Communauté chinoise : retour sur sept ans de manifestations contre l'insécurité

Communauté chinoise : retour sur sept ans de manifestations contre l'insécurité Source: AFP
La communauté asiatique, d'ordinaire discrète, manifeste régulièrement pour demander au gouvernement de garantir sa sécurité
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Se disant régulièrement victime d'agressions, la communauté asiatique et plus spécifiquement chinoise, de Paris se mobilise régulièrement depuis 2010 pour demander plus de sécurité, sur fond de tensions croissantes avec les autres communautés.

Lundi 27 mars, plusieurs centaines de membres de la communauté chinoise de Paris ont manifesté dans le XIXe arrondissement de Paris pour dénoncer la mort de Shaoyo Liu, un homme de 56 ans tué par un policier à son domicile, à Paris, au cours d'une intervention. Le rassemblement, qui a dégénéré en affrontements avec la police, a donné lieu à des arrestations, alors que l'ambassade de Chine en France a «exigé» dès le lendemain que Paris fasse «toute la lumière sur cette affaire» et «garantisse la sécurité» de ses ressortissants. 

D'ordinaire réputée comme étant discrète et se tenant à l'écart des revendications politiques, la communauté asiatique de France ne sort que rarement de son silence. Pourtant, depuis quelques années, les manifestations se multiplient en région parisienne, où vit une importante population principalement venue de Chine. Ces rassemblements, qui se déroulent d'habitude sans le moindre incident, ont jusqu'à présent toujours eu pour objet l'insécurité dont la communauté asiatique se dit victime. 

2010 : première manifestation, «Belleville en ébullition»

Dans la nuit du 1er au 2 juin 2010, à l'occasion d'un mariage au restaurant Le Nouveau Palais de Belleville, quartier où vivent et travaillent de nombreux Chinois de Paris, des jeunes d'une cité voisine agressent plusieurs convives afin de leur dérober les fameuses enveloppes rouges que les invités offrent aux mariés dans la tradition chinoise. L'attaque pousee l'un des vigiles armés du restaurant à tirer sur l'assaillant, qui se retrouve blessé. 

Communauté chinoise : retour sur sept ans de manifestations contre l'insécurité Source: AFP
Première manifestation de la communauté asiatique contre l'insécurité à Belleville

Dans un contexte tendu, plus de 10 000 personnes, majoritairement d'origine asiatique, descendent dans la rue le 20 juin 2010. Parmi les drapeaux français nombreux que brandissent les manifestants, des banderoles affichent des slogans comme «J'aime Belleville !» ou «Halte à la violence». Il s'agit à l'époque d'un événement quasi sans précédent, encadré par plusieurs associations comme Chinois de France-Français de Chine.

Communauté chinoise : retour sur sept ans de manifestations contre l'insécurité Source: AFP

Outre la barrière de la langue et de la culture, de nombreux asiatiques de ce quartier de l'est de Paris sont également sans-papiers – une situation qui rend bien difficile les démarches devant la police ou la justice. A l'époque, Le Figaro note que «les Chinois sont des proies faciles». Si la manifestation s'est déroulée sans débordements, plusieurs échauffourées ont éclaté au moment de la dispersion. «Belleville est en ébullition», note Le Figaro.

2011 : une mobilisation qui devient politique

Un an après la grande mobilisation de Belleville, c'est à nouveau une agression qui est à l'origine d'un nouveau mouvement de protestation. Employé dans un restaurant de Belleville, le jeune Jiang Hu est violemment agressé dans la nuit du 29 au 30 mai 2011 – au point de tomber dans le coma. En réaction, 20 000 personnes défilent le 19 juin 2011 à partir de la place de la place de la République jusqu'à celle de la Nation, à Paris.

Communauté chinoise : retour sur sept ans de manifestations contre l'insécurité© AFP Source: AFP
Manifestation de la communauté chinoise en 2011 place de la Nation

Cette fois, le rassemblement porte un nom : «Sécurité pour tous». «La sécurité, c'est l'état dans lequel on ne s'expose pas au danger [ ..], nous réclamons la sécurité parce que c'est un droit, c'est la condition essentielle de l'exercice des libertés», explique alors au Monde Olivier Wang, porte-parole du collectif Associations asiatiques de France et leurs amis français, à l'origine de la manifestation. Présente sur place, Anh Dao Traxel, la fille adoptive de Jacques Chirac, déplore l'absence d'élus à la manifestation.

