A vingt ans, l’euro a encore peur de devenir une vraie monnaie de réserve face au dollar

A vingt ans, l’euro a encore peur de devenir une vraie monnaie de réserve face au dollar Source: Reuters
«Votre agenda détruit l'Europe» proclame une pancarte montrant la chancelière allemande Angela Merkel et d'autres responsables politiques européens lors d'une manifestation devant la Banque centrale européenne à Francfort le 8 juin 2013.
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L’euro aura officiellement 20 ans le 1er janvier 2019. Il a survécu à la crise des dettes des Etats européens mais, faute d’entente entre les membres de la zone, il n’a pas pu s’imposer comme monnaie de réserve significative face au dollar.

Le 31 décembre 1998, à la veille du lancement de l'euro prévu par le traité de Maastricht, les taux de conversion définitifs sont dévoilés en grande pompe à Bruxelles : il faudra 1,95583 deutschemarks allemand, 6,55957 francs français ou encore 1 936,27 lires italiennes pour un euro.

Le 1er janvier 1999 l'euro devient la monnaie officielle de 291 millions de personnes dans onze des quinze pays de l'Union : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Italie, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas et Portugal. Il peut être utilisé pour des opérations bancaires dématérialisées, ainsi que pour des paiements par chèque, chèque de voyage ou carte bancaire.

L'euro, qui débute avec un cours de 1,1789 dollar, fait son baptême sur les principales places financières le 4 janvier. Mais le 27, il tombe sous un dollar et fin octobre il atteint son plus bas historique à 0,8230 dollar. Le 1er janvier 2001, la Grèce intègre la zone euro.

Un an plus tard, l'euro devient une monnaie matérielle. Près de 15 milliards de billets et plus de 50 milliards de pièces sont introduits dans la vie quotidienne de 304 millions d'Européens. 

La parité avec le dollar

Le 15 juillet 2002 l'euro retrouve la parité avec le dollar, et à partir de novembre, il ne repassera plus jamais sous cette limite. En 2003, la Suède décide de ne pas rejoindre l'euro, comme avant elle le Danemark et la Grande-Bretagne. De nouveaux membres de l'UE adoptent au contraire la monnaie unique : Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, Slovaquie en 2009, Estonie en 2011, Lettonie en 2014, Lituanie en 2015. Le 15 juillet 2008, l'euro grimpe à 1,6038 dollar, son plus haut historique, face à un dollar plombé par la crise des subprimes. En novembre la zone euro entre en récession. 

En 2010, l'UE est confrontée à la crise de la dette. En mai, la zone euro et le FMI versent à la Grèce un plan d’aide de 110 milliards d'euros, moyennant un sévère plan d'austérité. En novembre, l'Irlande, dont les banques sont criblées de dettes, obtient à son tour un plan de sauvetage de 85 milliards d'euros, suivi l’année suivante par le Portugal qui obtient 78 milliards d'euros.

Le 25 juillet 2012, le taux à long terme espagnol flambe au-dessus de 7,6%, laissant craindre un éclatement de la zone euro. Le 26, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi, déclare que l'institution est «prête à faire tout ce qui sera nécessaire pour préserver l'euro», rassurant les marchés. En août, la BCE rachète pour 22 milliards d'euros d'obligations européennes en une semaine pour soutenir l'Italie et l'Espagne.

La BCE lance un programme de 2 600 milliards d'euros de rachat de dettes

En mai 2014, la monnaie unique frôle 1,40 dollar, un «euro fort» qui pénalise les exportations hors du marché unique. Dix mois plus tard, il s'approche de 1,05 dollar, une dégringolade notamment liée à la politique d’achats d'actifs par la BCE, aussi appelée «assouplissement quantitatif» pour soutenir l'économie.

Cela revient, en langage courant, à faire tourner la planche à billets au moyen de rachat de dettes souveraines par des jeux d’écritures que coordonne la Banque centrale européenne (BCE). Lorsque la BCE annonce la fin de ce programme, en décembre 2018, elle a créé 2 600 milliards d’euros de masse monétaire.

Mais au milieu de l'été 2012, après la crise financière, la monnaie manque d'être emportée par la crise des dettes des Etats d'Europe du Sud qui menaçait le système bancaire de dislocation. Ces événements révèlent les handicaps originels de la monnaie unique : absence de solidarité budgétaire européenne par la mutualisation de la dette, des investissements et donc des risques, disparités profondes entre les économies.

Selon le directeur des études économiques à l'IESEG, Eric Dor cité par l’AFP : «L'euro a attisé les reproches réciproques, les pays latins du sud attaquant ceux du nord sur leur ordolibéralisme, ceux du nord les latins sur leur laxisme.»

