Selon Philippe Mesnard, rédacteur en chef de Politique magazine, le président de la République veut «emmerder» les non-vaccinés car ceux-ci se refusent à intégrer le «camp de la raison» qu'il entend incarner.
Vulgaire et violent, Macron veut que tout le monde sache que sa volonté est l’ultime raison en sa république. Ni sa fonction, ni le bien commun, ni le sens de l’Etat ne peuvent contenir ses élans rageurs.
Or donc, Macron a décidé d’emmerder les mauvais Français, ceux qui ne veulent pas se faire vacciner alors qu’on leur a dit que c’était le seul moyen de revenir à la vie d’avant
Or donc, Macron a décidé d’emmerder les mauvais Français, ceux qui ne veulent pas se faire vacciner alors qu’on leur a dit que c’était le seul moyen de revenir à la vie d’avant, où on peut tomber malade mais avec le sentiment du devoir accompli, ce qui est une bien douce consolation.
Comme Macron aime bien jouer les canailles, du genre à boire des coups au bistro avec les anciens de Whirlpool en leur expliquant «On s’est parfois fait prendre pour des imbéciles. On s’est parfois fait avoir collectivement», on ne dira pas qu’il a mal choisi ses mots ou que ceux-ci ont dépassé sa pensée. Non, Manu-le-Prez a choisi d’être grossier parce que c’est un genre qu’il aime bien se donner, ça le titille délicieusement, il dit des choses comme «boire un canon» qu’il a lues dans les fiches rédigées par ses sbires qui ont regardé en boucle les films des années 50 pour lui confectionner un guide de la France ringarde. Et il dit «emmerder» pour flatter la moitié des Français qui aime bien accuser l’autre et parce que ça correspond bien à sa personnalité capricieuse. Il dit «emmerder» comme on pète pour faire rire. Il a l’habitude de lâcher ses mots comme d’autres lâchent des pets, pour jouer de l’effet de surprise.
Personne n’a le droit d’avoir raison contre Macron
Il veut emmerder ceux qui ne sont pas vaccinés parce qu’ils lui résistent. Ils résistent au camp de la raison. Ils ne sont pas convaincus par Salomon, Véran, Castex, Attal et Macron, ces valeureux, qui se dévouent corps et âmes pour nous trousser des lois d’exception, des décrets surprises, des règlements éclairs et de la politique publique au kilomètre, à peine si les députés LREM ont le temps de tout comprendre et de tout voter. Les non-vaccinés, ces pelés, ces galeux, osent expliquer qu’il faudrait d’abord traiter les plus faibles et les plus exposés, qui ne sont sans doute pas les adolescents ni les quadragénaires ni même les quinquagénaires mais les malades et les plus vieux – qui constituent d’ailleurs l’immense majorité de ceux qui meurent.
Il veut emmerder ceux qui ne sont pas vaccinés parce qu’ils lui résistent
Mais un Français n’a pas à réfléchir, avec Macron. Il doit obéir et se soumettre. Surtout si on lui a dit tout et son contraire depuis le début de l’épidémie et surtout si on lui a promis à chaque fois que ses libertés étaient rognées que c’était vraiment pas plus, vraiment la dernière fois, et pour pas longtemps. Surtout quand on lui ment et qu’il peut le vérifier : non, les patients hospitalisés pour raison de Covid ne sont pas dans leur immense majorité des non-vaccinés… Non, le vaccin n’empêche pas de tomber malade ni de contaminer les autres… Non, le variant omicron n’est pas dévastateur… Dire qu’il y a même des médecins, des scientifiques, des Français et des étrangers, qui disent que porter le masque dehors ne sert à rien et qu’avec Omicron on va atteindre l’immunité collective et que vacciner à tire-larigot empêche en fait le corps de réagir naturellement au virus pile au moment où une forme plus faible se répand…
Mais Macron ne veut pas de ça ! Macron ne veut pas qu’on puisse prétendre un seul instant que ce n’est pas lui, avec ses petits bras, qui a terrassé tout seul l’hydre covidique ! Macron veut qu’on lui donne tout le crédit de cette épidémie mondiale enfin vaincue par lui tout seul en France, avec des vaccins américains et des contrats européens (au fait, j’aimerais bien qu’on me dise ce que les Européens pensent de leur président de six mois et de sa French Touch…). Macron veut que les Français qui n’en peuvent plus des restrictions qu’il leur a imposé voient en lui leur sauveur. Il n’a que cinq millions d’opposants non-vaccinés : c’est un peu plus qu’une «infime minorité», comme le prétend Castex, ça fait un peu plus de 10% des inscrits sur les listes électorales, mais enfin, Macron et Castex ont décidé que c’était des gueux, qu’on peut emmerder : trop bêtes pour se vacciner, trop partisans, trop vieux pour se déplacer, on s’en fout, désignons-les à la vindicte publique, montrons-les du doigt, expliquons qu’ils ne méritent pas d’être des citoyens parce qu’ils sont irresponsables. Avec un peu de chance, leurs amis ne leur parleront plus, les commerçants ne les serviront plus, leurs patrons les vireront et les médecins ne les soigneront pas en expliquant qu’ils ont dû choisir des gens plus responsables.
Déplorables irresponsables
La République, en ses débuts, avait ainsi décidé que ne seraient citoyens que ceux qui adhéraient au nouvel ordre – les autres étaient bon pour la terreur, la prison et la mort. Macron, qui a écrit Révolution, rêve d’un ordre macronien et ne supporte pas qu’on ne veuille pas se ranger sous sa coupe. Mieux vaut être immigré clandestin, trafiquant de drogue ou fraudeur social. Mieux vaut, même, être terroriste puisque Macron, comme le rappelle Eric Ciotti, avait refusé qu’on leur applique la déchéance de nationalité : «En 2016, Emmanuel Macron avait refusé la déchéance de nationalité pour les terroristes islamistes en se basant sur le fait que tout le monde est citoyen. Là, les non-vaccinés seraient peut-être plus dangereux que des terroristes ? C'est un raisonnement extrêmement choquant.»
Mieux vaut être immigré clandestin, trafiquant de drogue ou fraudeur social
Oui, c’est un raisonnement macronien. C’est le raisonnement d’un banquier d’affaires qui méprise les Français, la France, les sentiments, les libertés, qui ne songe qu’à lui, à sa gloire, à sa volonté de puissance, qui ne voit la réalité que comme un brouillon sur lequel il peut écrire ce qu’il veut et qui pète sur ses ennemis en riant, sûr de son impunité. Les «élites» qui l’entourent se pâment devant sa mâle vigueur surjouée et ricanent avec excitation en songeant aux obscurs, aux sans-grades, aux désolés, aux navrants, qu’on a insultés une fois de plus et qui, une fois de plus, ne recevront pas de l’Etat ce que l’état est censé apporter aux citoyens : la paix et la justice. Elles aussi Macron les emmerde.
Philippe Mesnard