Financement du terrorisme par Lafarge : la DGSI impliquée ?
Le contre-espionnage français était-il au courant des activités de Lafarge en Syrie ? L'avocat du cimentier aurait demandé aux juges en charge de l'enquête sur les soupçons de financement du terrorisme en Syrie d'interroger deux agents de la DGSI.
Les avocats de Lafarge, cimentier mis en examen pour financement de groupes terroristes en Syrie, dont Daesh, auraient demandé aux juges d'instruction chargés de l'affaire d'entendre deux agents de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Selon L'Express, qui rapporte l'information le 28 octobre, ces deux agents auraient assisté à une réunion du comité exécutif de Lafarge le 6 avril 2012.
Leur présence figure ainsi sur un document confidentiel, consulté par L'Express. A l'ordre du jour de cette réunion, entre autres, un topo réalisé par le directeur de la sûreté de Lafarge, Jean-Claude Veillard, sur la «protection de l'information», incluant une partie sur la Syrie. Dans ce document, on peut lire que «deux fonctionnaires de la DCRI [Direction générale de la Sécurité intérieure, ancien nom donné à la DGSI]» doivent participer à ce point «sûreté» devant la direction du géant du ciment. L'un des deux agents est présenté comme un spécialiste de la protection de l'information. Surnommé Monsieur H., son identité figure noir sur blanc sur le document selon l'hebdomadaire. L'autre agent surnommé Monsieur D. est présenté comme «correspondant Lafarge sur les aspects intelligence économique».
Les deux hommes seront interrogés sur ce qu'ils savaient des liens entre l'usine Lafarge installée à Jalabiya, en Syrie, et les groupes armés djihadistes. Pour renforcer sa défense dans cette affaire de pot-de-vin pour le moins embarrassante, Lafarge compterait donc impliquer davantage les renseignements français et donc les autorités françaises de l'époque.
Déjà, le 20 juillet, l'ancien ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a été entendu comme témoin dans l'enquête. Il a assuré ne pas avoir été informé des activités de l'entreprise affirmant qu'«aucun élément d'information» ne lui était parvenu concernant le maintien en Syrie de l'entreprise au prix de présumés arrangements financiers avec des groupes armés dont l'organisation terroriste Daesh.
Lafarge aurait informé les services français sur les terroristes
En avril, le journal Libération, sur base des procès-verbaux de l'audition du directeur de la sûreté du cimentier Lafarge, expliquait que Lafarge renseignait régulièrement l'Etat français sur plusieurs groupes terroristes basés près de son usine en Syrie.
Des contacts permanents auraient ainsi été entretenus entre les dirigeants de l'usine Lafarge en Syrie et les services de renseignement français. Jean-Claude Veillard avait révélé qu'il avait rencontré à 33 reprises les différents services de renseignement extérieur, la Direction du renseignement militaire (DRM), la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), entre 2012 et 2014. «Correspondant» de Lafarge au sein du contre-espionnage, le fameux Monsieur D. apparaîtrait selon L'Express régulièrement dans les agendas de Jean-Claude Veillard pendant la période cruciale où le cimentier est soupçonné d'avoir entretenu des relations financières avec les groupes terroristes locaux, dont Daech.
Huit cadres de Lafarge sont déjà mis en examen pour financement du terrorisme et mise en danger de la vie d'autrui. Le cimentier est accusé d'avoir payé d'importants pots-de-vin aux groupes terroristes présents en Syrie pour pouvoir maintenir son usine de Jalabiya en activité jusqu'en 2014.