Affaire Benalla : à l’unisson, l'opposition demande l'audition d'Emmanuel Macron
Après les auditions du 23 juillet, dont celle du ministre de l'Intérieur, plusieurs députés de l'opposition veulent entendre le chef de l'Etat afin qu'il s'explique sur l'affaire Benalla. La majorité y est, pour l'heure, hostile.
Après l'audition de Gérard Collomb ce 23 juillet par la commission des lois, durant laquelle le ministre de l'Intérieur s'est dédouané de toute responsabilité dans l'affaire Benalla, soulignant que c'était au cabinet du président et à la préfecture de police d'agir, de nombreux députés de l'opposition réclament maintenant l'audition du président de la République.
Le préfet de police Michel Delpuech, auditionné lui aussi dans l'après midi avait pour sa part dénoncé ouvertement «des dérives individuelles inacceptables sur fond de copinage malsain» et affirmé que Benalla était «connu» des autorités. Le scandale politique que constitue l'affaire Benalla semble ainsi mettre toute l'opposition d'accord : Emmanuel Macron doit être auditionné.
La députée Les Républicains Valérie Boyer a appelé le président de la République à «sortir de son mutisme».
➡️Pour @gerardcollomb il appartenait à l'Elysée d'agir.
— Valérie Boyer (@valerieboyer13) 23 juillet 2018
➡️ Le préfet de Paris, parle de "copinage malsain" et renvoie vers l'Elysée
Quand l'Elysée sortira de son mutisme ? #AffaireBenalla
Sur le plateau de RT France, Florian Philippot, le président des patriotes, a estimé le 23 juillet que «tous les chemins men[aient] à Macron» et que si ce dernier ne voulait pas s'exprimer il devait quitter ses fonctions : «Qu'il parle ou qu'il parte», a-t-il lancé.
A gauche, Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France insoumise, demande également l'audition du président de la République. Selon lui, il n'y a que ce dernier qui «sait tout». Dans une série de tweets, il s'est abondamment exprimé sur cette affaire : «Personne ne veut assumer, a-t-il notamment écrit. Monsieur Collomb est en train de lâcher monsieur Macron. C'est à croire qu'il prépare déjà la municipale à Lyon.»
Allons à ce qui compte. Il n'y a qu'une seule personne qui sait tout, c'est monsieur #Macron. Il faut qu'il vienne s'exprimer devant la #CommissionEnquete. #BFMTV#19hRuthElkrief
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 23 juillet 2018
Même tonalité du côté de Nicolas Dupont-Aignant (Debout la France) ou Benoit Hamon (Génération.s).
"Celui qui devait incarner Monsieur Propre va t-il devenir Monsieur Magouille ?
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) 23 juillet 2018
Le Président doit s'exprimer devant les Français, c’est dans son rôle politique. #AlexandreBenalla" #24hPujadas
Il faut désormais que les commissions d’enquête à l’Assemblée et au Sénat convoquent le Président de la République, parce qu’il détient la plupart des clefs de la vérité. #CollombAuditionpic.twitter.com/tgWEFhtiz9
— Benoît Hamon (@benoithamon) 23 juillet 2018
Pour Marine Le Pen, «le silence de Macron dans l’affaire Benalla est en train de transformer cette affaire en affaire Macron. Il s’enferme dans le mutisme alors que c’est un scandale d’Etat».
« Le silence de #Macron dans l’affaire #Benalla est en train de transformer cette affaire en affaire #Macron. Il s’enferme dans le mutisme alors que c’est un scandale d’Etat ! » @BFMTV#AffaireBenallaMacron
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) 21 juillet 2018
Plusieurs experts jugent que l'audition d'Emmanuel Macron devant la commission des lois de l'Assemblée nationale n'est pas possible, en vertu du principe d'irresponsabilité du président de la République, inscrit dans l'article 67 de la Constitution. Selon ce texte, le président de la République «ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite.»
Peut-on auditionner le président de la République ?
Cela a servi d'argument au président de l'Assemblée nationale François de Rugy qui, interrogé ce 23 juillet sur France Inter a déclaré: «Le président de la République n'est pas responsable politiquement devant le Parlement [...] c'est le gouvernement qui l'est.» Il a également estimé ce 24 juillet sur France 2 que cette éventualité n'avait «aucun sens». «Je pense que le président de la République s'exprimera [...] mais pas au Parlement, ça n’aurait aucun sens, pas devant une commission d’enquête parlementaire, là il y aurait un dévoiement de nos institutions», a-t-il poursuivi.
D'autres spécialistes de la Constitution, comme le constitutionaliste et professeur de droit public à l'université Panthéon Sorbonne, Dominique Rousseau, ont une autre interprétation. Si l'article 67 interdit précisément la convocation du président «devant une juridiction ou une autorité administrative», une commission d'enquête parlementaire n'est ni l'une ni l'autre, selon le juriste cité par Franceinfo. De ce fait, rien, dans la Constitution ne s'oppose selon lui à la demande d'audition d'Emmanuel Macron devant cette instance parlementaire.
L’article 67 de la constitution interdit au PR de témoigner devant une juridiction ou une autorité administrative. Une commission d’enquête parlementaire est ni l’une ni l’autre. Le PR pourrait donc être invité pour témoigner non de sa politique mais de l’organisation de l’Elysée
— Rousseau Dominique (@RousseauDomini5) 23 juillet 2018