Le Parlement du Kosovo a voté le 14 décembre la transformation des forces de sécurité du Kosovo en une armée. Pour Philippe Migault, spécialiste des questions de Défense, elle ne dispose d'aucune légitimité.
La création d’une armée kosovare ne constitue pas un changement de paradigme sécuritaire dans les Balkans. La province serbe, qui a déclaré son indépendance en 2008, est déjà dotée depuis dix ans de forces de sécurité, les forces de sécurité du Kosovo. Celles-ci ont été portées sur les fonts baptismaux par l’OTAN. C’est la KFOR, la force de maintien de la paix déployée sur zone par l’Alliance Atlantique depuis le printemps 1999, qui a assuré la formation des personnels, la mise aux standards OTAN de cette unité afin d’assurer son interopérabilité avec les troupes occidentales. Forte de 4 000 hommes – une brigade – et de 2 000 réservistes, cette force, équipée de matériels américains, européens et turcs, possède déjà des véhicules blindés légers. Elle n’est pas autorisée à détenir des matériels lourds par le droit international. Certes, elle devrait monter en puissance avec un accroissement des effectifs à 5 000 hommes et 2 500 réservistes. Mais ce renforcement de 25% n’est pas de nature à bousculer quelque équilibre que ce soit. C’est bien davantage la nature de cette armée qui est problématique. Héritière du corps de protection du Kosovo, lui-même formé à partir de l’armée de libération du Kosovo, la tristement célèbre UçK, elle n’est pas, elle ne peut pas être une armée nationale.
D’abord parce qu’il n’y a pas plus de nation que d’Etat kosovars. Pas d’Etat parce que le Kosovo a déclaré son indépendance au mépris de la résolution 1244 des Nations unies, votée le 10 juin 1999 par son Conseil de sécurité, laquelle stipule l’appartenance de la province du Kosovo à la République fédérale de Yougoslavie (RFY), devenue depuis la Serbie et garantit l’intégrité territoriale de la RFY. Le Kosovo, Etat fantoche des Etats-Unis, n’est pas reconnu par ailleurs par de nombreux pays. Par la Serbie, bien entendu, mais aussi par plus de 45% des Etats membres des Nations unies, 88 sur 193.
Pas de nation parce que la province du Kosovo, à majorité albanaise, abrite aussi une grosse minorité de 150 000 Serbes, vivant reclus, encerclés, dans le nord de la province et dans quelques villages au sud de l’Ibar. Ces Serbes ne se sentent nullement concernés par le projet politique kosovar, qu’ils rejettent en arguant de la résolution 1 244 et de l’histoire de leur province. Et les Albanais du Kosovo ne les considèrent pas comme membres de la nation kosovare. La composition ethnique des actuelles forces de sécurité du Kosovo est sur ce point particulièrement éclairante : sur 4 000 hommes, moins de 50 appartiennent à la communauté serbe… Parce que les critères de recrutement sont trop élevés pour les Serbes ? Non. Parce que ceux-ci savent très bien ce qu’est cette armée : c’est l’UçK. L’UçK vêtue à l’occidentale, propre sur elle, institutionnalisée, mais l’UçK.
Et l’UçK, tous les Serbes connaissent son objectif. Elle n’a pas pour simple but la conquête et le maintien de l’indépendance du Kosovo. Elle vise à réaliser un nettoyage ethnique de la province, un seul peuple pour une seule terre. Elle s’est rendue coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité pendant les affrontements de 1998-1999. Ce n’est pas Belgrade qui le dit. C’est l’Union européenne. Et ce sont les chefs de cette UçK, Hashim Thaçi et Ramush Haradinaj qui dirigent aujourd’hui le Kosovo, Etat mafieux au centre des trafics de drogue et d’êtres humains en Europe, Etat dont sont partis des centaines d’hommes pour rejoindre les rangs de l’Etat islamique. Accepter l’officialisation de cette armée aujourd’hui, c’est donner un caractère légal à une milice du crime organisé.
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