Le Conseil d’analyse économique recommande le recours à la «monnaie hélicoptère»
Le Conseil d’analyse économique, rattaché au Premier ministre, suggère la distribution de «monnaie hélicoptère» comme moyen pour la BCE d'écarter la menace de déflation. Le gouverneur de la Banque de France a déjà exprimé son hostilité à cette idée.
Depuis 2015, le taux d’inflation en zone euro demeure largement en dessous de 2%, la cible que s’est fixée la Banque centrale européenne (BCE). Et ce, alors même que la politique monétaire est extrêmement accommodante avec des taux d’intérêt bas ou en territoire négatif et un programme d’achats d’actifs sans précédent, encore augmenté depuis la crise du Covid-19.
Autrement dit, les outils de la politique dite «non-conventionnelle» de l’institution basée à Francfort ont montré leurs limites. De plus, ils ont suscité de vives controverses, en particulier en Allemagne, où Bild, le quotidien le plus diffusé, a comparé Mario Draghi – président de la BCE de 2011 à 2019 et actuel président du Conseil des ministres italien – au comte Dracula, suçant les comptes bancaires des petits épargnants jusqu’à la dernière goutte.
Et il est vrai que les taux bas ont réduit à néant la rémunération des comptes d’épargne. En mai 2020, la Cour constitutionnelle allemande a été jusqu’à fixer un ultimatum à l’institut monétaire de la zone euro pour justifier sa politique. Même si cette audace a été accueillie très sèchement par la plus haute juridiction européenne, elle a révélé une très forte réticence à la politique monétaire menée par la BCE.
Aussi, l'institution basée à Francfort a lancé dès janvier 2020 une évaluation de sa stratégie de politique monétaire qui devait initialement aboutir fin 2020, mais a été depuis reportée à l’automne 2021. La situation est en effet particulière pour la BCE dont la feuille de route établie en 1998 lui fixait comme principal objectif la lutte contre l’inflation, alors que depuis plus d’une décennie, le ralentissement économique a fait naître un risque inverse : celui de la déflation, c’est-à-dire «une baisse continue et auto entretenue du niveau général des prix», selon la définition proposée par le ministère de l’Economie et des Finances.
«Que peut encore faire la Banque centrale européenne ?»
Parmi les nouveaux instruments possibles de politique monétaire, le Conseil d’analyse économique (CAE), organisme rattaché aux services du Premier ministre français, dans sa note datée de juin et intitulée «Que peut encore faire la Banque centrale européenne ?» recommande l’option communément nommée «monnaie hélicoptère».
Pour les auteurs, cette option devrait être rendue possible pour relancer l’inflation dans le cas où cette dernière persisterait à un niveau trop faible. Et l’on est certainement dans cette situation, puisque la Banque centrale européenne anticipe un taux d’inflation moyen égal à 1,5 % en 2022, puis de 1,4 % en 2023, soit une trajectoire légèrement déflationniste et donc inquiétante.
Parmi d'autres solutions envisagée, l'analyse préconise donc «un transfert direct de la Banque centrale aux individus, renouvelé tant que la cible d’inflation [2%] n’est pas atteinte». Se référant à «des estimations économétriques, devant certes être considérées avec précaution», ils estiment qu’un transfert monétaire équivalent à 1% du produit intérieur brut (PIB) augmenterait le taux d’inflation de 0,5 point de pourcentage à l’horizon d’une année». Selon les calculs des auteurs, un tel transfert représenterait un montant d'environ 385 euros par individu de plus de 15 ans à l’échelle de la zone euro.
Le gouverneur de la Banque de France, de facto membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a immédiatement réagi à la publication, le 16 juin de la note du CAE lors d'une conférence de presse. Pour François Villeroy de Galhau, cité par l’agence Reuters, ce transfert d’argent serait complexe en pratique et creuserait un «trou» dans le bilan de la Banque centrale.
Un argument particulièrement peu convaincant, dans la mesure où la distribution monétaire préconisée ne représenterait que 120 milliards d’euros. Une broutille par rapport au bilan actuel de la BCE qui approche 60% du PIB de la zone euro, c’est-à-dire près de 7 200 milliards d’euros.