L’écrivain Michel Collon continue sa série «Obama envisage un conflit mondial» en analysant les positions politiques contemporaines des joueurs du Grand Echiquier.
Les temps ont changé
«La Chine et la Russie ne vont certainement pas maintenir les sanctions (contre l’Iran) pendant encore dix ou quinze ans pour se plier aux diktats du Congrès (US)». Barack Obama estime dorénavant impossible d’agir sans tenir compte de Pékin et Moscou.
La mentalité des va-t-en guerre réclamant des frappes militaires, Barack Obama la résume avec ironie : « Nous ne devrions pas nous soucier de ce que pense le reste du monde, car, une fois que nous agissons, chacun va s’aligner ».Eh non, dit-il, les temps ont changé, les Etats-Unis doivent s’adapter et jouer plus finement.
Washington n’a pas toujours parlé ainsi. En 1997, son grand stratège Zbigniew Brzezinski pressait d’affaiblir Moscou au plus vite : «Si la Russie rompt avec l’Ouest et constitue une entité dynamique, capable d’initiatives propres ; si elle (…) forme une alliance avec la Chine, alors la position américaine en Europe sera terriblement affaiblie». Langage impérialiste clair : une Russie incapable d’initiatives propres seraitune colonie. De fait, l’ancien conseiller du président Jimmy Carter de 1977 à 1981 voulait la diviser en trois : «Une Russie européenne, une république de Sibérie et une république extrême-orientale». Notre commentaire à l’époque :«Détacher l’Asie centrale et le Caucase de Moscou, c’est permettre aux multinationales américaines de contrôler à leur guise pétrole, gaz et minerais» (hasard bien sûr,Zbigniew Brzezinski fut employé par une filiale de BP).
Pour les Etats-Unis, une Russie même capitaliste ne pouvait être un allié respecté
En Russie, certains pensaient : «Maintenant que nous sommes passés au capitalisme, ils nous traiteront en amis». Mais les grandes puissances n’ont pas d’amis, seulement des intérêts. Pour les Etats-Unis, une Russie même capitaliste ne pouvait être un allié respecté, seulement une proie dans la guerre globale de recolonisation du monde déclenchée en 1991 (l’attaque contre l’Irak était un avertissement au monde entier).
Washington appliqua donc avec énergie le Plan Brzezinski : 1. Infiltrer l’économie russe. 2. Contrôler sa politique. 3. Encercler et neutraliser son armée. Une vraie guerre non déclarée : infiltrations dans les compagnies russes, soutien aux sécessions terroristes du Caucase, changements de régime dans le Caucase et en Asie centrale, financement de 1 500 ONG anti-Kremlin, diabolisation médiatique de Poutine, multiplication des bases en Europe de l’Est (en dépit des promesses faites à la chute du Mur), «bouclier anti-missiles» pour empêcher toute riposte russe à une attaque, coup d’Etat de la CIA en Ukraine notamment pour chasser la Flotte russe de la Mer Noire…
Le Plan Brzezinski a échoué
Mais le Plan Brzezinski a échoué. Plaçant ses intérêts avant ceux des multinationales américaines, Moscou s’allia à Pékin pour créer en 2001 l’Organisation pour la Coopération de Shanghaï. Autres membres : les républiques d’Asie centrale riches en pétrole et en gaz qui échappèrent ainsi aux convoitises et aux bases militaires américaines. Manœuvres militaires conjointes russo-chinoises dès 2005, coordination face aux mouvements terroristes manipulés par la CIA, Inde et Pakistan bientôt membres, Iran et Afghanistan «observateurs» intéressés… L’Asie échappe à Washington. Le pôle Pékin-Moscou tant redouté par Brzezinski et Kissinger s’est bientôt élargi aux BRICS (Brésil, Inde, Afrique du Sud) et représente enfin une alternative pour les pays plus petits du Sud, étranglés par l’Occident.
Aujourd’hui, plus de doute : puisque les Etats-Unis refusent un monde multipolaire, multiplient les guerres, tentent de saper l’économie russe, l’intérêt de Moscou est évident : se détourner du dollar et s’allier au yuan, se détourner de Wall Street vers les Bourses de Hong Kong et Shanghaï, vendre son gaz non plus seulement en Europe mais aussi en Chine. Et fournir aux Chinois le système de défense aérienne S-400 et bientôt S-500 permettant de tenir tête aux menaces des missiles américains.
Et l’Europe, sur ce Grand Echiquier ?
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