Davet et Lhomme dans le viseur de la presse française pour leur enquête sur l'islamisation du 93 ?

Davet et Lhomme dans le viseur de la presse française pour leur enquête sur l'islamisation du 93 ?© Tiphaine LE LIBOUX Source: Reuters
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Le dernier ouvrage des enquêteurs, connus pour avoir couvert de grandes affaires, rencontre un accueil mitigé dans la profession, qui critique notamment leur méthodologie. Le sujet, l'islamisation des banlieues, est-il étranger à cette réaction ?

Gérard Davet et Fabrice Lhomme sont des grands reporters de premier plan reconnus et adoubés par leurs pairs pour leur travail au Monde. A leurs états de service, on peut noter les enquêtes suivantes : l'affaire Bygmalion, l'affaire des écoutes de l'Elysée, celle des listings HSBC, les SwissLeaks et un livre entretien bien connu avec l'ancien président François Hollande intitulé Un président ne devrait pas dire ça… Les deux journalistes d'investigation ont été notamment soutenus par la profession en 2014 lorsque l'entourage de Nicolas Sarkozy avait annoncé son intention de leur nuire. Mais après leur dernière enquête sur l'islamisation de la Seine-Saint Denis, intitulée Inch'allah, l'islamisation à visage découvert, et publiée le 17 octobre, les deux compères font face à un accueil plus mitigé, aussi bien dans la presse que sur les réseaux sociaux.

Police, éducation, clientélisme électoral : des révélations peu ordinaires

Après huit mois de travail, les résultats de leur enquête font état de plusieurs cas tendant à montrer des incursions de l'islam dans des secteurs inattendus. Un des volets du livre les plus polémiques qui a été retenu par les commentateurs est celui qui décrit l'ambiance au sein de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis.

Selon l'enquête, une dizaine de policiers de religion musulmane auraient réclamé de la viande halal à l'occasion d'un barbecue annuel de la SDPJ93. Ils auraient également préféré éviter le contact avec les femmes chargées du service. Puis, ils auraient exigé que les femmes ne touchent plus au barbecue en question. 

Les policiers concernés ont démenti une partie de ces informations lors d'une interview accordée au journal Libération et ont précisé : «C’est totalement faux. Ceux qui voulaient manger halal pouvaient manger halal, comme dans toutes les administrations françaises. Tout le monde avait le droit de manger ce qu’il voulait.»

Un communiqué soutenu par la Mobilisation des policiers en colère (MPC) est venu appuyer ce témoignage : «Aucun personnel féminin de ce service ne subit une quelconque forme d’islamisation et aucun fonctionnaire du SDPJ93 n’est islamisé ou radicalisé.»

Les deux journalistes ont malgré tout maintenu leur version en évoquant des «sources extrêmement précises» sur BFMTV le 21 octobre : «On a des sources extrêmement précises qui nous indiquent qu’effectivement, lors d’un barbecue, il y a eu des récriminations adressées par des gens de religion musulmane à la direction de la PJ, disant "on veut du halal", "il y a trop de femmes qui manipulent le barbecue", et voilà, ça s’arrête là. Pourquoi on met cette histoire au début ? Parce que c’est une anecdote révélatrice, mais qu’on ne voyait pas l’intérêt d’en parler après», a ainsi expliqué Gérard Davet.

Son confrère ajoute ensuite : «Nous avons été contacté par un journaliste de Libération, qui écrit qu’il a trouvé trace d’un incident où en 2014, il y a eu un problème, où il fallait manger de viande halal. C’est une confirmation, c’est une anecdote qui s’ajoute à la nôtre.»

Les maires doivent composer avec eux et donc accepter une sorte de clientélisme religieux

L'ouvrage s'est par ailleurs intéressé aux relations troubles entre le monde politique et la sphère religieuse. Résumant la thèse du livre, Gérard Davet a notamment affirmé sur France Inter que «pour les municipales de 2020, les élus [allaient] devoir composer avec ce terreau islamisant» et d'ajouter : «La forte majorité de musulmans sur place vivent un islam modéré, mais il y a des musulmans qui veulent un islam plus revendicatif. Les maires doivent composer avec eux et donc accepter une sorte de clientélisme religieux.» Et de préciser : «Il y a un slogan maintenant en Seine-Saint-Denis : "une mosquée, trois mandats". C’est pour un maire une façon d’acheter sa pérennité électorale.»

Une journaliste a visité une école salafiste dans laquelle les enfants n’ont pas le droit de faire de la musique, les filles doivent être voilées

Le domaine de l'éducation est également abordé et les enquêteurs jettent à cet égard un pavé dans la mare. Fabrice Lhomme a notamment déclaré : «Une journaliste a visité une école salafiste dans laquelle les enfants n’ont pas le droit de faire de la musique, les filles doivent être voilées, les visages n’ont pas de représentation humaine… Ce sont des choses assez fortes en France en 2018.»

La méthode utilisée pour cette enquête est également inhabituelle : Gérard Davet et Fabrice Lhomme ont supervisé les travaux de cinq étudiants en journalisme qui se sont chargés de récoler les témoignages et d'en débattre avec eux. Leur hypothèse est une question : «L’islamisation de la Seine-Saint-Denis est-elle un fait ou une fake news ?» Les coulisses de leurs travaux ont également été filmées et ont donné lieu à un film intitulé La plume dans la plaie, diffusé sur LCP le 17 octobre.

