Comment la Chine veut dominer le marché mondial du véhicule électrique
Alternant subventions et quotas, Pékin développe à marche forcée l’industrie du véhicule électrique ou hybride en Chine. Le pays domine depuis l'année dernière la production mondiale, ainsi que celle, stratégique, des batteries électriques.
Le marché de la voiture électrique est devenu en Chine un enjeu national au point de s’inviter à la réunion annuelle du Congrès national du peuple, le Parlement chinois. Ainsi, le 20 mars à Pékin, des délégués ont demandé à l’Etat la révision du système régional de subventions à la construction de véhicules électriques. Il est désormais accusé de fausser la concurrence (entre les producteurs chinois) pour favoriser des champions régionaux et d’être un frein aux gains de compétitivité que pourraient obtenir sur le marché mondial, les meilleurs constructeurs nationaux. Cette demande ne remet toutefois pas en cause la politique nationale de soutien au développement de l’industrie du véhicule électrique et hybride.
Depuis plusieurs années, avec un envol en 2014, le gouvernement chinois a encouragé et subventionné la construction de «véhicules de nouvelle énergie» (VNE), segment qui regroupe hybrides et véhicules 100% électriques. Pour Pékin cette nouvelle technologique représente un double enjeu de santé publique et de sécurité énergétique : lutter contre la pollution dans les grandes métropoles, mais aussi réduire sa dépendance aux importations de pétrole, en hausse constante.
En 2017, la Chine a produit 794 000 de ces VNE dont il s’est vendu quelque 777 000 exemplaires, ce qui fait d’elle le premier producteur et le premier marché mondial de cette catégorie de véhicules. La production avait augmenté de 50% au cours de l’année précédente et le parc de véhicules en service a atteint 1,8 millions d’unités – plus de la moitié du parc mondial. Ces données agrègent toutefois véhicules utilitaires, publics et voitures particulières. Ces dernières, seules, ne représentent encore que 1% des voitures vendues.
La Chine s'inspire de la réglementation californienne pour favoriser les véhicules propres
Mais Pékin veut désormais imposer au secteur automobile une marche forcée avec des objectifs : 7% de ventes de voitures électriques et hybrides en 2020, 15% en 2025, et enfin 40% en 2030. Pour ce faire, les autorités chinoises ont récemment adapté à leur marché le système californien de quotas et de crédits Zero Emission Vehicule, lancé en 1990. La nouvelle réglementation qui entrera en vigueur le 1er avril prévoit que, dès 2019, tous les constructeurs automobiles installés en Chine devront produire 10% de VNE, puis 12% en 2020 et recevront des crédits d’émissions qu’ils pourront revendre aux autres constructeurs qui n’auraient pas atteints ces objectifs. Tous les constructeurs internationaux installés en Chine vont devoir se plier à ces nouvelles normes ou abandonner le marché.
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— RT France (@RTenfrancais) 2 août 2017
Volskwagen investit 10 milliards d'euros en Chine dans les véhicules électriques
Volkswagen, le premier constructeur étranger en Chine, a déjà réagi. Avec ses partenaires locaux, il avait annoncé, fin novembre 2017, 10 milliards d'euros d’investissement en Chine d'ici 2025, pour développer et produire 15 nouveaux modèles de véhicules électriques et hybrides dans les trois prochaines années. Pour le groupe allemand, c'est en enjeu stratégique dans un pays où il a vendu plus de quatre millions de véhicules en 2017. En face, PSA et Renault, avec des ventes sans comparaison, s’accrochent et, dans le cas du second, nouent des partenariats locaux avec le géant Dongfeng.
Parmi ses avantages compétitifs, la Chine est aussi en position dominante pour la production de batteries électriques. Elle détient aujourd’hui la moitié de la capacité de production mondiale, même si, individuellement, les premières entreprises du marché sont les sud-coréennes Samsung SDI et LG Chem… juste devant le chinois BYD, par ailleurs constructeur automobile. Elon Musk, le très médiatique propriétaire californien de Tesla, malgré sa «Gigafactory» (giga-usine) du Nevada, n’arrive pas dans le top 10 mondial. Et il semble s'inquièter du rouleau compresseur chinois sur le marché de la voiture électrique pour avoir récemment apporté son soutien implicite à Donald Trump via twitter à propos des subventions chinoises.
L'Europe renonce à la bataille des capacités de production de batteries
Mais, la bataille des batteries semble déjà perdue pour les concurrents de la Chine. Interrogé par France Inter en octobre dernier, Rajesh Varma, conseiller en investissement spécialiste du secteur, prédisait que la Chine contrôlerait 90% de la production mondiale en 2030.
La Commission européenne, elle, a pour le moment refusé d'encourager une politique volontariste dans le domaine de la voiture électrique, même si elle a consenti un prêt de 50 millions d'euros au projet suédois Northvolt. En revanche, le géant européen de la batterie électrique, envisagé par Bosch et attendu comme un airbus de la batterie lithium-ion, ne verra pas le jour. Fin février, le 1er équipementier automobile a jeté l'éponge après avoir évalué l'investissement à 20 milliards d'euros trop risqué compte tenu de la faible demande européenne.
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