Le reconfinement annoncé par Emmanuel Macron le 28 octobre à la télévision n'a pas été une surprise : la presse avait bruissé d'informations sur le sujet toute la journée. Mais ce qui pose problème, selon l'essayiste Eric Verhaeghe, c'est la méthode.
Selon les informations qui percent, le président avait décidé dès dimanche soir du passage à un confinement rapide. Mais dans son entourage, personne ne semblait clairement informé de la décision et, jusqu'à ce mercredi matin, aucune anticipation n'a eu lieu sur la meilleure façon de le mener. Tout laisse à penser désormais que les décisions sont prises au sommet de l'Etat sans concertation et sans communication... avec le reste de l'exécutif et du pays. A tel point que nous sommes intimés de réagir dans l'heure à des décisions prises depuis plusieurs jours par une sorte de monarque républicain qui ne semble pas avoir conscience que le destin de plus de 65 millions d'individus peut se jouer en un claquement de doigts. Nous avons désormais un problème de capacité d'Emmanuel Macron à gouverner le pays sans le mettre en péril, qui pose un véritable problème institutionnel et constitutionnel.
Reconfinement ou pas ? Cette décision, personne ne le conteste, n'est pas simple à prendre. Elle engage une collectivité de près de 70 millions de personnes, qui fut à une époque encore récente dans les cinq premières économies mondiales. Elle peut condamner au chômage et au déclassement des millions de personnes. Personne n'en doute, et tout le monde est chagriné de ce constat. Raison de plus pour entourer la décision de reconfiner ou non de toutes les précautions qui conviennent à une grande démocratie libérale. Et ici, la méthode Macron nous pose un problème majeur qui sème le doute sur la capacité personnelle de l'exécutif à faire face à la situation de crise inédite que nous traversons.
Reconfinement : le fait du prince ?
Mettons d'emblée les tripes sur la table. Il y a un sévère problème dans la méthode. Le président a fait le choix de parler à la télévision ce mercredi soir et d'annoncer sa décision : on reconfine à partir de vendredi. C'est une décision d'exception, qui signe l'échec de la politique sanitaire de ce pays, instruite pourtant de la dangerosité du virus, mais qui s'est montrée incapable de mettre en place une stratégie de dépistage efficace du virus, sans parler de l'incapacité à financer des recherches pourtant très avancées sur des traitements alternatifs.
Cette décision est prise et ne sera pas modifiée. Elle est le fait du prince. La presse nous dit que Macron l'a prise dès dimanche dernier. Le président disposait donc de trois jours francs pour en anticiper les effets. Pourtant, selon nos informations, les consultations, notamment avec le patronat pour connaître le périmètre définitif des commerces non essentiels à fermer dès vendredi matin, n'ont été entreprises qu'aujourd'hui, dans des conditions acrobatiques.
Manifestement, le président n'a pas jugé utile de préparer les acteurs économiques de ce pays à sa décision. Il a décidé, et cette décision seule suffit. Cette solitude pose problème car, faute d'avoir été prévenus, les acteurs économiques ne peuvent que ressortir affaiblis par la méthode autocratique qui prévaut.
C'est le fait du prince.
Le Premier ministre savait-il ?
Alors que la décision de confiner en fin de semaine semblait prise depuis longtemps, en tout cas depuis plusieurs jours, qui était dans la confidence ? La question n'est pas tranchée, ni tranchable semble-t-il. Mais une certitude n'est pas contestable : si le Premier ministre était dans la confidence (ce qui n'est pas acquis), il n'en a rien dit à personne. Au point que la concertation qu'il a menée la veille au soir avec les forces politiques et syndicales du pays ont tourné court et ont donné le sentiment d'une vaste mascarade.
Mais cela pose un sérieux problème démocratique : le Premier ministre consulte sur une décision déjà prise depuis plusieurs jours par le président. Mais au lieu d'exposer cette décision dans la concertation, il n'en dit rien et somme partis et syndicats de se prononcer sur une situation sans leur donner les cartes transparentes pour se positionner. Qui peut ajouter foi au caractère démocratique d'un tel processus ? Qui peut ne pas en conclure que la concertation est un leurre, dès lors qu'elle ne sert pas à exposer clairement, démocratiquement, les intentions du gouvernement sur un sujet très sensible, alors même que ces intentions sont mûries et même tranchées ?
