Affaire Ioukos : la justice néerlandaise annule la condamnation de l’Etat russe à payer 50 milliards
- Avec AFP
La plus haute juridiction néerlandaise vient d’annuler une décision de la Cour permanente d'arbitrage, juridiction internationale située aux Pays-Bas. Le feuilleton judiciaire qui dure depuis près de 18 ans n'est cependant pas clos.
La Cour suprême néerlandaise a annulé ce 5 novembre la condamnation de l’Etat russe à verser 50 milliards de dollars d'indemnisation aux ex-actionnaires de l'ancien géant pétrolier Ioukos, au cœur d'un feuilleton judiciaire depuis l'arrestation de son ancien patron, Mikhaïl Khodorkovski, le 25 octobre 2003. Inculpé d'escroquerie et d'évasion fiscale de grande ampleur, il est condamné en 2005, et passe dix ans en prison avant d'être gracié et libéré le 20 décembre 2013, en s'engageant à ne pas demander réparation.
Après l’inculpation de Mikhaïl Khodorkovski le Parquet met sous séquestre 44% du capital de Ioukos. En novembre 2003, la fusion annoncée quelques mois plus tôt avec le groupe pétrolier russe Sibneft est annulée. La justice russe gèle les actifs de Ioukos en avril 2004 puis condamne le groupe à verser 3,4 milliards de dollars d'arriérés d'impôts. Les réclamations cumulées du fisc porteront sur plus de 27 milliards de dollars.
Les comptes bancaires du groupe sont gelés puis saisis le 9 juillet 2004. Un mois après, la justice met en vente Iouganskneftegaz, fleuron de Ioukos, pour rembourser une partie de sa dette au fisc. Plusieurs gestionnaires de Ioukos fuient devant la multiplication des enquêtes contre les salariés du groupe géré depuis Londres. En 2005, depuis sa prison, Khodorkovski annonce avoir cédé les quelque 60% qu'il détenait dans Menatep, holding chapeautant Ioukos, à son principal associé Leonid Nevzline, réfugié depuis 2003 en Israël.
Le 19 avril, Rosneft obtient la mise sous séquestre de nouveaux actifs de Ioukos, condamné un mois plus tard à verser 2,2 milliards de dollars à Rosneft. En 2006, le tribunal d'arbitrage de Moscou place le groupe en redressement judiciaire et prononce peu après sa mise en liquidation. Rosneft devient alors le numéro un du pétrole russe l'année suivante en finissant d'absorber Ioukos, achetant aux enchères trois des plus gros lots d'actifs et s'emparant même de son siège.
L'affaire n'est pas terminée
Mais les actionnaires de Ioukos à travers le monde, s’estiment lésés et attaquent la Russie devant la Cour permanente d'arbitrage (CPA), juridiction internationale située à La Haye, aux Pays-Bas. Et, le 28 juillet 2014, l’Etat russe est condamné à verser des indemnités record de 50 milliards de dollars (46 milliards d'euros) aux actionnaires de Ioukos.
Moscou fait appel et la décision est annulée en 2016 par un tribunal néerlandais, qui juge que la CPA n'avait pas les compétences pour se prononcer. En février 2020, la cour d'appel de La Haye invalide à son tour cette décision, estimant que la CPA est bien compétente et confirmant la condamnation à payer les 50 milliards d'indemnisation.
Cette décision est alors contestée par l’Etat russe devant la Cour suprême néerlandaise. La Russie subit un nouveau revers en décembre 2020, la plus haute instance judiciaire des Pays-Bas rejetant sa demande de suspendre l'exécution du paiement des indemnités dans l'attente du jugement définitif.
La décision de la Cour suprême de ce 5 novembre ne clôt pas ce feuilleton judiciaire et, dans un communiqué, la plus haute instance a précisé que l'affaire devait être renvoyée devant la Cour d'appel d'Amsterdam pour un nouveau jugement.