Evaluation de l’ISF : la réforme a surtout profité aux 5% les plus riches

Evaluation de l’ISF : la réforme a surtout profité aux 5% les plus riches Source: AFP
Des manifestants brandissent une banderole appelant à l'abrogation de la suppression de l'ISF, à Paris le 27 avril 2019 (illustration).
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A la veille de l'examen du budget 2020, le comité de suivi de la réforme de 2018 supprimant l’ISF a rendu son premier rapport. Il ne révèle aucun effet positif sur l'emploi et l’investissement, mais le retour à l’ISF n’est pas pour tout de suite.

«Corriger» la réforme sur l'ISF et la Flat tax ou pas ?  C’est la question à laquelle va devoir réfléchir dans les prochains mois, le président de la République Emmanuel Macron. En effet, lors de sa conférence de presse du 25 avril au Parlais de l’Elysée, il avait défendu la réforme supprimant l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) mais promis : «La réforme sera évaluée en 2020 et nous jugerons de son efficacité. Si elle n’est pas efficace nous la corrigerons.»

Or le comité chargé d’évaluer les réformes de la fiscalité du capital (transormation de l’ISF en IFI et Flat tax ou officiellement prélèvement forfaitaire unique- PFU), vient de rendre ses premières copies librement consultables sur le site gouvernemental Francestratégie.fr.

Créé par des amendements au projet de loi de finance (PLF) 2018, et conformément à la lettre de mission qui lui a été adressée le 21 décembre par le Premier ministre, le «Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital» devait donc rendre un premier rapport qui devait être «transmis sur la base des premières données disponibles, en amont du projet de loi de Finances pour 2020».

Mais fautes de données, les premiers résultats ne sont guère éclairants. Ainsi, le comité prévient que : «L’observation des grandes variables économiques – croissance, investissement, flux de placements financiers des ménages, etc. – avant et après les réformes ne suffira pas pour conclure sur leur effet réel. En particulier, il ne sera pas possible d’estimer par ce seul biais si la suppression de l’ISF a permis une réorientation de l’épargne des contribuables concernés vers le financement des entreprises.»

C’était pourtant le but et le motif principal de la suppression de l’ISF et de son remplacement par l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) avec à la clé, un manque à gagner pour les finances publiques de 2,9 milliards d’euros.

Un coût pour la collectivité d'abord anticipé à 5,1 milliards d'euros

Le rapport rappelle d’ailleurs que le gouvernement, se basant sur les projections budgétaires était même prêt à faire porter le coût de la réforme de l’ISF et du PFU par les finances publiques à hauteur de 5,1 milliards au lieu des 2,9 milliards d’euros qu’il aura finalement coûté à la collectivité.

Les contribuables à l’ISF ont bénéficié de baisses d’impôt importantes [...] en moyenne, l’impôt acquitté a été divisé par trois et demi

Pour le moment dans l’incapacité de mesurer les effets de la réforme sur l’investissement  le rapport est toutefois loin d’être muet. Il précise que la transformation de l’ISF en IFI a réduit le nombre d’assujettis de 360 000 à 130 000 et que «quel que soit le niveau de patrimoine déclaré en 2017, les contribuables à l’ISF ont bénéficié de baisses d’impôt importantes, y compris ceux qui sont aujourd’hui imposables à l’IFI : en moyenne, l’impôt acquitté a été divisé par trois et demi».

Et parmi les riches bénéficiaires de la réforme, ce sont les super-riches qui ont raflé la mise. Le rapport souligne ainsi que les 5% des ménages les plus aisés perçoivent 57% des gains, et que quatre ménages gagnants sur cinq se situent parmi les 15% les plus aisés.

A la lecture du rapport, on apprend au passage que les dividendes versés en 2018 ont augmenté de 60% par rapport à l’année précédente et ont généré un surcroît de recettes fiscales et sociales, même s’il n’est «pas possible à ce stade de quantifier la part de gain additionnel directement liée à la mise en place du PFU [prélévement forfaitaire unique ou Flat tax]».

Y avait-il des effets spectaculaires observables sur le dynamisme de l’économie française à attendre de la suppression de l’ISF ? Le comité de suivi rappelle les travaux de la direction général du Trésor qui n’anticipait qu’un effet à long terme [20 ans] de 0,5 point du PIB et la création de 50 000 emplois.  «Cela fait cher l’emploi créé» avait alors commenté Vincent Eblé, président PS de la Commission des finances du Sénat.

En attendant les statistiques, un sondage

Dans son avis, le comité révèle aussi que, «en l’absence de toute remontée statistique sur les premiers effets des réformes, [il] a souhaité recueillir les observations et l’opinion de professionnels». Il a ainsi conçu un questionnaire à cette fin, mis ligne en avril 2019, dont ont été tirées «90 réponses de gestionnaires de patrimoines». Les principaux messages sont les suivants : la réforme de la fiscalité du capital est jugée positivement, mais beaucoup de répondants expriment des doutes quant à la pérennité des mesures prises.

En outre, cette réforme n’aurait pas fortement modifié la composition des investissements de leur clientèle dès 2018, mais nombre de répondants constatent un moindre investissement dans l’immobilier et un surcroît de versement de dividendes, dont beaucoup ont été réinvestis dans des supports types assurance-vie en unité de compte.

Autrement dit, les professionnels du placement pour une clientèle super riche ont surtout constaté une augmentation de l’épargne de leurs clients. La collectivité aurait-elle payé 2,9 milliards d’euros pour que les plus riches puissent s’acheter plus d’assurances vie ? Le rapport de ne le dit pas, mais ce sondage autorise à se le demander.

Retour de l’ISF improbable en 2020

Des résultats pour le moment, peu convaincants, mais il est peu probable que l’ISF soit rétablie dans le budget 2020 qui doit être voté cet automne. Certes, la lettre de mission d’Edouard Philippe demandait qu’un rapport soit transmis «en amont de la loi de finances pour 2020. Mais celle-ci  devant être bouclée d’ici la fin de l’année, l’évaluation promise  par Emmanuel Macron pour 2020 ne lui permettrait d’être prise en compte que pour le PLF 2021.

Et l’évaluation complète de la réforme qui comprend aussi la Flat tax (PFU) n’interviendra sans doute pas avant la fin du quinquennat. En effet, le comité de suivi estime qu’il faudra attendre le rapport 2021 pour pouvoir mener une analyse détaillée de l’évolution des revenus du capital de leur composition et de leur taxation, postérieure à la mise en place du PFU et dans un régime d’imposition complètement stabilisé.

Lire aussi : Impôts et «niches fiscales» : mais de quoi au juste parle Gérald Darmanin ?

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