Convergence entre La France insoumise et le Rassemblement national : mythe ou réalité ?

Convergence entre La France insoumise et le Rassemblement national : mythe ou réalité ?© Christophe Simon/Richard Bouhet Source: AFP
Marine Le Pen (à gauche) et Jean-Luc Mélenchon (à droite) (image d'illustration).
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Le débat sur la possible passerelle entre LFI et le RN est relancé. Bien qu'un rapprochement idéologique ait eu lieu, les deux formations semblent encore trop loin politiquement l'une de l'autre pour en faire une affirmation.

Le départ du conseiller régional Andréa Kotarac de La France insoumise (LFI), et son appel à voter pour le Rassemblement national (RN), ont relancé le débat sur la convergence entre les deux formations politiques. L’ancien membre de l’équipe de campagne de Jean-Luc Mélenchon durant la présidentielle de 2017 explique ce choix par une volonté de «faire barrage» à Emmanuel Macron.

De plus, un sondage publié le 17 mai pour Franceinfo et Le Figaro, réalisé par Odoxa, montre que 58% des électeurs LFI estiment que le RN doit être considéré comme un parti comme les autres, contre 18% au lendemain des élections régionales de 2015. Par ailleurs, 36% des sympathisants insoumis ont une «bonne opinion du RN», contre seulement 5% en 2015. Gaël Sliman, président de l’institut de sondage, note dans son analyse qu’«une certaine convergence des extrêmes longtemps annoncée (et fausse jusqu’alors) semble donc bien s’opérer».

La France insoumise se défend

La défection d’Andréa Kotarac a provoqué la colère de Jean-Luc Mélenchon. «Pour solde de tout compte : Kotarac est le nom d'une boule puante de fin de campagne. Un coup monté. Le soutien d'un tel traître à ses amis déshonore ceux qui compteraient en profiter. Qu'il respecte au moins les électeurs. Élu contre le FN, il doit démissionner de son mandat», a fulminé le député des Bouches-du-Rhône sur Twitter.

Emilie Marche, conseillère régionale LFI d'Auvergne-Rhône-Alpes, qui siégeait dans le même groupe qu'Andréa Kotarac, précise à RT France : «Nous avons été surpris car Andréa ne laissait rien transparaître. Nous échangions encore la veille de son annonce. Nous avons immédiatement pris la décision de l'exclure du groupe. Il a préféré jouer la carte de l'opportunisme.»

Interrogée sur LCI le 17 mai à propos du sondage, la tête de liste LFI Manon Aubry a poussé un «coup de gueule» contre la «petite musique médiatique» sur des «convergences» entre les deux partis. «On est en train d’assimiler des militants qui, sur le terrain, au quotidien, sont le rempart à l’extrême droite, sont le rempart à l’extrême marché», a-t-elle ajouté. Cette dernière voit plutôt des convergences entre le RN et LREM. «Vous voulez des convergences entre le Rassemblement national et un autre parti ? Allez voir du côté de la République en marche, tous deux sont contre la hausse du SMIC, tous deux sont pour des mesures antisociales, je crois qu'on a à se justifier de rien du tout», a-t-elle insisté.

Les Insoumis semblent déployer un zèle particulier pour battre en brèche cette théorie : sur France 2, le 16 mai, Adrien Quatennens, député LFI, affirmait encore : «Depuis quelques temps, on nous joue ce duel permanent entre Macron et Le Pen mais ils sont les deux faces d’une même pièce et partout sur le Vieux-continent, on voit comment les uns, tenants d’une Europe libérale, le système, alimente son assurance vie [en faisant monter le RN].»

Le Rassemblement national aux anges

De son côté, le RN voit ces supposées convergences comme une aubaine. Le parti de Marine Le Pen a salué dans un communiqué, daté du 15 mai, le «courage et la lucidité de cet élu réellement insoumis [Andréa Kotarac], qui a compris que la dynamique du RN était la seule capable de stopper la politique d'Emmanuel Macron et avec elle, la soumission de la France à la politique néfaste de l'Union européenne».

Gilbert Collard, député RN du Gard, appuie, lui, sur le rassemblement au-delà des lignes partisanes. «Je crois en la sincérité de la démarche de l’ex-insoumis Andréa Kotarac qui vient d’annoncer voter Jordan Bardella. Le RN a vocation à unir tous ceux qui veulent défendre la France, qu’ils viennent de droite ou de gauche !», a-t-il argué sur Twitter.

