De Gaza, Ziad Medoukh: « Ce n'est pas une troisième Intifada mais un soulèvement de désespoir»

 De Gaza, Ziad Medoukh: « Ce n'est pas une troisième Intifada mais un soulèvement de désespoir»
Ziad Medoukh (capture compte auteur)
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On l'appelle déjà «l'Intifada aux couteaux», menée par des Palestiniens. Pourtant, selon Ziad Medoukh, coordinateur du Centre de la Paix à Gaza, on ne peut parler encore de troisième Intifada mais d'un mouvement qui signe l'échec des accords d'Oslo.

RT France: Ce 13 octobre, une journée de protestation baptisée «Jour de colère»a été lancée à l’initiative de plusieurs mouvements palestiniens. Comment cela s’est déroulé à Gaza ?

Ziad Medoukh (Z.M.): A Gaza, il y a eu trois manifestations pacifiques devant les trois zones tampon créées par l’armée israélienne, l’une au Nord, l’autre au centre et la dernière au Sud de la bande de Gaza. Ce sont des zones de 500 mètres, confisquées aux terres palestiniennes et transformées en zone militaire. Les jeunes Gazaouis ont fait des manifestations, et les soldats israéliens ont riposté à balles réelles : vendredi dernier, 7 jeunes sont morts, samedi, 3 morts et ce 13 octobre, 42 blessés. Cela a été des manifestations spontanées, organisées par les jeunes palestiniens, et 2000 à 3000 personnes s’y sont rendues pour exprimer leur solidarité avec la Cisjordanie.

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RT France: Il y a donc une solidarité nette entre Gaza et la Cisjordanie, malgré la coupure géographique et politique ?

Z.M.: Bien sûr. Ce sont dans les deux territoires des soulèvements populaires. Aucun parti politique ne les dirige. Autre aspect important à Gaza, l'aspect pacifique des mouvements à Gaza. Les jeunes se rendent aux zones tampon avec des drapeaux palestiniens, il y a des provocations des soldats israéliens, les jeunes palestiniens lancent alors des pierres et les ripostes à balles réelles et gaz lacrymogènes se font. La semaine dernière, il y a eu 11 morts et plus de 60 blessés, dont on ne parle pas ou presque.

C’est un message clair : la génération Oslo dénonce l’échec de ces accords, synonyme de blocus, colonisation

RT France: Comment qualifier ce soulèvement ?

Z.M.: Il est populaire. Il n‘est pas politisé. Il est jeune. Il est spontané. C’est une jeunesse âgée entre 13 et 22 ans. Cet âge de 22 ans correspond à la signature des Accords d’Oslo en 1993. Après cet accord, il y avait eu de l'espoir pour cette jeunesse palestinienne. Aujourd’hui, après deux semaines de soulèvement, c’est un message clair : la génération Oslo dénonce l’échec de ces accords, synonyme de blocus, colonisation, chômage, désespoir, mur de l’apartheid qui sépare les terres, les familles, les villages. Tout cela sans condamnation internationale.

Il y a plus de 365 checkpoints en Cisjordanie qui morcelle les terres, rendant difficile le quotidien des palestiniens, le paysan ne pouvant se rendre sur sa terre ou l’étudiant à son université. Ajouter à cela la colonisation et les provocations des colons, soit sur l’Esplanade des Mosquées, soit quand ils ont brûlé une famille à Naplouse. 30 morts, 500 arrestations en deux semaines, cela suffit. Pour le moment, les partis politiques palestiniens sont en retrait et observe la situation. Il faut noter aussi les femmes et jeunes filles dans ce soulèvement qui sont très présentes sur le terrain. Cela montre aussi sa dimension large et populaire.

RT France: Quel a été le point de rupture qui a provoqué cet embrasement ?

Z.M.: Il n’y pas une raison mais quatre principales. L’état de désespoir des Palestiniens qui voient que si l’Etat palestinien a enfin une reconnaissance internationale, sur le terrain rien ne change. Ensuite, l’échec évident d’Oslo avec une absence de perspective et d’avenir. Troisièmement, les provocations des colons et de l’armée, les visites sur l’esplanade des Mosquées qui est considérée comme saint pour les Palestiniens. Quatrièmement, la défection de la communauté internationale qui ne fait pas respecter le droit international.

RT France: Quels sont les messages de ce soulèvement ?

Z.M.: Ce soulèvement a trois messages. D’abord c’est un adieu à Oslo. La jeunesse ne souhaite plus que l’Autorité coopère ni avec l’occupant ni avec le dispositif d’Oslo. Elle estime que les Palestiniens ont respecté leur part dans ces accords mais pas les Israéliens. Après 22 ans d’Oslo, la situation s’empire. Le second message est adressé au Israéliens. Les jeunes disent stop à l’agression et l’humiliation permanente des colons et des soldats. Désormais, les Palestiniens répondront à toute attaque de l’armée ou des colons. Le troisième message est à la communauté internationale qui continue son silence complice avec Israël. La Paix n’est possible qu’avec la Justice. Il faut que cette communauté fasse enfin pression sur Israël pour qu’il cesse sa politique contraire au droit international.