Une méthode originale et un sujet «inflammable»

Si la façon de faire semble originale, les deux journalistes et les étudiants qui les ont accompagnés dans ce travail reconnaissent en préface le caractère «inflammable» de celui-ci et ils affirment avoir évité de s'adonner «à tous les raccourcis, à tous les amalgames», bien conscients que le sujet «effraye tous les tenants du politiquement correct».

La galerie de portraits n'est qu'une compilation de faits isolés et non une étude sociologique

Les télévisions et la presse se sont vite emparés du sujet du livre et les deux auteurs, ainsi que certains étudiants ont été copieusement invités sur les plateaux pour défendre leur travail depuis sa parution.

La journaliste de Mediapart, Faïza Zerouala, est rapidement montée au créneau pour critiquer l'ouvrage, évoquant des «imprécisions grotesques», dénonçant une «méconnaissance profonde de l'islam» et déplorant un livre «raté», «paresseux», résumé ainsi : du «macronisme journalistique».

L'enseignante Véronique Decker qui exerce en Seine-Saint-Denis et se trouve citée dans l'ouvrage a estimé pour sa part qu'elle ne trouvait pas ses propos correctement rapportés et a dénoncé «un projet assez ouvertement islamophobe». Elle a également déploré : «Les anecdotes que je raconte sont compressées et donnent l'impression que je passe ma vie à combattre des militants religieux, ce qui n'est pas le cas, même si cela m'arrive de temps en temps», et de préciser auprès de France info : «Mes propos n'ont pas été déformés, ils ont été cuisinés.»

France info cite également le Muslim Post pour analyser l'ouvrage : «La galerie de portraits, bourrée d'anecdotes de la vie quotidienne et de quelques révélations, n'est qu'"une compilation de faits isolés et non une étude sociologique", estime le site le Muslim Post, qui regrette des propos "alarmistes sans livrer de véritables chiffres précis".»

Un projet assez ouvertement islamophobe

«Une enquête de journalistes n'est pas une enquête sociologique», rappelle pour sa part le média Arrêt sur Images qui s'appuie sur une déclaration de Fabrice Lhomme pour titrer l'article présentant leur entretien sur le plateau de l'émission.

Sur le front politique, le président PS du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel n'a visiblement pas non plus apprécié l'ouvrage et s'en est ouvert sur son blog personnel. Tout en concédant qu'«il ne s'agit pas de nier que certaines dérives religieuses importantes existent et qu’il faut les combattre», il a cependant nié que les habitants de son secteur s'intéressaient au sujet de l'islamisme : «En Seine-Saint-Denis, que veulent les gens ? [...] Pas du halal, pas du voile, pas de la mosquée. Ils veulent un logement, ils veulent des transports qui fonctionnent, ils veulent avoir accès à un emploi.»

Une autre partie de la presse peine à contenir son exultation

L'enquête a cependant reçu un accueil favorable de la part des journaux qui ont pour habitude de tirer à boulets rouges sur l'incursion du fait religieux musulman dans l'espace public. Marianne salue «une enquête remarquable par son contenu et sa rigueur, servie par une galerie d’acteurs et de témoins». 

Valeurs actuelles a de son côté fait son miel du passage sur le clientélisme des maires du 93.

Le magazine mensuel d'opinion fondé et dirigé par Elisabeth Lévy, Causeur, s'est amusé de l'atermoiement des médias autour de l'enquête et a notamment ironisé sur le traitement que France Inter a réservé au sujet : «Pas folle, Léa Salamé s’attarde ainsi sur les méthodes originales de nos deux modestes journalistes. Ils ont confié l’enquête de terrain à des étudiants, ces malins ! Les chers petits ont été épaulés et bien conseillés par Davet, Lhomme et leur sidéral savoir, c’est mignon comme tout. On apprendra quand même qu’il existe dans des écoles des cantines où les élèves non musulmans – minoritaires – sont qualifiés d'"impurs" et ne mangent pas à la même table que les autres, ce qui est moins mignon. Et n’augure pas des lendemains qui chantent. Autre phénomène cocasse : une épidémie d’allergies au chlore touche les gamines attendues au cours de natation.»

Entre amertume et humour, Kepel ironise

Deux des étudiantes ayant participé à l'enquête de Davet et Lhomme ont également été invitées à expliquer leur travaux dans l'émission C'Politique le 21 octobre. Elles se trouvaient en présence de l'auteur Gilles Kepel qui a rapporté avoir été lui-même attaqué pour son ouvrage Quatre-vingt-treize, publié en 2012. Ironie du sort, il a rappelé avec humour sur le plateau de France 5 que c'est justement le quotidien Le Monde, qui emploie Gérard Davet et Fabrice Lhomme, qui s'en était pris à son livre, pour les mêmes raisons qui valent cet accueil pour le moins mitigé à l'ouvrage de ces derniers.

Lire aussi : Collomb évoque «la loi du plus fort» de narco-trafiquants et d'islamistes dans certains quartiers

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