La consultation bidon du Parlement
Emmanuel Macron a choisi une voie quasi-référendaire. Il a annoncé sa décision au peuple, sans en parler à personne. Au fond, il gouverne par acclamation, fort des sondages qui indiquent que, majoritairement, les Français sont favorables à des mesures de protection, dussions-nous leur sacrifier nos bonnes vieilles libertés. Mais il est bien téméraire de sa part de penser que les sondages d'opinion éclairent la méthode de gouvernement.
Peu de Français devraient apprécier cette technique qui consiste à décider seul dans un bureau, en demandant ensuite au Premier ministre d'assurer le service après-vente de cette décision unilatérale devant un Parlement croupion. Bien entendu, d'un point de vue formel, Emmanuel Macron ne sera pas menacé par l'attitude d'un Parlement majoritairement acquis à sa cause. Sauf que... la grandeur de la démocratie est de savoir écouter sans y être obligé, et Macron pratique tout l'inverse. Même en situation de crise grave et compliquée, il oublie d'écouter les voix du pays et il impose ses décisions sur le fond sans mettre les formes.
S'il voulait discréditer définitivement le Parlement, il ne s'y prendrait pas autrement.
La question de l'anticipation de la seconde vague reviendra
En attendant, le président n'a pas éteint les polémiques sur l'impréparation gouvernementale face à la crise sanitaire qui frappe. A cet égard, plusieurs points restent sans réponse et ils posent de sérieux problèmes. Ils tournent tous autour de la capacité du gouvernement à mettre au pas la bureaucratie sanitaire qui semble avoir pris le pouvoir en France.
Ainsi, la stratégie de tests sera tôt ou tard sérieusement interrogée. Il est évident que l'ensemble de la bureaucratie sanitaire s'est crispée sur le «tout PCR» qui s'est transformé en accident industriel : délais interminables pour se faire tester puis pour obtenir les résultats du test. Bref, on a massifié les tests pour faire du chiffre, mais pas pour empêcher la propagation du virus.
Parallèlement, l'Etat a refusé avec obstination de financer les recherches françaises sur des molécules prometteuses qui auraient pu stopper la progression du virus. On ne retournera pas ici le couteau dans la plaie de l'hydroxychloroquine, mais on évoquera l'ivermectine, l'interféron, le clofoctol, et quelques autres, qui n'ont pas trouvé auprès de l'Etat le moindre soutien financier, pourtant crucial. Pourquoi ? Il faudra sans doute une sorte de procès de Riom ou de Nuremberg pour le savoir un jour.
Enfin, la question de la capacité des hôpitaux, et singulièrement des hôpitaux publics, en réanimation, reviendra là aussi tôt ou tard. C'est à peine si les grands hôpitaux parisiens commencent à convertir les lits ordinaires en espace d'accueil pour les formes graves de virus, alors même que l'alerte est donnée depuis plusieurs semaines. Cette lenteur interrogera.
Le confinement stoppera-t-il le virus ?
Mais, au fond, l'opinion publique pardonnerait beaucoup à papa Macron si sa stratégie très solitaire, très silencieuse, de lutte contre l'épidémie, payait. Reste à savoir si le confinement est la bonne méthode. Emmanuel Macron en semble persuadé, et affirme que la propagation de l'épidémie au printemps fut arrêtée grâce à lui.
On lui souhaite de faire le bon pari, mais on a un doute. Une hypothèse est que le virus circule grâce à l'abondance des contacts sociaux. Dans ce cas, le confinement est la bonne réponse, même s'il doit tuer la moitié de l'économie française et nous ramener au rang de pays sous-développé.
Une autre hypothèse est que le virus a arrêté de se propager au printemps dernier en raison du réchauffement des températures. Peut-être le coronavirus est-il une simple maladie saisonnière. Auquel cas, tous les confinements du monde seront impuissants devant sa propagation. Et, dans cette hypothèse, le confinement qui va nous appauvrir sera vécu comme une erreur politique majeure. Et comme Macron la prend seul, il n'aura aucun fusible sur qui détourner l'attention.
Tout l'intérêt de la démocratie libérale était de ne pas concentrer le feu de l'opinion publique sur un seul homme. Pas sûr qu'Emmanuel Macron l'ait bien compris.
Eric Verhaeghe
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