Missiles Taurus : quand des officiers allemands évoquent le ciblage d’un «pont» en Russie
La rédactrice en chef de RT, Margarita Simonian, a publié ce 1er mars une conversation qu’auraient eu mi-février des officiers allemands. Ces derniers évoquent notamment un «pont», comme potentielle cible de missiles Taurus si Berlin donnait son feu vert à leur livraison à l’Ukraine.
Dans un message posté tôt ce 1er mars sur sa chaine Telegram, Margarita Simonian a annoncé détenir «quarante minutes d'un enregistrement audio captivant» d’un entretien entre gradés allemands «expliquant comment ils vont bombarder le pont de Crimée». Le tout, «le jour même où Scholz a déclaré que l'OTAN ne participait pas et ne participerait pas au conflit ukrainien», a ajouté la rédactrice en chef de RT et du groupe de médias Rossia Segodnia.
Dans la transcription d’un extrait - puis la publication de cet échange, qui aurait eu lieu le 19 février entre deux militaires du centre des opérations aériennes du commandement spatial de la Bundeswehr, l’inspecteur de l’armée de l’air, Ingo Gerhartz, ainsi que le commandement de l'armée de l'air de la Bundeswehr Frank Graefe, ceux-ci évoquent les défis que pourrait présenter un éventuel feu vert de Berlin à la livraison de missiles Taurus aux forces ukrainiennes.
Au-delà des problématiques de logistique, de la formation du personnel sur place, ou encore de trouver une plateforme aérienne adéquate pour tirer les ogives allemandes, les trois interlocuteurs en viennent à discuter de cibles potentielles via la fourniture d’images satellites aux Ukrainiens. L’un d’eux évoque alors un «pont à l’est» ainsi que des «dépôts de munitions qui se trouvent plus haut».
«La guerre hybride contre la Russie, déclenchée par l'Occident, bat son plein», dénonce Zakharova
Un «pont», «difficile à atteindre», aux dimensions plus que notables, qui font douter un autre militaire. Ce dernier note que l’édifice «en raison de sa taille, ressemble à une piste d’atterrissage». «Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est un trou» poursuit-il, estimant qu'il faudrait «10, voire 20 missiles» pour le détruire, alors que Gerhartz évoque la possibilité d’utiliser des Rafale français pour déployer les Taurus.
Plus tôt, celui-ci c'était montré confiant quant au délai de déploiement d'armements de pointe en Ukraine, tels que les batteries Patriot. «Nous menons désormais une guerre qui utilise une technologie beaucoup plus moderne que celle de notre bonne vieille Luftwaffe», s'est-il notamment félicité.
«Comment faut-il réellement comprendre cela ?» a lancé Margarita Simonian, interpellant directement l'ambassadeur d'Allemagne, la diplomatie allemande et Olaf Scholz. «N’est-il pas temps, maintenant pour la Russie, de rappeler activement à l’Allemagne comment les explosions des ponts russes se sont terminées la dernière fois pour l’Allemagne?» a-t-elle ajouté. «La guerre hybride contre la Russie, déclenchée par l'Occident, bat son plein» a quant à elle réagi sur Telegram la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova, reprenant des extraits de la transcription.
Quand Scholz met ses alliés français et britannique dans l’embarras
Cette sortie médiatique survient quelques jours après que le chancelier Scholz a réaffirmé sa réticence à la livraison à l’Ukraine de missiles Taurus. Une déclaration qui s’était accompagnée d’une sortie embarrassante pour Paris et Londres, qui fournissent déjà des missiles longue portée à Kiev. En effet, le leader allemand a justifié sa réticence à fournir de tels missiles par le fait qu’ils nécessiteraient une assistance de Berlin sur le terrain afin de pouvoir les opérer.
«Ce qui est fait en termes d'acquisition de cible et d'accompagnement d'acquisition de cible de la part des Britanniques et des Français ne peut être fait par l'Allemagne», avait déclaré Scholz le 26 février, dans des propos rapportés par Associated Press. «Les militaires allemands ne doivent à aucun moment et à aucun endroit être liés aux cibles que ce système frappe», avait-il ajouté.
Une sortie jugée «totalement irresponsable» par Norbert Röttgen, un ex-ministre d’Angela Merkel et actuel député de la CDU, cité par The Telegraph.
Derrière les États-Unis, l’Allemagne est le principal fournisseur d’armement à l’Ukraine, avec 17,1 milliards d’euros d’aide militaire alloués à Kiev au 31 octobre 2023 selon les chiffres du Kiel Institute, un think tank allemand. Une situation qui tend à agacer Berlin, qui réclame plus d’implication de ses partenaires européens. Mi-janvier, le Financial Times (FT) révélait qu’à la demande de Scholz, Bruxelles avait lancé un audit sur les fournitures d’armes des États membres de l’UE. Le même jour que ces révélations du FT, Emmanuel Macron avait annoncé l’envoi de 40 nouveaux missiles Scalp à l’Ukraine.
Côté ukrainien, Kiev cherche de longue date à détruire le pont de Crimée, qui relie la péninsule russe à la région de Krasnodar par le détroit de Kertch. Cet édifice, le plus grand ouvrage de ce type en Europe, a été la cible de deux attentats à la bombe au cours de ces deux dernières années.