Aigle Azur, deuxième plus ancienne compagnie aérienne française, menacée de disparaître
Dans la tourmente depuis des années, Aigle Azur, fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, vient d’être placée en redressement judiciaire. 1 150 emplois sont menacés.
«Aigle Azur se retrouve en cessation de paiement suite à plusieurs années d'errances liées à de nombreuses décisions stratégiques inadaptées et doit se placer sous la protection du tribunal de commerce», ont annoncé les membres du comité d’entreprise (CE) à l'issue d'une réunion extraordinaire le 2 septembre.
Dans un communiqué, ils précisent qu’une audience au tribunal de commerce d’Evry est prévue dans l'après-midi, et ajoutent qu’«il est probable que la date limite de dépôt des offres soit fixée autour du 15 septembre 2019». Ils déplorent que ce dépôt de bilan «arrive tardivement» et estiment qu’il va limiter la recherche de repreneurs. Aigle Azur emploie 1 150 salariés, dont 350 en Algérie.
«On espère surtout qu'il y ait un repreneur. Il faut passer par le redressement judiciaire, simplement pour avoir nos salaires», a expliqué à l’AFP une programmatrice de vols qui n'a pas voulu donner son nom. «Ce serait dommage de perdre une compagnie qui fait 300 millions d'euros de chiffre d'affaires et a des droits de trafic vers l'Algérie que même Air France n'a pas», a-t-elle ajouté.
Martin Surzur, président du syndicat de pilotes SNPL d'Aigle Azur et membre du CE, précise que la déclaration de cessation de paiement a été faite par l'administratrice provisoire, Hélène Bourbouloux. Elle a été désignée le 28 août par le tribunal de commerce d'Evry après le coup de force de l'un des actionnaires, Gérard Houa, qui avait évincé le patron Frantz Yvelin en annonçant sa volonté de mettre fin aux «errements stratégiques des deux dernières années».
Frantz Yvelin a depuis été rétabli dans ses fonctions pour assister l'administratrice provisoire. Il n'a pas assisté au comité d'entreprise lundi, selon les participants. Pour Martin Surzur, président du syndicat de pilotes SNPL d'Aigle Azur et membre du CE : «Les actionnaires et Frantz Yvelin [président d’Air Azur] sont arrivés en deux ans à une situation catastrophique avec 40 millions d'euros de pertes et la perspective du dépôt de bilan.»
Conflit larvé entre le président et un des actionnaires
Pour Gérard Houa, qui, à travers sa structure Lu Azur, détient 19% du capital, depuis deux ans que Frantz Yvelin est à la tête de la compagnie aérienne, «l'entreprise a enchaîné les mauvaises décisions». Il dénonce notamment le lancement de lignes européennes qui «représentent à elles seules une perte de 27 millions d'euros».
Toutefois, le dirigeant se défend de ces accusations en arguant qu’«aucune décision stratégique, ouverture de ligne ou achat d'avion, ne peut se faire chez Aigle Azur sans l'aval du comité exécutif, dont M. Houa est membre». Il ajoute que ce dernier a été, «en tant qu'actionnaire, au cœur de la stratégie de la compagnie».
Le projet de Frantz Yvelin de céder à la low-cost Vueling les créneaux d'atterrissage d'Aigle Azur à Orly pour permettre la survie de la compagnie est unanimement dénoncé par les salariés. Henry Bénéat, commandant de bord SNPL dans la compagnie depuis 30 ans cité par l’AFP, estime que cela signifierait «l'arrêt de mort d'Aigle Azur».
Emira Grondin, représentante Unsa des hôtesses et stewards, déplore quant à elle le manque d'informations et espère rencontrer les élus et la direction. «Nous sommes inquiets pour nos emplois, inquiets pour l'entité Aigle Azur», ajoute-t-elle.
Gérard Houa a réitéré récemment sa proposition d'investir 15 millions d'euros pour renflouer l'entreprise et acheter les parts de l'homme d'affaires américain David Neeleman qui détient 32% du capital. Dans un entretien au Journal du Dimanche, il a assuré être soutenu par les deux autres actionnaires, David Neeleman lui-même et le groupe chinois HNA, qui détient 48% d’Aigle Azur.
50% des vols vers l'Algérie
Mais l'AFP a pu consulter un courrier électronique de l’homme d’affaires américain daté du 26 août dans lequel il se désolidarisait de cette initiative, affirmant par ailleurs que HNA n'avait pas connaissance du projet de Gérard Houa et le désapprouvait.
Le redressement judiciaire, qui doit être accepté par la justice, gèle le passif existant à l'ouverture de la procédure, pendant une période d'observation qui peut durer jusqu'à 18 mois. Elle doit permettre à l'entreprise de présenter un plan de continuation de ses activités avec un réaménagement de son endettement.
«Le redressement judiciaire devrait ouvrir les portes à d'éventuels repreneurs», estime Denis Sanchez, délégué syndical SNPNC-FO et élu au CE.
Aigle Azur, fondée en 1946 et dont les liaisons avec l'Algérie représentent 50% à 60% de l'activité, emploie 350 de ses salariés en Algérie. Elle dispose d'une flotte de 11 avions et a transporté 1,88 million de passagers en 2018. Elle a réalisé un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros en 2018 mais perd de l'argent depuis 2012, selon son président Frantz Yvelin.