Russie : un nouveau médicament développé contre la maladie de Bekhterev

Russie : un nouveau médicament développé contre la maladie de Bekhterev Source: Reuters
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La société de biotechnologie russe Biocad, en collaboration avec l’Université nationale russe de recherches scientifiques en médecine Pirogov, a créé un médicament à base de corps monoclonaux pour le traitement de la «maladie de Bekhterev». Cette maladie rare conduit à la coalescence des vertèbres et à leur perte de mobilité.

La «maladie de Bekhterev», très rare, conduit à la coalescence des vertèbres et à leur perte de mobilité. Les médicaments actuels contre cette maladie sont basés sur l’inhibition de l’immunité du patient. Or, un nouveau médicament à base de corps monoclonaux développé par la société de biotechnologie russe Biocad, en collaboration avec l’Université nationale russe Pirogov, à base de corps monoclonaux, est dépourvu de cet effet secondaire. Il s'avère plus sûr, car il agit de manière ciblée, comme l’explique dans une interview à RT le vice-président du développement précoce et de la recherche de la société de biotechnologie Biocad, Pavel Yakovlev. Selon celui-ci, le médicament a montré de bons résultats lors des essais précliniques, et actuellement il est en troisième phase d’essais cliniques. Les chercheurs espèrent que ce médicament conviendra à une utilisation à long terme.

Nous avons mis au point un médicament qui affecte le premier maillon de la chaîne de la maladie

RT : Votre société, en collaboration avec des scientifiques de l’Université russe de recherches scientifiques Pirogov, a conçu le premier médicament au monde à base d’anticorps pour le traitement de la «maladie de Bekhterev». Quel type d’anticorps a été pris comme base et pourquoi ?

Pavel Yakovlev : Il faut préciser d’emblée qu’il existe déjà des médicaments pour le traitement de la «maladie de Bekhterev». Ils contiennent des anticorps contre les cytokines pro-inflammatoires – des protéines qui se trouvent tout au bout de la cascade inflammatoire et provoquent directement l’inflammation. Une telle thérapie fait partie du traitement immunosuppresseur, c’est-à-dire que les médicaments inhibent d’une manière ou d’une autre l’immunité. Cela conduit souvent à un affaiblissement de la résistance du corps à diverses maladies infectieuses et non infectieuses. A l’inverse, nous avons mis au point un médicament qui affecte directement le premier maillon de la chaîne de la maladie et la progression de celle-ci. C’est un anticorps monoclonal classique avec des caractéristiques améliorées pour attirer des tueurs d’origine naturelle, autrement dit des cellules responsables du meurtre des antigènes indésirables de la maladie.

Comment le médicament fonctionne-t-il ?

Dans le corps humain, il existe un grand nombre de cellules immunocompétentes qui appartiennent au système immunitaire adaptatif. Le système immunitaire adaptatif est une structure hautement spécifique capable de reconnaître les antigènes étrangers. 

Les principaux éléments de l’immunité adaptative sont les lymphocytes T et les lymphocytes B. En cas de «maladie de Bekhterev» et d’un certain nombre d’autres maladies auto-immunes, apparaissent des lymphocytes T autoréactifs qui jouent un rôle clé dans la destruction de nos propres tissus et organes. Cela se produit parce que les lymphocytes T autoréactifs se lient à des cellules qu’ils perçoivent comme étrangères (bien qu’elles ne le soient pas) et tentent de les détruire. Si nous cherchions à bloquer cette fonction ou bien à détruire toutes les cellules T, alors une telle approche entraînerait probablement une immunodéficience. Cependant, il faut bien comprendre que les lymphocytes autoréactifs sont peu nombreux par rapport au nombre total de lymphocytes dans le corps. Donc, il n’est pas nécessaire d’interagir avec tous les lymphocytes.

Les scientifiques ont réussi à identifier les lymphocytes responsables de la réaction auto-immune

Les scientifiques de l’Université Pirogov ont réussi à identifier ce petit nombre de lymphocytes T autoréactifs spécifiques qui sont responsables de la réaction auto-immune dans certains cas de spondylarthropathies [un groupe de maladies infectieuses caractérisées par des lésions des articulations, des tissus conjonctifs osseux et cartilagineux], dont la «maladie de Bekhterev». Ensuite, nous avons développé conjointement un médicament qui affecte et tue uniquement ces cellules sans affecter tous les autres lymphocytes T du corps.

Comment le médicament a-t-il été conçu ? Quel est son aspect et comment est-il administré ?

La base du médicament est un anticorps monoclonal recombinant. De tels médicaments sont largement utilisés en médecine dans le traitement des maladies malignes, auto-immunes et inflammatoires, dans le traitement du rejet d’organes transplantés, etc. Ce n’est pas une protéine naturelle, mais artificielle, elle est produite par des cellules linéaires à l’aide de technologies de génie génétique et a subi diverses modifications. L’une d’elles vise à réduire son immunogénicité – la capacité de l’antigène à provoquer une réponse immunitaire, quelle que soit sa spécificité immunitaire. En outre, comme je l’ai mentionné précédemment, l’anticorps a une affinité accrue pour les récepteurs des cellules tueuses naturelles, ce qui permet une destruction plus rapide et plus efficace des cellules autoréactives.

