La situation en Guyane s’enlise, les représentants des citoyens claquent la porte des négociations
- Avec AFP
Les négociations, entre un collectif de Guyanais et les ministres Matthias Fekl et Ericka Bareigts, qui visent à sortir la Guyane de plus de dix jours de conflit social, se sont arrêtées le 30 mars quelques minutes à peine après avoir commencé.
Les ministres de l'Intérieur Matthias Fekl et des Outre-mer Ericka Bareigts avaient entamé le 30 mars au matin leurs discussions avec les leaders de la mobilisation en Guyane, très déterminés à obtenir les moyens de faire enfin «décoller» le territoire après le succès des manifestations des derniers jours.
Pour l'heure, les négociations sont interrompues car les collectifs souhaitent la présence de la presse, ce qui leur a été refusé #Guyane
— Virginie Sainsily (@vsainsily) 30 mars 2017
Mais alors que les médias n’avaient pas été conviés aux discussions, le collectif portant les revendications a décidé, moins d’une demi-heure après le début de la rencontre, que «ça ne pouvait pas se passer comme ça pour des questions de transparence», a déclaré l’un de ses membres, le représentant du Medef local, Stéphane Lambert, à l’AFP.
#Guyane Malgré la pluie les habitants restent mobilisés et sont de plus en plus nombreux devant la préfecture de Cayenne pic.twitter.com/2kXaU8Pz1g
— Virginie Sainsily (@vsainsily) 30 mars 2017
La vingtaine de négociateurs issus de la société civile guyanaise sont alors sortis de la préfecture, où les discussions se tenaient. Ils faisaient face à 11h30 (16h30 à Paris) à des centaines de manifestants venus les soutenir, qui s’affirment «déterminés».
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La rencontre avait démarré dans une ambiance électrique et sous une pluie battante, avec une heure et demie de retard.
La ministre de l'Outre-mer Ericka Bareigts a néanmoins présenté «ses excuses» au «peuple guyanais» pour des années de sous-investissement de Paris en Guyane.
«Au bout de tant d'années, c'est à moi que revient l'honneur de dire, au-delà de ma petite personne, au-delà des fonctions, toutes mes excuses au peuple guyanais», a lancé la ministre du perron de la préfecture de la Guyane, s'attirant les acclamations et les applaudissements de centaines de personnes.
Une partie des requêtes déjà validées par Paris
Alors que la rencontre devait commencer à 9h locales, le collectif des «500 frères», soutenu par des centaines de manifestants, avait d’abord exigé, et obtenu, le retrait du dispositif de sécurité érigé face à la préfecture, menaçant de se retirer des discussions.
Les excuses à la #Guyane de la part de la Ministre des OM pic.twitter.com/cfbWbea1mx
— Mariéma Zylna (@MZylna) 30 mars 2017
«Le combat ne fait que commencer», avait prévenu le 29 mars Mickaël Mansé, un porte-parole des «500 frères», mouvement très actif depuis le début de la crise il y a dix jours.
🚧#CriseSociale 🚧
— Guyane🅰️ctuHebdo (@GuyaneActu) 30 mars 2017
Déterminés, déterminés, déterminés ...
pic.twitter.com/ZAVvLB5a9n#Guyane#Crise
«Quel que soit le gouvernement» qui sortira des élections, «ils nous doivent les infrastructures que tous les autres départements français ont !» a asséné Mickaël Mansé devant des centaines de personnes réunies sur un rond-point de Cayenne, qui scandaient, dans une ambiance festive, «nou bon ké sa» qui se traduit par «ça suffit» en créole.
Et Mickaël Mansé, très remonté contre Paris, de lister les besoins de la Guyane en termes de prison, de justice et de police.