Même son de cloche chez Wallerand de Saint-Just, trésorier du parti, toujours sur Twitter : «Des élus de la France insoumise comme de droite appellent à voter pour notre liste […]. C’est une liste de rassemblement.»

Des sujets de convergence

De fait, si les transfuges sont ponctuels et constitutent des cas isolés, à y regarder de plus près, certains éléments prouvent bel et bien qu’une passerelle idéologique existe entre un bord et l’autre de l’échiquier politique. Lorsque Djordje Kuzmanovic, qui a quitté LFI en novembre 2018 pour fonder quelques mois plus tard son parti République souveraine, était encore conseiller aux affaires internationales de Jean-Luc Mélenchon, le parti a vu sa ligne idéologique bouger.

Il ne faut pas confondre, et c'est l'erreur d'Andréa Kotarac, entre la souveraineté de la nation et la souveraineté du peuple

Ne s’offusquant pas d’être classé parmi les souverainistes, le chef des insoumis s’est «nationalisé», critiquant constamment l’Union européenne et insistant sur la nécessité de l'Europe des nations. «On ne peut pas laisser faire l'Europe en défaisant la France. Mais en s'appuyant sur l'identité républicaine de la France, on peut faire une Europe des nations bien intégrée», avait plaidé le candidat à la présidentielle, dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Le 1, en octobre 2017. Emilie Marche tient à nuancer : «Il ne faut pas confondre, et c'est l'erreur d'Andréa Kotarac, entre la souveraineté de la nation et la souveraineté du peuple, c'est pourquoi les départs de Djordje Kuzmanovic et d'Andréa Kotarac sont totalement différents.»

Les électeurs mélenchonistes font-ils la distinction ? Il semble en tout cas que leur rapport plus clément au RN soit antérieur aux récentes défections très médiatisées. LFI avait lancé une consultation auprès de ses militants entre les deux tours de la présidentielle afin de savoir le choix qui était le leur. Il en était ressorti que plus de 65% d’entre eux avaient choisi le vote blanc ou l’abstention signifiant que, cette fois-ci, ils ne feraient pas «barrage». Difficile pour autant en conclure que les insoumis sont des frontistes en puissance : selon une étude Ipsos présentée le 7 mai 2017, seulement 7% des électeurs de Jean-Luc Mélenchon au premier tour s’étaient reportés sur la candidate frontiste. Aussi, c'est avant tout le rapport de LFI au centre libéral qui semble s'être modifié, en se durcissant, de François Hollande à Emmanuel Macron.

Des différences encore nettes

La teinte souverainiste appliquée par Jean-Luc Mélenchon à son mouvement en 2012 et la coloration sociale qu'a prise le RN sous l'impulsion de Marine Le Pen ne suffisent pas à valider la fameuse «théorie du fer à cheval», selon laquelle les deux extrêmes se rejoindraient.

Les deux partis sont nettement opposés sur des sujets majeurs et clivants comme l’immigration. Lors d’un discours prononcé à quelques jours de la présidentielle, le 9 avril 2017, à Marseille, le leader de LFI s’était réjoui d’avoir permis aux électeurs de ne pas avoir à choisir entre Marine Le Pen qui «condamne notre grand peuple multicolore à se haïr entre lui-même» et «l’extrême marché» de François Fillon et d’Emmanuel Macron, «sorte de magie noire qui transforme la souffrance, la misère, l’abandon en or et en argent».

Emilie Marche abonde : «Nos idéaux sont absolument antinomiques. Nous militons pour la retraite à 60 ans, la réduction du temps de travail, pour l'augmentation du SMIC alors qu'eux la refuse, sont dans le rejet de l'autre, sont climatosceptiques et ont un discours effrayant sur l'immigration. Il n'y a qu'à voir les mesures prises dans les villes et les régions dans lesquelles ils ont été élus.»

Cela n’empêche pas Marine Le Pen de prévenir, sur le plateau des 4 vérités, le 14 mai : «Il y en aura d’autres [des transfuges] […] car on est en pleine reconstruction de la vie politique, je m’attends à ce que ceux qui soutiennent la nation nous rejoignent.»

«Le duel orchestré par LREM entre LFI et le RN arrange l'appareil politique et les médias. Des éditorialistes, qui n'ont aucune culture politique, défendent tous le système en place comme Christophe Barbier ou Jean-Michel Aphatie. Nos idées sont à l'opposé les unes des autres et je vous assure qu'elle ne sont nullement intellectuellement compatibles», conclut Emilie Marche.

Alexis Le Meur

Lire aussi : Souverainisme : la gauche a-t-elle un problème avec la nation ?

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