Le médicament est injecté dans le corps par voie intraveineuse. Le traitement est effectué à l’hôpital sous la supervision des médecins.

Avez-vous rencontré des difficultés lors des essais précliniques ?

Le problème est que les lymphocytes T sont très nombreux dans le corps et leurs types ne sont pas codés dans l’ADN initialement, mais sont produits tout au long de la vie. Ainsi, chez deux personnes différentes, ces cellules peuvent être très différentes. Des sous-types de lymphocytes font leur travail pour protéger le corps. Lorsque nous parlons d’animaux, le «répertoire» des cellules T est également complètement différent.

Ainsi, l’une des principales difficultés réside dans le fait que les animaux de laboratoire n’ont souvent pas les types de lymphocytes T qui deviennent autoréactifs chez l’homme et provoquent le développement de la maladie.

Ou dans le cas des animaux, ces lymphocytes T peuvent ne pas être liés à cette maladie en raison de la présentation d’antigènes différents de ceux des humains. Cependant, nous avons réussi à créer un modèle pertinent de la maladie qui serait, pour une espèce biologique donnée, équivalent à ce que nous voyons généralement dans le développement de la «maladie de Bekhterev» chez l’homme.

Les essais cliniques ont débuté en 2021. Une troisième phase de recherche a récemment été autorisée. Quels résultats le médicament a-t-il obtenus jusqu’à présent ? A quel point est-il efficace et sans danger pour l’homme ?

Le fait que nous ayons été autorisés à mener une troisième phase prouve que le médicament a obtenu les résultats attendus lors des deux premières phases.

Nous avons déjà des données préliminaires sur son efficacité. Le profil d’innocuité du médicament est très élevé, nous n’avons observé aucun effet indésirable majeur.

Nous partons du fait que le médicament à l’étude obtiendra des résultats plus élevés lors d’une utilisation prolongée, même si nous pouvons déjà dire que les résultats sont encourageants.

La «maladie de Bekhterev» est une maladie caractérisée par des ankyloses vertébrales

Selon le ministère de la Santé, en Russie, un peu plus de 30 000 personnes sont atteintes de la «maladie de Bekhterev». Cette maladie est considérée comme assez rare, mais très dangereuse. Généralement, de nombreuses personnes sont sujettes à différents types de troubles auto-immuns. Votre travail pourra-t-il les aider à l’avenir ?

La «maladie de Bekhterev», ou spondylarthrite ankylosante, est une maladie caractérisée par des ankyloses – coalescences vertébrales.

Cependant, en 2021, la 11e version de la classification internationale des maladies a été adoptée, dans laquelle la maladie est attribuée au groupe des spondylarthrites [des maladies caractérisées par une réponse tissulaire pathologique à des déclencheurs immunitaires et mécaniques avec une lésion prédominante du squelette axial], et elle a reçu un autre nom – «spondylarthrite axiale». Ce changement s’est produit parce qu’il a été démontré que dans le même type de réaction inflammatoire, les ankyloses n’apparaissent pas toujours, loin de là.

Les patients présentant une réaction auto-immune au HLA-B27 sous-jacente à la spondylarthrite axiale, dépassent largement les 30 000, étant donné que ce groupe de maladies comprend également certains types d’arthrite psoriasique, d’uvéite, d’arthrite juvénile et d’autres maladies. Nous espérons qu’à l’avenir le médicament que nous avons mis au point permettra de guérir de nombreuses maladies de ce groupe.

Pourquoi n’a-t-il pas été possible auparavant de créer des médicaments pour de telles pathologies ? Qu’est-ce qui posait problème en particulier?

Des médicaments pour ces maladies existent déjà, ils sont sur le marché et sont assez efficaces. Cependant, comme je l’ai déjà dit, ils provoquent une immunosuppression et une résistance au traitement. Par conséquent, les médecins qui prescrivent ces médicaments savent que le patient devra probablement les changer toutes les X années, car ceux-ci cessent de fonctionner. Néanmoins, ils resteront nécessaires pour un certain nombre de patients dont la maladie n’est pas liée au HLA-B27, ou dont la maladie n’est pas seulement liée au HLA-B27.

Ils sont devenus les premiers à traiter toutes ces données

Nous nous attendons à ce que notre médicament à cet égard convienne à un traitement à long terme. Les spécialistes de l’Université Pirogov ont effectué un travail énorme : pendant 15 ans, ils ont analysé un grand nombre de récepteurs de cellules T de divers patients et ont réussi à identifier la famille précise associée au développement de la maladie. Non seulement en Russie, mais aussi dans le monde, ils sont devenus les premiers à être en mesure de collecter et de traiter toutes ces données.

C’est cette partie scientifique fondamentale qui a permis de découvrir le mécanisme d’action et de développer le premier médicament de cette classe thérapeutique. Nous espérons qu’à l’avenir cette découverte permettra de développer des médicaments contre la plupart des maladies auto-immunes.

Quand le médicament sera-t-il disponible pour les patients ?

Aujourd’hui, les patients ne peuvent obtenir un nouveau médicament qu’après des essais cliniques. En ce qui concerne sa mise en vente libre, conformément aux lois de la Fédération de Russie cela ne pourra se produire qu’après l’obtention d’une autorisation de commercialisation. Pour notre part, nous faisons tout notre possible pour y parvenir. 

 

 

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