La #Guyane, une «île» ? La science géographique de #Macron à nouveau visée par les critiques https://t.co/WrNxl1hjVipic.twitter.com/qaghAv8ZJg
— RT France (@RTenfrancais) 27 mars 2017
Une partie de leurs requêtes a déjà été validée par l'exécutif. Le 29 mars, le Premier ministre Bernard Cazeneuve a acté la création d’un Tribunal de grande instance et d’un centre pénitentiaire à Saint-Laurent du Maroni, la deuxième ville du territoire, ainsi que la suspension de la cession du centre médical de Kourou.
Les 500 frères devant chez le préfet @GuyaneActu#guyane #973 pic.twitter.com/FY1KchB2sK
— Jean-philippe ROSSI (@jeanfloup) 25 mars 2017
Le préfet Jean-François Cordet, qui pilote une mission de hauts fonctionnaires envoyée par Paris, active depuis le 25 mars en Guyane, avait annoncé deux jours plus tard le renfort de «25 policiers, 23 gendarmes», ou «la fidélisation d’un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne».
Le gouvernement fustige «l'instrumentalisation» de la crise guyanaise par les candidats #guyanehttps://t.co/1jdM2Yygmmpic.twitter.com/0CwVy0vMJU
— RT France (@RTenfrancais) 27 mars 2017
Ericka Bareigts et la ministre de la Santé Marisol Touraine ont validé le 29 mars une aide de fonctionnement exceptionnelle de 20 millions d’euros à l'hôpital de Cayenne, en difficulté financière.
Les commerçants chinois solidaire et participe à l'aide sur les barrages @GuyaneActu#guyane #973 pic.twitter.com/bhcb05JkbN
— Jean-philippe ROSSI (@jeanfloup) 24 mars 2017
La tâche s'annonce malgré tout ardue pour les deux représentants du gouvernement, arrivés le 29 mars soir dans la capitale guyanaise, et qui ont immédiatement affiché un esprit de «compréhension» pour «les difficultés» qu'affronte le territoire ultramarin, selon Matthias Fekl.
Pas de montant précis sur la table
«Nous sommes là pour écouter, pour avancer avec des solutions concrètes», a dit Matthias Fekl, prêt à rencontrer tous ceux qui veulent «sereinement construire l'avenir de la Guyane».
A ses côtés, Ericka Bareigts a appelé à «maintenir la perspective» et «dresser les espérances [...] au-delà des échéances électorales», en cherchant des solutions à «dix ou quinze ans».
#Washington déconseille aux Américains de se rendre en #Guyanehttps://t.co/NmNzvPBp6Lpic.twitter.com/UyICDO3GUK
— RT France (@RTenfrancais) 24 mars 2017
Selon le site du quotidien Les Echos du 29 mars, les ministres «seraient en mesure de poser sur la table des négociations un pacte de développement de la Guyane de quatre milliards sur un peu moins de dix ans». Des informations aussitôt démenties par Matignon.
Les ministres ne sont partis avec «aucune enveloppe prédéterminée», selon Matignon qui affirme : «On ne travaille pas comme ça. On travaille avec les acteurs à des mesures utiles pour la Guyane, pas sur des chiffres fantaisistes et inventés.»
Alors que la grève générale s'organise, la Guyane toujours paralysée par la crise https://t.co/CHKYKjLftQ
— Nymeria #Marine2017 (@moniquefrancoi2) 26 mars 2017
Manifestations monstres
La Guyane est un département exsangue. L’insécurité y est record avec 42 homicides en 2016 pour 252 000 habitants. Le taux de chômage dépasse les 20%, environ le double de celui de la métropole. Le taux de pauvreté passe la barre des 40%. De plus, au niveau démographique, une population jeune et en forte croissance aspire à un avenir meilleur. Pour finir, la dépendance aux dépenses publiques atteint des records en Guyane.
