«Mise en accusation des musulmans» ? Des voix dénoncent la tribune contre le «nouvel antisémitisme»

«Mise en accusation des musulmans» ? Des voix dénoncent la tribune contre le «nouvel antisémitisme»© Alain Jocard Source: AFP
Marche contre l'antisémitisme à la mémoire de Mireille Knoll le 28 mars, l'octogénaire juive assassinée à Paris.
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La tribune contre le nouvel antisémitisme, signée par 300 intellectuels et personnalités, commence à faire débat chez plusieurs éditorialistes et responsables musulmans.

Le manifeste «contre le nouvel antisémitisme» lié à l'islam radical, signé par 300 personnalités et publié le 21 avril, a provoqué la réprobation de quelques éditorialistes, de responsables musulmans et du porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Philippe Poutou, ceux-ci estimant que le texte porte atteinte aux musulmans dans leur ensemble. 

L'essayiste Pascal Bruckner, signataire du texte, a réfuté cette intention. «Nous n'appelons pas à la stigmatisation mais à l'insurrection des bonnes volontés et dans ces bonnes volontés, les musulmans réformateurs, les musulmans libéraux, les musulmans éclairés sont évidemment d'accord», a-t-il affirmé sur France Inter ce 23 avril. 

Poutou : «Combien d'Arabes tués ? Il y en a peut-être beaucoup plus ! Sûrement même»

Parmi les détracteurs du texte, Philippe Poutou, sur le plateau de BFMTV le 23 avril, a livré une véritable diatribe. Selon lui, les chiffres d’agressions visant ces deux communautés varieraient selon les années, sans pour autant fournir des données précises. «Ça se croise c’est pas si simple que ça», a-t-il relativisé. «Combien d'Arabes tués ? Il y en a peut être beaucoup plus ! Sûrement même», a-t-il bafouillé, semblant vouloir dire qu’ils étaient tout autant victimes de violences racistes, voire davantage que les juifs. 

«On pourrait discuter de la lutte contre tous les racismes», a-t-il également argumenté, dénonçant un texte qui selon lui soutient «l'Etat d'Israël et Netanyahou». Il appelle en outre à une sorte de convergence de toutes les luttes antiracistes : «C’est sûr qu’il y a un racisme à tous les niveaux qu’il faut combattre, mais ce combat là, c’est la gauche radicale qui l’a le plus», a-t-il estimé.

Des éditorialistes critiques

Certains éditorialistes ont également pris des distances avec ce texte, voire émis de sévères critiques, sans toutefois contester son diagnostic. Denis Daumin, de La Nouvelle République du Centre-Ouest, regrette que le manifeste dresse, selon lui, les communautés les unes contre les autres. «Cette plaie qu'élargit ce texte sous l'argument de l'alerte et sans apporter de remède d'ailleurs, c'est celle de la République laïque qui s'effrite, du choc des communautés portées par la religion, de l'ennemi intérieur prospérant en camouflé, de notre yougoslavisation annoncée», a-t-il affirmé.

Une bataille de procédure théologique sans issue

Jean-Michel Helvig, ancien éditorialiste de Libération, conteste dans La République des Pyrénées, l’appel du manifeste à rayer des versets dirigés contre les juifs dans le Coran. «Plutôt que de se lancer dans une bataille de procédure théologique sans issue, mieux eût valu que l'appel encourage à des initiatives de la société civile – et les artistes en sont des fers de lance – pour dépasser les préjugés antisémites avec des actions réunissant juifs, arabes, chrétiens et bien sûr athées, dans un dépassement commun de préjugés devenus de plus en plus criminels à l'égard des juifs», écrit-il.

Une mise en accusation des musulmans de ce pays, réputés étrangers à une véritable identité française, sauf à renoncer à leur dignité

Enfin, le journaliste Claude Askolovitch, qui a longuement commenté le manifeste dans les colonnes du site Slate, se dit «glacé par la tribune». Il trouve le texte «horrible pour ce qu’il nourrit» : «Une mise en accusation des musulmans de ce pays, réputés étrangers à une véritable identité française, sauf à renoncer à leur dignité». Il conteste le message sous-jacent de la tribune : «Elle fait de la lutte pour les juifs une composante du combat identitaire français, et cette identité exclut.» Il en déduit que ce texte induit que «la défense du juif implique le refus de l’islam». 

Claude Askolovitch s'y montre aussi circonspect vis-à-vis des motivations antisémites des crimes récents visant des membres de la communauté juive : «Les assassins de Ilan Halimi étaient "simplement" des barbares pétris de lucre et de haine, et rien n’atteste définitivement des motivations religieuses des tueurs de mesdames Knoll et Halimi

La très longue tribune de Claude Askolovitch a été retweetée par l'humoriste Didier Porte ainsi que le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi. 

Le courroux des responsables musulmans

Tareq Oubrou, le recteur de la grande mosquée de Bordeaux, a quant à lui critiqué les arguments du texte. «Dans la tribune, il est stipulé clairement que le Coran "appellait au meurtre des juifs et des chrétiens" : c'est une erreur monumentale, et d'une violence inouïe. Le Coran n'appelle pas au meurtre ; il appelle au combat des gens qui sont hostiles», a-t-il expliqué à France Info.

La Grande mosquée de Paris, citée par l'AFP, évoque «un procès injuste et délirant d'antisémitisme» fait aux musulmans, dénonçant une tribune présentant «le risque patent de dresser les communautés religieuses entre elles».

Le manifeste «contre le nouvel antisémitisme», paru le 21 avril dans Le Parisien, et rédigé par l'ancien directeur de Charlie Hebdo, Philippe Val, a rassemblé les signatures de 300 personnalités telles que Nicolas Sarkozy, Bertrand Delanoë, Eric-Emmanuel Schmitt, Gérard Depardieu ou encore Yoan Sfar. Le texte fustige la radicalisation islamiste. Selon ses signataires, «les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans. 10% des citoyens juifs d’Ile-de-France – c’est-à-dire environ 50 000 personnes – ont récemment été contraints de déménager parce qu’ils n’étaient plus en sécurité dans certaines cités».

Lire aussi : De Nicolas Sarkozy à Renaud, plus de 250 signataires manifestent «contre le nouvel antisémitisme»

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