Mort de Yacine : après Théo, une nouvelle affaire met le feu aux poudres à Aulnay-sous-Bois

Mort de Yacine : après Théo, une nouvelle affaire met le feu aux poudres à Aulnay-sous-Bois© Patrick Kovarik Source: AFP
Incendie à Bobigny le 11 février 2017 suite à des protestations concernant l'affaire Théo.
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La nuit du 30 septembre, Aulnay-sous-Bois a été le théâtre de nouvelles violences. Celles-ci seraient liées à la mort d'un jeune homme, Yacine, retrouvé dans une cave dans des circonstances qui laissent sa famille et l'avocat de celle-ci perplexes.

Depuis le 24 septembre, des nuits de violences et des rassemblements se succèdent à Aulnay-sous-bois pour réclamer la vérité sur la mort de Yacine, un jeune homme retrouvé inanimé dans une cave du quartier Savigny début septembre. Si l'autopsie a conclu à un décès par overdose, les proches du jeune homme, troublés par différents éléments, réclament une contre-expertise, soutenus par l'avocat Frank Lévy qui s'est confié à RT France.

Que se passe-t-il?

Il y a un petit air de déjà vu à Aulnay-sous-Bois, les émeutes actuelles pouvant rappeler celles de février 2017 ayant suivi l'affaire Théo, lorsque ce jeune homme avait été gravement blessé à l'anus au cours d'un contrôle policier. Dans la nuit du 24 au 25 septembre, plusieurs véhicules ont été incendiés, ainsi que les classes d’une école maternelle. Et dans la nuit du 30 septembre, des projectiles ont été lancés contre des Autolibs en stationnement qui ont ensuite brûlé, comme on peut le voir sur une vidéo circulant sur les réseaux sociaux. On y voit également un jeune homme taguer sur les murs le slogan «Justice pour Yacine».

Les photos et vidéos trouvées sur les réseaux sociaux, de riverains ou des comptes Twitter tels que Blocus Info (qui se présente comme un collectif de reporters indépendants) ou La Police Assassine (un collectif contre les bavures policières) laissent elles aussi penser que ces dégradations sont liées à la mort de ce jeune homme du quartier, le 14 septembre au matin.

Yacine avait été retrouvé dans une cave par un dératiseur. Un médecin a constaté qu'il était allongé sur une barre de fer, le pantalon baissé et sentait l’alcool, selon LCI. Comme dans les affaires Théo ou Adama Traoré, mort par asphyxie après avoir été appréhendé, l’histoire de Yacine est associée à ce que ses proches estiment être une rétention d'information sur le dossier de la part des policiers. En revanche ces derniers ne sont pas considérés par la famille comme étant directement liés à l’histoire, ni même incriminés.

Dans la journée du 30 septembre, 300 personnes se sont rassemblées à Aulnay-sous-Bois pour réclamer la vérité sur la mort de Yacine. Des proches d’Adama Traoré et de Théo sont venus soutenir la famille de Yacine. 

Qui est Yacine ?

Le jeune homme de 24 ans, apprenti-chauffeur, était connu des services de police pour trafic de stupéfiants, selon le site de BfmTV. La nuit du décès, du 13 au 14 septembre, selon ses proches, Yacine a quitté des amis vers 4h40. Son frère a laissé entendre qu'il devait retrouver sa mère pour qu’elle lui donne les clés avant de partir au travail. Or il n’est jamais rentré.

La découverte du corps inanimé de Yacine le 14 septembre au matin dans une cave de la cité, face contre terre, comportant un certain nombre de blessures, pouvait susciter toutes les hypothèses. L’autopsie a conclu à l'absence de lésion de prise de maintien ou de défense et à l'absence de lésion susceptible d’avoir provoqué le décès, selon le parquet de Bobigny qui l'a confié à LCI. Le résultat des analyses toxicologiques a révélé le 16 septembre un fort taux de cocaïne dans le sang, compatible avec un décès par overdose. Les policiers auraient par ailleurs retrouvé quatre téléphones portables et 300 euros dans ses vêtements. Une perquisition menée au domicile du jeune homme où il vivait avec ses sœurs aurait permis de saisir divers objets laissant entendre qu'il était impliqué dans un trafic de stupéfiant, tels qu'une feuille de compte ou une importante somme d’argent en liquide, toujours selon LCI.

Pourquoi Aulnay brûle-t-il ?

L'enquête a d'abord été ouverte pour «recherche des causes de la mort» du jeune homme. Mais les résultats de l'autopsie ayant révélé une overdose, elle vise désormais les chefs d’homicide involontaire et trafic de stupéfiants et a été confiée à la sûreté territoriale. Le parquet de Bobigny a, dès le début de cette affaire, écarté la piste criminelle. Et la famille de Yacine était prête à se ranger aux renseignements donnés par la police, qui avait signalé que Yacine avait juste une petite blessure sur le front, due à sa chute face contre terre. «Nous, on ne s’est pas posé plus de questions que ça, on les a crus», déclare Bilel, le frère de Yacine, sur une vidéo de la chaine Youtube du site Prises de rue. Mais la vision du corps de Yacine à l'Institut Médico Légal les a fait basculer. «La face gauche présentait d’importants hématomes au niveau de la tempe, le côté gauche du nez était gonflé, tuméfié», explique Bilel, «ensuite on a eu les informations au compte goutte comme quoi il avait des blessures sur les mains, des blessures au thorax, et des blessures au niveau des genoux.» Par ailleurs, la cave où a été retrouvé le corps, alors même qu'il n'y avait pas de certitudes sur les causes de la mort, n'a pas été sécurisée pour d'éventuels recueils d'indices.

Toutes ces incohérences ont troublé la famille qui veut que d'autres investigations soient menées. «Au vu des éléments, la piste criminelle ne peut être balayée d'un revers de manche», estime Me Frank Lévy, l'avocat de la famille, contacté par RT France. Bilel a porté plainte contre X pour homicide le samedi 23 septembre. «Le 25 septembre, le Procureur a pris la plainte, mais il a dit qu’il n’avancera[it] pas», assure l'avocat, ajoutant que toute investigation supplémentaire a été de fait rendue impossible, déclenchant la fureur des habitants d'Aulnay. 

Quant aux éléments recueillis, ils sont inaccessibles, car cantonnés au dossier, en possession du procureur et de la police. «Tant que ça ne passe pas en instruction, on ne peut pas le récupérer», explique l'avocat. «Nous avons passé cinq heures chez Bilel avec sa mère et sa sœur, nous avons exploré toutes les pistes et remis une énorme liste qui peut être confiée à un juge d'instruction. Les éléments que nous avons peuvent être explorés par la police, des personnes n’ont pas été interrogées et des constatations techniques doivent être faites», estime Me Lévy.