moix : il assure qu'il «s'est contenté de recopier ce texte d'un tiers, son écriture étant la plus lisible de la petite équipe».
Problème pour la ligne de défense bancale de Yann Moix, un long manuscrit, dont certaines pages comportent sa signature révélé par L'Express permet au journal d'affirmer avec certitude qu'il est «bien l'auteur du texte cité ci-dessus et de nombreux autres». Et L'Express d'écrire sans détour : «Yann Moix a menti.»
Vraisemblablement, ce «conte antisémite» illustré, de plus d'une centaine de pages et dont des extraits ont été repris dans Ushoahia, n'était pas destiné aux pages du magazine à l'humour «bête et méchant» Hara-Kiri, comme l'avait initialement laissé entendre Yann Moix.
Anciennes relations embarrassantes
Par ailleurs, la question des liens entre Yann Moix et des personnalités qualifiées de négationnistes ou révisionnistes n'est pas nouvelle. L'existence d'Ushoahia avait d'ailleurs déjà été révélée par l'écrivain Marc-Edouard Nabe dans un livre en 2017, même si aucune image n'était alors disponible. Yann Moix, en outre, a notamment été très proche de Paul-Eric Blanrue, réalisateur du documentaire Un homme consacré au chef de file des révisionnistes Robert Faurisson, et auteur d'une Anthologie des propos contre les juifs, dont Yann Moix a écrit une préface de l'édition publiée en 2007 aux éditions Blanche.
Interrogé de façon impromptue sur cette préface lors d'un salon du livre en 2014, Yann Moix avait alors préféré couper court à l'interview menée caméra au poing par le média indépendant Agence info libre (AIL).
En 2015, néanmoins, Les Inrockuptibles publiaient un portrait élogieux de Yann Moix, alors qu'il s'apprêtait à rejoindre l'émission de Laurent Ruquier, On n'est pas couchés. Questionné sur sa préface polémique, il répond : «Je trouvais ça important de montrer que même les plus grands penseurs se sont trompés».
Quant à l'interview de Robert Faurisson par son ex-ami proche, Yann Moix répond, cité par Les Inrockuptibles : «Blanrue était un des types les plus drôles que je connaisse [...] On n’a jamais parlé des Juifs ensemble. Et il savait très bien que l’antisémitisme est l'inverse de ce que je suis.» Et d'affirmer au cours de cette même interview, curieusement : «Tous mes livres tournent autour du même thème : n’est-on pas un imposteur perpétuel ?»
Dans une autre interview réalisée par AIL en 2015, Paul-Eric Blanrue affirmait que Yann Moix lui aurait apporté son «soutien» pour son film sur Robert Faurisson.
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