Appelé «Ben Ben» pour «Ben Laden» : le procès d'Abdelkader Merah se poursuit
Consternation au second jour de procès d’Abelkader Merah, accusé de complicité dans les assassinats terroristes de son frère Mohamed : l'accusé se faisait appeler Ben Ben pour Ben Laden. Sa vie violente est au cœur des discussions.
Le chaos, la violence, l'intégrisme : voilà les thèmes du programme de la seconde journée de procès d'Abdelkader Merah devant la cour d'assises de Paris. L'assistance atterrée apprend qu'on l'appelait «Ben Ben». «Ça correspond à quoi ?» demande le président. «A Ben Laden» répond l’accusé comme on peut le lire sur le Twitter d’une journaliste présente au tribunal.
#Merah - Le président : Aviez vous un surnom ?
— Catherine Fournier (@cathfournier) 3 octobre 2017
- Abdelkader Merah : Ben ben
- ça correspond à quoi ?
- Ben Laden"
«Lors des attaques du World Trade Center, j'avais crié "Vive Ben Laden" mais c'était pas une question religieuse, à l'époque j'étais un petit délinquant à mille lieues de l'islam», se défend le prévenu, cité par l'AFP, et accusé de complicité dans les attentats commis par son frère Mohamed Merah. A ce dernier était échu le surnom de «Petit Ben Ben».
En mars 2012, Mohamed Merah avait assassiné trois enfants et un homme présents dans l'école juive Ozar Hatorah, à Toulouse, ainsi que trois militaires, crimes revendiqués par le groupe djihadiste Jund al Khalifat, affilié à Al-Qaïda. L’objet du procès est aujourd’hui de déterminer le degré d’implication de son frère aîné, soupçonné d’avoir incité le terroriste à commettre ses crimes et de lui avoir fourni le scooter utilisé pour les attentats. L'accusé nie avoir eu connaissance des projets terroristes de son frère.
Une jeunesse marquée par le chaos et la violence
L’itinéraire tourmenté d’Abdelkader Merah a été passé au crible en ce deuxième jour de procès. Né en 1982 à Toulouse, l'accusé est le quatrième d'une fratrie de cinq enfants, Mohamed étant le plus jeune. Le père de famille était d’abord ouvrier, puis gérant d'une fabrique de matériel de construction. Mais Abdelkader bascule dans la délinquance et se fait condamner à cinq ans de prison ferme pour détention de plusieurs kilos de cannabis en 2000. Sa mère, Zoulika Aziri, née en Algérie, a rejoint son mari en France en février 1981. Des témoignages ont décrit des scènes de violences dans le couple mais l’accusé jure n'en avoir jamais été témoin. «Avec mon père, il n'y avait pas d'échange mais il était très attentif», raconte l'accusé. «Ma mère, à mes yeux, elle est parfaite. Elle est prête à donner sa vie pour moi», poursuit Abdelkader Merah. Ses parents finissent par divorcer et le père repart en Algérie. Un traumatisme pour l’accusé qu’il qualifie de «seconde guerre mondiale». De cette nouvelle vie sans père dans un appartement avec ses frères et sœurs et sa mère, Abdelkader Merah dit : «Avant, c'était une famille parfaite, après, c'était chaotique.»
Il finit par obtenir un CAP de peintre en bâtiment en 1999 après un parcours scolaire perturbé. Il sera placé en foyer par les services sociaux et entame une vie de violences, à commencer par celles qu'il exerce sur ses frères et sœurs et sa mère. Un des rapports des services sociaux de l'époque note à son égard: «Il provoque, agresse, insulte, toujours à l'affût d'un mauvais coup, passe outre à l'autorité des adultes, avec une hyperactivité inquiétante ouvrant la voie à un comportement antisocial. Les week-ends, il frappe sa mère qui se réfugie dans sa chambre au moindre débordement de son fils.»
A 21 ans, il est emprisonné parce que son pitbull a mordu son frère Mohamed, puis il est condamné à quatre mois fermes pour avoir poignardé son frère Abdelghani en 2003.
La conversion à l'islam
Mais à 24 ans, en 2006, il se convertit à l'islam, affirmant avoir trouvé la paix dans cette religion, et souhaite se ranger. «Après je n’ai plus crié sur ma mère», explique-t-il a l’assistance, comme le reporte une journaliste présente dans la salle d’audience
Abdelkader #Merah explique que l'islam a changé sa vie. "Ca m'a changé de personne, après, je n'ai plus crié sur ma mère. Tout a changé."
— Sophie Parmentier (@sophparm) 3 octobre 2017
A cette date, il épouse religieusement et par téléphone sa compagne Yamina Mesbah, et fuit dans la campagne toulousaine pour fuir «les actes de turpitude, de débauche et de péché» de la ville.
Cette révolution intérieure a conduit Mohamed Merah à prendre pour modèle son frère parti en Egypte étudier le Coran dans une école religieuse salafiste. Une des discussions du jour concerne son comportement en prison, et son prosélytisme qui l’a conduit à passer la majeure partie du temps de son incarcération à l’isolement. Me Morice, l’avocat d’une des victimes, rappelle que l'accusé a déclaré en prison: «La loi islamique, on l’imposera chez vous», comme on peut le lire sur le LiveTweet d’une journaliste assistant au procès.
#Merah Me Morice rappelle une phrase d'Abdelkader en prison:"Vous ne casserez pas ma foi,la loi islamique, on l'imposera chez vous".
— Catherine Fournier (@cathfournier) 3 octobre 2017
Abdelkader Merah évoque aussi les différences entre culture maghrébine, islam et mode de vie occidental. «Les Algériens, on peut pas comparer avec la culture occidentale» a-t-il déclaré.
«Notre mode de vie et le vôtre, c'est différent, c'est chacun ses traditions», a-t-il martelé. Le président lui a rappelé qu'il était français.