#JournéeMorte : "la plus grosse manifestation jamais organisée" sur le territoire, selon la préfecture #Guyanehttps://t.co/tu9lqnULk8pic.twitter.com/mWO6kyZbUs
— RT France (@RTenfrancais) 28 mars 2017
C’est ce cocktail explosif qui a poussé une partie des habitants du territoire à se révolter. Avec, en tête de cortège, les «500 frères». Créé dans la foulée du meurtre d’un habitant d’un quartier populaire, le collectif se veut partie intégrante du mouvement social qui touche la Guyane. Déambulant dans les rues, cagoules sur leurs visages, la centaine de personnes qui compose ce groupe propose notamment aux autorités des solutions contre l’insécurité qui touche le territoire.
La #Guyane c'est ça. RT si vous êtes d'accord pic.twitter.com/S6yKahrVFh
— Audrien 973 (@SAudrien) 24 mars 2017
Le 25 mars, 37 syndicats réunis au sein de l'Union des travailleurs guyanais (UTG) votaient à la quasi-unanimité en faveur d'une «grève générale illimitée», à partir du 27 mars. Peu suivie le premier jour, la mobilisation s’est renforcée le 28 mars avec les manifestations les plus importantes que la Guyane aient jamais vu.
Crise sociale en #Guyane : les parlementaires guyanais interpellent #Hollandehttps://t.co/DxnLBEfDWspic.twitter.com/bNgZqkCCjd
— RT France (@RTenfrancais) 23 mars 2017
Alors que 250 000 personnes vivent dans ce territoire, la préfecture a comptabilisé le 28 mars à 12h (17h heure de Paris) respectivement entre 8 000 et 10 000 participants à Cayenne et entre 3 500 et 4 000 à Saint-Laurent-du-Maroni, les deux plus grandes villes guyanaises.
«C'est la plus grosse manifestation jamais organisée en Guyane», a commenté la préfecture de région, interrogée par l'AFP, qualifiant ces chiffre d'«énormes».
@GuyaneActu les renforts arrivent à kourou on ne touche pas à la fusée en guyane #guyane #973 #teamcomicpic.twitter.com/n8w9DmJvDk
— Jean-philippe ROSSI (@jeanfloup) 20 mars 2017
Dans Cayenne, l'avenue du Général-de-Gaulle, qui mène à la vieille ville, était noire de monde à 10h. Beaucoup de drapeaux guyanais étaient brandis, ainsi que des banderoles reprenant le slogan «nou bon ké sa» qui a fleuri ces derniers jours sur les nombreux barrages installés dans les villes du territoire.
«Nous voulons que l’Etat nous donne les moyens. Ca fait trop longtemps que ça dure, l’Etat doit reconnaître la population guyanaise», faisait valoir une manifestante.
Trop mignon ce petit gars, là ↘️. #LastRT#Guyane#CriseSociale#MouvementGuyanais
— J. Erstaa (@jerstaa) 30 mars 2017
(photo © @JodyAMIET - @afpfr) pic.twitter.com/1ADIRMLSns
Le collectif des protestataires «Pou La Gwiyann dékolé» («pour que la Guyane décolle», qui regroupe autant des collectifs contre la délinquance et pour l'amélioration de l'offre de soins, que l'UTG ou les avocats guyanais) s'en est trouvé renforcé, alors qu'il avait refusé de rencontrer la délégation interministérielle arrivée le 25 mars, préférant attendre des discussions au niveau ministériel.
La vie reprend petit à petit son cours
Le 29 mars, les commerces étaient ouverts, les stations-service n'étaient plus prises d’assaut, des crèches accueillaient les enfants et le service d'éboueurs fonctionnait, a constaté l’AFP. Au dixième jour de grève, les établissements scolaires étaient cependant toujours fermés.
Black out sur la #Guyane et ses revendications. Les outremers à qui l'on doit tant. #outremer#noubonkesapic.twitter.com/EA2IEAqXg0
— Charlotte Girard (@charligarotte) 30 mars 2017
Mais la situation reste tendue. Matthias Fekl et Ericka Bareigts sont arrivés alors que certains Guyanais tiennent encore des barrages et doutent de la capacité du gouvernement à résoudre la situation «à la veille des élections».
Et l’arrêt prématuré des négociations n’augure pas d’une sortie de crise.