En revanche, la mobilisation fait réagir au sommet de l'Etat. Le 29 juin, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Claude Guéant, rend visite à la famille de la victime dans son restaurant. Il promet alors que le quartier de Belleville sera doté de «patrouilleurs» avant l'été. La promesse peine à convaincre, car le souvenir de l'an passé reste vif. «Il y a eu un peu plus de policiers juste après, donc ça a un peu calmé les délinquants, mais depuis c'est reparti de plus belle», explique au Monde Donatien Schramm, président de l'association Chinois de France-Français de Chine.

2012-2016 : autodéfense et montée des tensions inter-communautaires

Après l'événement tragique de l'été 2011, la première BST (brigade spéciale de terrain) de la capitale est finalement installée dans le quartier de Belleville. Composée d'une équipe de 22 policiers exclusivement dédiée à la surveillance du bas-Belleville, elle contribue à réduire les agressions, selon la préfecture de Paris. Entre 2012 et 2016, aucun fait divers ne défraie la chronique – du moins pas au point de faire descendre la communauté asiatique dans la rue.

Mais pour certains, l'explication de cette accalmie est ailleurs. «A Belleville, les commerçants se sont organisés entre eux pour être plus vigilants et les quelques grands restaurants qui accueillent des cérémonies comme des mariages ou des baptêmes ont embauché des vigiles pour protéger les convives que les malfaiteurs attendaient à la sortie», explique Olivier Wang, l’adjoint au maire chargé du commerce dans le XIXe arrondissement, interrogé par Le Parisien. «Il y a des jeunes de 17 ou 19 ans qui sont plus virulents que leurs aînés et veulent en découdre», souligne par ailleurs François Ormillien, l'un des avocats de la communauté asiatique cité par Le Point.

En parallèle, un autre phénomène se développe. La partie la plus jeune de la diaspora chinoise, très présente sur les réseaux sociaux, diffuse largement sur internet des images d'agressions accompagnées «de propos hostiles à l'encontre des populations maghrébines et afro-antillaises», qu'ils assimilent à leurs agresseurs, comme le note un policier spécialisé sur la question de la communauté chinoise parisienne interrogé par Le Figaro. En effet, loin de s'être arrêtées, «les agressions se sont déplacées à La Courneuve ou à Aubervilliers», ajoute Olivier Wang.

Aubervilliers : révélateur d'une indifférence au racisme contre les Asiatiques ?

Le 7 août 2016, Zhang Chaolin est agressé par trois personnes dans une rue d'Aubervilliers. Cette ville du nord-est de Paris compte une importante communauté issue de Chine, principalement active dans le secteur du textile : sur 77 000 habitants à Aubervilliers, 3 000 à 4 000 font partie de la communauté asiatique. 

Près de 2 000 personnes d’origine chinoise descendent dans les rues d'Aubervilliers pour crier leur colère face aux agressions répétées, le 21 août. Rapidement, la mobilisation de la communauté asiatique prend de l'ampleur et gagne également Paris, où d'autres marches sont organisées. Cette fois, le caractère «raciste» de l'agression est mis en avant. Rui Wang, président de l’Association des jeunes Chinois de France, déclare au Monde : «Sur fond de racisme, on dit que les Chinois ont beaucoup de liquide sur eux, mais la plupart sont très pauvres : les quelques Chinois qui arrivent à faire fortune n’habitent pas à Aubervilliers.»

La mobilisation se poursuit dans les semaines suivantes : une autre marche est organisée le 4 septembre à Paris. Plusieurs responsables associatifs de la communauté asiatique mettent en avant «l'exemplarité» de ces rassemblements qui se déroulent sans violence, tout en déplorant qu'ils ne débouchent sur aucune mesure concrète. «Toujours pas un mot de SOS Racisme» s'agace par ailleurs l'un des manifestants dans les colonnes de L'Obs.

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