Privatisation d’ADP : des parlementaires enclenchent un référendum d’initiative partagée

Privatisation d’ADP : des parlementaires enclenchent un référendum d’initiative partagée Source: AFP
Augustin de Romanet (au centre) responsable du groupe ADP (Aéroports de Paris) écoutant des manifestants avant l'arrivée du ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, au siège d'ADP, à Tremblay-en-France près de l'aéroport de Roissy le 13 juin 2018.
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Des parlementaires principalement socialistes, communistes et du parti Les Républicains (LR) ont annoncé avoir recueilli les signatures nécessaires à un référendum d’initiative partagée contre la privatisation d'Aéroports de Paris (ADP).

«Nous avons cherché les moyens [...] d'éviter l'irrémédiable », a déclaré le 9 avril lors d'une conférence de presse le porte-parole des députés PS Boris Vallaud, entouré de députés et sénateurs de plusieurs bords précisant que ce projet de consultation des Français visait à rendre ADP «insusceptible de privatisation». 

185 signatures sont requises pour lancer cette procédure inédite créée par la réforme constitutionnelle de 2008, et les parlementaires en ont recueilli 197.  Cette proposition parlementaire doit désormais être validée par le Conseil constitutionnel et signée par 10% du corps électoral (soit 4,5 millions de citoyens), pour organiser le référendum.

Outre la centaine de députés et sénateurs socialistes et la trentaine d'élus communistes des deux chambres, près d'une cinquantaine de LR ont apporté leurs voix dont Gilles Carrez, ainsi que 12 députés Libertés et territoires et des sénateurs RDSE et Union centriste.

Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis, a annoncé que La France insoumise soutenait cette proposition précisant que «des petits problèmes administratifs» avaient empêché jusque-là la prise en compte de leurs signatures. D'autres élus ont évoqué en coulisses des réticences de LR à leur égard.

Patrick Kanner, chef de file des sénateurs socialistes, a défendu cette «initiative totalement inédite» face, selon lui, à «la volonté du gouvernement de vendre la poule aux œufs d'or». «Nous ne voulons pas que soit à nouveau commise l'erreur de la privatisation des autoroutes», a aussi déclaré Boris Vallaud.

Le projet de loi Pacte est examiné ce 9 avril au Sénat en nouvelle lecture, et doit être adopté définitivement dans deux jours à l'Assemblée. Ce calendrier ne devrait pas être remis en cause par cette initiative, de source parlementaire citée par l’AFP et l’adoption définitive de texte n’est plus qu’une formalité.

L’AFP cite également les propos de «porte-parole des députés MoDem» (sans les nommer) selon lesquels cette initiative est «une entreprise politique» avec un «attelage surprenant». Les sources au MoDem citées par l’agence de presse estiment aussi que certains signataires «ont beaucoup privatisé».

Un projet économiquement douteux défendu bec et ongles

Disposition particulièrement controversée de la loi pacte, la vente des 50,6% de la société ADP qui exploite les aéroports parisiens de Roissy Charles-de Gaulle, Orly et le Bourget, encore détenus par l’Etat, est ardemment défendue par le gouvernement qui a utilisé des arguments souvent chétifs pour la justifier.

On se souvient en particulier des propos du porte-parole démissionnaire du gouvernement Benjamin Griveaux qui estimait que l’Etat n’avait pas vocation à gérer «des baux commerciaux pour des boutiques de luxe dans des duty free», alors que cette activité ne représente que le quart du chiffre d’affaires d’ADP.

Plus ésotérique, Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, avait tenté défendre la pertinence économique de cette privatisation en déclarant : «Le rôle de l’Etat stratège n’est pas de toucher des dividendes sur les activités du XXe siècle mais de financer les activités du XXIe siècle». Enfin, dans un registre idéologique, Roland Lescure, ancien banquier brièvement membre du PS avant de rejoindre la République en Marche, devenu parlementaire et rapporteur du projet de Loi Pacte déclarait : «Il faut en finir avec le consensus archéo-gaullo-communiste [sic] de la vision du rôle de l’Etat.»

«Aéroports de Paris : La privatisation c’est le vol»

Le projet de privatisation d’ADP a déjà suscité une vive opposition avec, par exemple, une tribune signée le 25 février par 103 parlementaires LR dans Le Journal du Dimanche, puis une pétition peu médiatisée sur le site change.org. Dès octobre 2018, Nicolas Dupont-Aignan, le chef de Debout la France, avait publié, dans l'hebdomadaire Marianne une tribune intitulée «Stoppons l’escroquerie financière des privatisations de la loi Pacte !»

Toutefois, de façon surprenante, une des attaques les plus virulentes contre ce projet de privatisation est venue du service public de radio-télévision. Le 20 février, France culture n’hésitait pas à intituler une de ses chroniques économiques «Aéroports de Paris : La privatisation c’est le vol».

Le chroniqueur démontrait d’abord l’absurdité économique du projet qui aurait pour objectif de constituer un fonds rapportant environ 250 millions d’euros par an à l’Etat, alors que les privatisables rapportent hors impôts plus de 300 millions d’euros par an sur la base des estimations 2018. Enfin, il concluait en rapportant les propos de Christian Chavagneux, docteur en économie, diplômé de la London school of economics et journaliste, qui, la veille, dans le mensuel Alternatives économiques avait avancé une autre motivation à ce projet de privatisation : une volonté de remplir les poches de quelques entrepreneurs privés et amis.

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