Sommet Europe-Afrique : l’Afrique exige une coopération fondée sur le respect
© European NewsroomRéunis à Luanda pour le sommet Union africaine–Union européenne, les dirigeants africains et européens ont célébré les 25 ans de leur partenariat. Derrière les discours sur la paix, la prospérité et l’égalité, les appels africains à une coopération fondée sur la souveraineté, l’équilibre et le respect mutuel se sont imposés avec force.
C’est dans un climat de repositionnement géopolitique que s’est tenu, à Luanda, le 7ᵉ sommet entre l’Union africaine (UA) et l’Union européenne (UE), les 24 et 25 novembre 2025. Sous le thème « Promouvoir la paix et la prospérité par un multilatéralisme effectif », cette rencontre a coïncidé avec les 25 ans du partenariat UA-UE et les 50 ans de l’indépendance de l’Angola. 28 dirigeants africains et 14 européens y ont participé.
Coprésidé par le président angolais João Lourenço et le président du Conseil européen António Costa, le sommet a mis en scène la volonté européenne de préserver son influence sur un continent où d’autres puissances, notamment la Russie et la Chine, développent de plus en plus leurs partenariats. L’Europe tente de reprendre pied après avoir perdu en crédibilité, notamment dans la zone sahélienne. De son côté, Ursula von der Leyen a appelé à une « coopération entre égaux », un message jugé insuffisant face aux demandes croissantes d’engagements concrets.
La défiance africaine s’est exprimée sans détour. Mahamoud Ali Youssouf, président de la Commission de l’UA, a affirmé que « l’Afrique cessera bientôt de jouer uniquement le rôle de fournisseur de matières premières ». Il a appelé à la levée des barrières commerciales. Quant à João Lourenço, il a insisté sur la nécessité pour l’Afrique de peser davantage dans les décisions mondiales et d’obtenir une place équitable dans les instances internationales.
Coopération économique ou logique d’exploitation ?
L’économie a été l’un des grands axes de discussion, à travers la présentation de projets d’infrastructures comme le corridor de Lobito, modernisé avec des fonds européens et américains. Ce chemin de fer stratégique, reliant l’Angola à la RDC et à la Zambie, vise à faciliter l’exportation de minerais comme le cuivre et le cobalt. Politico rapporte cependant des critiques sévères sur ce projet perçu comme servant d’abord les intérêts occidentaux. Emmanuel Umpula Nkumba, directeur d’Afrewatch, a déclaré aux médias : « Je ne suis pas naïf, ils viennent pour faire de l’argent, pas pour nous aider. »
L’initiative « Global Gateway », mise en avant par Bruxelles comme alternative à l’influence chinoise, peine à convaincre. Plusieurs voix africaines dénoncent une approche toujours orientée vers l’extraction brute au détriment de la transformation locale. À cela s’ajoute une fatigue croissante face aux conditionnalités politiques imposées par l’UE, perçues comme une ingérence.
Le Premier ministre slovaque Robert Fico a résumé ce sentiment partagé en déclarant : « Les problèmes africains nécessitent des solutions africaines, pas des leçons occidentales. » Une phrase qui a trouvé écho auprès de nombreux responsables africains réunis à Luanda.
La paix au cœur des exigences africaines
Le volet sécuritaire a occupé une place centrale dans les discussions, en particulier les conflits au Soudan, en République démocratique du Congo (RDC), au Sahel et en Palestine. Dans leur déclaration finale, les dirigeants ont également tenu à exprimer leur position sur le conflit en Ukraine, en réaffirmant leur soutien à une « paix juste, globale et durable ».
En marge du sommet, un mini-sommet européen informel a d’ailleurs eu lieu pour discuter du plan proposé par les États-Unis sur l’Ukraine. Plusieurs dirigeants européens ont exprimé leur désaccord avec certains éléments du plan américain, exigeant que les intérêts de l’UE et de l’OTAN soient pleinement pris en compte.
Félix Tshisekedi, président de la RDC, a rappelé que « la paix et la sécurité sont des urgences vitales ». Il a dénoncé la dispersion des efforts internationaux et appelé à replacer la souveraineté au cœur des mécanismes de coopération. L’Angola, pays hôte, a de son côté alerté sur les risques de partition de la RDC si aucun processus solide n’est enclenché rapidement.
L’Algérie a, elle aussi, sonné l’alarme. Dans son intervention, le chef de la diplomatie Ahmed Attaf a dénoncé l’aggravation du terrorisme au Sahel et l’indifférence des grandes puissances aux crises africaines. Il a insisté sur l’urgence d’une réorganisation des priorités du partenariat Afrique-Europe en matière de sécurité.
Les questions migratoires ont été abordées dans une logique de contrôle et de coopération. Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a mis en garde contre « le risque de délitement régional », liant sécurité, mobilité et stabilité des populations. Malgré les déclarations, l’attente d’un changement profond dans les relations reste forte côté africain.
Dans un contexte où les pays de l'UE ne sont plus seuls en Afrique, et où de nouveaux partenaires comme la Russie renforcent leur présence en réponse aux attentes africaines, l’Afrique dispose aujourd’hui d’un pouvoir de négociation qu’elle entend utiliser. Le temps des promesses est révolu, celui des partenariats crédibles et respectueux doit s’ouvrir.