Dette de la France : on se bat pour prêter à taux négatif !
Le 5 septembre, l’agence France trésor a fait transpirer les enchères. Les gros investisseurs se sont bousculés pour acquérir pour plus de 10 milliards d’euros de dette, dont plus de la moitié à des taux négatifs. Tentative d'explication.
Tous les premiers jeudis du mois, l’Agence France Trésor (AFT) – qui négocie sur les marchés de capitaux les titres de la dette de l’Etat français – émet des Obligations assimilables au Trésor (OAT) à long terme (de 10 à 30 ans). Et le jeudi 5 septembre, elle a enregistré un record : en une seule journée, elle a vendu 10,139 milliards d’euros de reconnaissance de dette à des taux historiquement bas.
Pour la première fois le taux de l’emprunt à 15 ans est passé en territoire négatif à 0,03% et celui de l’OAT à 10 ans a plongé, lui, à -0,36%. Cela signifie que les 3,945 milliards d’euros, que l’Etat français a empruntés pour dix ans aux grandes banques et compagnies d’assurances, lui rapportent l’équivalent d’une rémunération annuelle de 0,36% d’intérêts, et que le 1,513 milliard d’euros emprunté pour quinze ans rapportent 0,03%.
Vu d’un autre angle, les emprunts du Trésor adjugés le 5 septembre coûteront aux prêteurs l’équivalent annuel de 36 à 3 millions d'euros suivant la durée des obligations. Et pourtant, ces sommes ont été initialement empruntées à des taux positifs : respectivement 0,50% pour l’OAT à 10 ans et 1,25% pour sa grande sœur de 15 ans.
D’ailleurs, sauf banqueroute, l’Etat payera bien chaque année ces taux d’intérêt aux banques. Mais, comme ces obligations ont été – en quelque sorte – vendues aux enchères, le prix proposé par le marché s’est révélé supérieur au montant initial de l’offre augmenté des intérêts sur la durée totale des prêts. Et c’est cette différence qui indique le taux de rendement, ou ce que l’Agence France Trésor nomme «taux moyen pondéré».
Or, même à des rendements négatifs, les emprunts n'ont pas eu de mal a trouver preneurs parmi les 15 SVT, Spécialistes des valeurs du Trésor, soit les établissements financiers internationaux accrédités auprès de l’AFT. Parmi eux figurent la Bank of America Merrill Lynch (BAML), la Japonaise Nomura ainsi que les grandes institutions françaises BNP Paribas, Crédit Agricole ou encore Natixis, et ils n’ont pas été rassasiés, puisque l’offre a été sursouscrite pour toutes les maturités (durée des OAT). Les obligations à 15 et 20 s’étant révélées les plus populaires avec des taux de couverture (Volume demandé / Volume adjugé) de 1,95.
les économistes ont déjà du mal à comprendre, à expliquer ce qu’il se passe aujourd’hui
Nos confrères ont convoqué des experts pour commenter ces chiffres inédits. BFM TV par, exemple cite le chef économiste d'Aurel BGC, Christian Parisot pour qui «c'est avant tout un bon signal, ça montre que les investisseurs ont confiance dans la France, mais ça montre également qu'ils sont inquiets et qu'ils acceptent de perdre l'argent».
Sur son site et dans une vidéo Le Figaro, estime que «c’est une situation qui met au défi tous les économistes» et met en garde : «A moyen terme ça pose des problèmes, parce qu’on ne sait pas comment cet environnement va évoluer, les économistes ont déjà du mal à comprendre, à expliquer ce qu’il se passe aujourd’hui.»
Jean-François Guélain