Serge Dassault : des hommages qui occultent la part sombre du personnage

Serge Dassault : des hommages qui occultent la part sombre du personnage© Gonzalo Fuentes Source: Reuters
Serge Dassault est décédé le 28 mai
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Du Premier ministre Edouard Philippe à François Hollande, les hommages pleuvent après la mort de l'ancien sénateur, maire et homme d'affaires Serge Dassault. On en oublierait presque toutes les controverses et déboires judiciaires de l'élu...

Après la mort d'une personnalité, l'usage habituel veut qu'on lisse ses aspérités et qu'on évite toute allusion à la part sulfureuse de son passé. La mort effacerait-t-elle donc toute critique ? Le respect du défunt vaudrait-il donc une expiation totale ?

Les hommages d'hommes politiques ont été nombreux après le décès le 28 mai de Serge Dassault, héritier de l'empire éponyme, maire de Corbeil-Essonnes entre 1995 et 2009, sénateur entre 2004 et 2017, et ancien conseiller général et régional, membre des Républicains (LR).

Dans son éloge funèbre le 1er juin, le Premier ministre Edouard Philippe a notamment déclaré que Serge Dassault «restera[it] une grand figure éminemment moderne de notre excellence industrielle».

Son prédécesseur, Manuel Valls, a évoqué le même jour une «belle et émouvante cérémonie à Saint Louis des Invalides et dans la cour d’honneur des Invalides pour Serge Dassault». «Nous étions nombreux à lui rendre hommage et à applaudir le passage des Rafales et d’un Falcon, beau symbole pour un dernier adieu», a-t-il ajouté.

L'ancien président de la république, Nicolas Sarkozy a confié qu'«avec la disparition de Serge Dassault, la France perdait un très grand industriel, le monde de l'aviation, un pionnier, l'opinion publique un grand patron de presse et moi, plus simplement, un ami».

François Hollande a salué dans LeFigaro la mémoire d'un «ingénieur qui croyait à la technologie française». «Si on veut garder une image de Serge Dassault, c'est celle de l'abnégation et de la force de conviction», a-t-il ajouté.

L'ancien candidat LR à la présidentielle, François Fillon, l'eurodéputée Nadine Morano (LR), le parlementaire Eric Ciotti (LR) ou la présidente du Front national (FN), Marine Le Pen, lui ont aussi rendu hommage.

De nombreux témoignages qui évitent soigneusement d'évoquer les polémiques et les déboires judiciaires de l'ancien édile, impliqué dans plusieurs affaires. Jugé à de multiples reprises, Serge Dassault a notamment été condamné à :

  • 2 ans de prison avec sursis en 1998 pour corruption active, c’est-à-dire le versement de pots-de-vin, dans l'affaire Agusta, impliquant un marché d'achats d'hélicoptères et d'avions en Belgique.
  • Deux millions d'euros d'amende et à cinq ans d'inéligibilité pour «blanchiment» en 2017, pour avoir caché, pendant quinze ans, des comptes à l’étranger notamment au Liechtenstein et au Luxembourg. Un procès en appel devant avoir lieu entre le 6 et le 8 juin, l'amende de deux millions d'euros n'aura donc pas à être payée et la condamnation n'aura pas été inscrite à son casier judiciaire.

Des affaires qui ont incité l'humoriste Pablo Mira à ironiser sur la mort de Serge Dassault : «Le Luxembourg et le Liechtenstein déclarent 3 jours de deuil national.»

En outre, Serge Dassault a été mis en examen en 2014 pour fraude électorale et l'achat de votes, durant les élections municipales de 2008, 2009 et 2010.

Les chômeurs, les salariés et les homosexuels dans le viseur

Par ailleurs, Serge Dassault est l'auteur de plusieurs sorties médiatiques controversées.

Le 19 juin 2008, le sénateur avait jugé «anormal» que l’Etat aide les chômeurs, «des gens qui ne veulent pas travailler» et suggéré de «réduire carrément les aides» : «Prime pour l'emploi et bientôt RSA... C'est quand même anormal de vouloir donner de l'argent de l'Etat, qui n'en a pas beaucoup, à des gens qui ne veulent pas travailler parce qu'on les paye trop et coûtent aussi beaucoup d'argent à l'Etat.»

Concernant les salariés français, Serge Dassault, invité d'I-télé le 10 juillet 2008, avait déclaré : «Les chinois travaillent 45 heures, ils dorment sur place dans leur usine, ils font de bons produits pas chers. La France ne travaille pas.» Il avait d'ailleurs ajouté : «Les 35 heures c’est le cancer de la France, cela a cassé l’industrie. Les gens sont habitués maintenant à ne pas travailler.»

Le 7 novembre 2012 sur France Culture, à propos de la loi officialisant le mariage pour tous, Serge Dassault fut, là encore, virulent : «On veut un pays d’homos ? Dans dix ans il n’y a plus personne, c’est stupide. Regardez dans l’histoire : la Grèce, c’est une des raisons de sa décadence à l’époque. Décadence totale. C’est l’arrêt de la famille, c’est l’arrêt du développement des enfants, c’est l’arrêt de l’éducation, c’est un danger énorme pour l’ensemble de la nation.»

Lire aussi : Comptes cachés de Serge Dassault : 2 ans de prison avec sursis et 9 millions d'euros d'amende requis

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