On ne peut pas parler de troisième Intifada mais de soulèvement populaire de colère et de désespoir 

RT France: Est-ce une troisième Intifada ?

Z.M.: Ce n’est pas une troisième Intifada. La première, en 1987, était un soulèvement populaire qui a abouti aux Accords d’Oslo. Après une courte amélioration, les Palestiniens ont vu que c’était une illusion. La seconde Intifada a été militaire, avec des armes, des attentats. Dans ces deux précédents, il y a trois aspects absents aujourd’hui : il y avait une unité nationale palestinienne. Aujourd’hui il y a le Hamas et le Fatah. Ensuite, les Palestiniens ne sont plus unis sur la forme de résistance. Aujourd’hui il y a 4 formes de résistances : militaire avec les factions de Gaza. Politique avec l’Autorité palestinienne et les négociations de paix. Pacifique avec certains mouvements en Cisjordanie comme à Bi’lin. La quatrième est celle sur le terrain des jeunes. Là il n’y pas d’encadrement politique. On ne peut donc pas parler de troisième Intifada mais de soulèvement populaire de colère et de désespoir.

Il faut observer dans les jours qui viennent pour déterminer si ce mouvement va effectivement se diriger vers une troisième Intifada. Il se peut que la communauté internationale intervienne pour obliger Israël à lever le blocus et stopper la colonisation. Il se aussi qu’Israël finisse par comprendre qu’il a en face toute une population qui ne veut plus subir l’humiliation et le désespoir. Enfin, il faut tenir compte de la capacité de cette jeunesse à tenir ce soulèvement, avec le nombre de morts et les arrestations massives.

RT France: Y-a-t-il disproportion dans la riposte israélienne ?

Z.M.: Les soldats israéliens sont souvent paniqués par ces mouvements. Ils ont même peur de jeunes enfants palestiniens isolés. A Gaza, il n’y a pas de présence militaire israélienne à l’intérieur même du territoire ni de colons. L’armée israélienne s’est retirée en 2005. Mais la bande de Gaza est toujours occupée, le ciel, la mer et les frontières terrestres sont toujours contrôlés par l’armée israélienne. Celle-ci peut mener à tout moment des incursions dans le pays. Elle peut aussi déclencher des bombardements dès qu’elle le souhaite. Samedi dernier, une palestinienne enceinte et sa fille de 2 ans ont été tuées par ces bombardements. En Cisjordanie par contre, les soldats et colons israéliens sont présents dans les terres palestiniennes.

RT France: Que pensez-vous de l’initiative de Saeb Erekat, numéro deux de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui veut saisir la CPI sur les « exécutions extrajudiciaires » d’Israël dans la vague actuelle de violences ?

Z.M.: Saisir la CPI est un droit pour la Palestine qui en est devenue membre. L’Autorité palestinienne est en train de rassembler des dossiers avec des photos de victimes, des témoignages, notamment en ce qui concerne la dernière offensive de l’été 2014. En Cisjordanie, on compte en deux semaines 19 morts palestiniens. Ils ont été abattus soit parce qu’ils étaient considérés comme suspects, soit parce qu’ils ont attaqués à l’arme blanche des colons et ont été abattus. Les soldats israéliens tirent directement à balles réelles en cas de simple doute. Cela montre aussi l’état de peur et de panique chez les soldats israéliens, qui malgré leurs armes, craignent ce soulèvement populaire.

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Ces Accords d'Oslo ont été une erreur et n’ont servi au final qu’à permettre à Israël d’écraser plus encore les Palestiniens

RT France: Comment jugez-vous la décision de Mahmoud Abbas annoncée à la tribune de l’ONU selon laquelle la Palestine n'est plus tenue par les Accords d'Oslo?

Z.M.: On peut dire que ces accords sont mort-nés. C’est évident sur le terrain. Dans ces accords, il y avait plusieurs volets, économique, politique, sécurité. Tous ont été respectés par les Palestiniens, mais pas par les Israéliens. Par exemple, ces accords prévoyaient la proclamation d’un Etat en 1999. Rien n’a vu le jour. Au plan économique, ces accords prévoyaient la construction d’un port, d’un aéroport, d’infrastructures. Cela avait été fait grâce à l’aide de l’Union européenne. Puis tout a été détruit sans que personne ne proteste. Quant au volet sécuritaire, à chaque fois les factions de Gaza respectent le principe de trêve alors que les bombardements ou attaques israéliens continuent. La communauté internationale demeure silencieuse devant le fait que si les Palestiniens ont bien rempli leurs obligations, Israël a continué la colonisation. Il y là un vrai problème. Ces Accords ont été une erreur et n’ont servi au final qu’à permettre à Israël d’écraser plus encore les Palestiniens.

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