Je ne peux pas dépenser tout mon argent en schnaps et en femmes et ensuite vous demander de l’aide

On se souvient par exemple de la déclaration controversée, en mars 2017 du président de l’Eurogroupe de l’époque, Jeroen Dijsselbloem, ministre des Finances des Pays-Bas : «Durant la crise de l’euro, les pays du nord ont fait montre de solidarité avec les pays touchés par la crise. En tant que social-démocrate, j’accorde une importance exceptionnelle à la solidarité. Mais on a aussi des obligations. Je ne peux pas dépenser tout mon argent en schnaps et en femmes et ensuite vous demander de l’aide». 


Pourtant les aides européennes ne sont pas des cadeaux, mais seulement des prêts consentis à des taux soutenables à des Etats dont la notation les exposerait, sur les marchés de capitaux, à des taux usuraires. 

Vérité au nord de l'Europe, mensonge au sud

Enfin, lorsque le président français Emmanuel Macron imagine de renforcer la cohésion économique de la zone euro par un budget commun qu’il aurait souhaité doté de centaines de milliards d’euros, un front de 154 économistes allemands se mobilise pour dire «nein» à une «Union de la dette» dans une lettre ouverte publiée par le Frankfurter Allgemeine Zeitung, quotidien allemand le plus influent dans les milieux d’affaires.

Vingt ans après son lancement l'euro s'est installé sur les marchés, dans les portefeuilles et a survécu à sa plus grande crise. Mais il ne s’est jamais imposé comme monnaie de réserve alternative face au dollar. Et en mai 2018, lorsque les Etats-Unis se retirent de l’accord sur le nucléaire iranien, les grandes entreprises et les gouvernements européens réalisent brutalement la puissance du dollar et a contrario la faiblesse de l’euro.

En réintroduisant des sanctions contre Téhéran, les Etats-Unis interdisent de facto à toute entreprise, et donc aux grandes entreprises européennes, d’investir en Iran et oblige ceux qui l’ont déjà fait à renoncer à leurs projets. Les entreprises qui refuseraient d’obtempérer s’exposeraient à se voir fermer le marché américain, voire même les marchés internationaux des capitaux ou à de lourdes amendes

Face à la domination internationale du dollar

Dès la fin août 2018 le groupe énergétique Total, qui s’apprêtait à exploiter un gigantesque gisement de gaz iranien offshore, doit annoncer son départ et l’arrêt du projet. Dans un communiqué le groupe explique : «Il a toujours été clair que Total ne peut pas se permettre d'être exposé à des sanctions secondaires américaines.» En effet, les banques américaines sont impliquées dans plus de 90% des opérations de financement de Total et les investisseurs américains représentent plus de 30% de son actionnariat.

En Allemagne, au même moment, Heiko Mass, ministre des Affaires étrangères propose de construire un système financier indépendant des Etats-Unis et du dollar et préconise de «renforc[er] l'autonomie européenne en établissant des canaux de paiement indépendants des Etats-Unis, un fonds monétaire européen et un système de paiement SWIFT indépendant». 

A Paris Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des Finances abonde : «Je veux que l'Europe soit un continent souverain et non un vassal, et cela implique des instruments de financement totalement indépendants qui n'existent pas aujourd'hui.»

Pas de volonté de donner un poids international à l'euro

L'euro pourrait remettre en cause la domination du dollar sur les échanges internationaux. En effet, les Etats-Unis ne représentent plus que 20% du PIB mondial une proportion légèrement supérieure à celle de la zone euro, mais inférieure à celle des 28 du marché unique.

Pourtant le dollar, malgré un recul rapide au cours des cinq dernières années, représente encore en moyenne 62% des réserves en devises des banques centrales du monde entier contre 20% pour l’euro. Mais c’est parce que la zone euro n’offre pas de produit équivalent aux bons du Trésor américain.

Patrick Artus, chef économiste à la banque Natixis, qui estime que l’euro est un échec, l'expliquait en janvier dans le journal L’Opinion : «Face à un marché unifié du dollar, vous avez 17 marchés fragmentés d’emprunts européens, avec chacun ses caractéristiques propres. Les choses seraient différentes si les pays membres trouvaient un accord pour mutualiser une partie de leurs dettes. Avec un eurobond, finis les risques d’évolution divergente et de spread [écart de taux] d’un pays à l’autre. Mais personne n’en veut.»

Lire aussi : Poutine : la dédollarisation du monde, fruit d'une «erreur de l'empire» américain

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