Le journaliste André Bercoff revient sur les houleuses relations qui existent entre les présidents français et américain, estimant qu'entre l'hypocrisie de l'un et la brutalité de l'autre, l'Europe se perdait.
Que s’est-il passé pour que le couple idéal du cinéma transatlantique connaisse les embardées que l’on sait ? Au départ, tout se passait pour le mieux entre Emmanuel et Donald. Papouilles, mains serrées longuement pour savoir qui en avait plus que l’autre, époussetage du costume au niveau de l’épaule, prendre un Macron par la main sur le perron de la Maison Blanche et plus si affinités.
Deux pigeons semblaient s’aimer d’amour tendre mais s’agissait-il bien de cette catégorie de volatiles ? L’on peut en douter dès la rupture des accords de Paris sur la transition écologique, Donald continue de penser que le réchauffement climatique est un complot chinois, tandis qu’Emmanuel était heureux de réunir la planète autour d’un accord œcuménique, certes dénué de toutes sanctions, mais ô combien agréable au teint. Plus grave : la rupture trumpienne de l’accord avec l’Iran sur le nucléaire : voilà-t-il pas que non seulement l’homme à la houppette carotte défie l’ayatollah, mais enjoint aux Européens de ne plus faire commerce avec le pays chiite, sauf à encourir les foudres économiquement boycotteuses de l’Oncle Sam. Macron espère que l’Europe passera outre et respectera, quant à elle, l’accord conclu, mais, hélas, Angela Merkel, notre partenaire principale, préfère vendre ses voitures aux Américains qu’aux Perses : plus rentable. L’Europe n’est qu’un lointain souvenir.
Dès lors les escarmouches commencèrent. Plus Trump se montrait souverainiste, nationaliste et protectionniste, plus Macron arborait son étendard multilatéraliste, son européisme et son libéralisme. S’en suivit l’avalanche des hallalis : lépreux populistes, belliqueux xénophobes, diviseurs identitaires, fauteurs de guerre économique, de haine et de fermeture au Nouveau Monde, dans lequel la libre circulation des migrants devenait article premier du progressisme contemporain.
Vinrent enfin les cérémonies du 11 novembre. La veille des festivités, Macron lance un vibrant appel à la création d’une armée européenne qui serait vigilante vis-à-vis de la Russie et de la Chine, voire des États-Unis. Trump réplique comme à son habitude par un tweet dans lequel il demande aux Français de ne pas oublier l’augmentation de leur contribution à la caisse de l’OTAN, sachant que l’Amérique y consacre plus de 3,2% de son PIB alors que la France comme l’Allemagne y consacrent moins de 2%. Pour faire bonne mesure, il ajoute, trente après ans Michel Sardou, que si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous en Germanie.
«Make France great again», ultime tacle de Trump
Second acte : lors de la cérémonie solennelle du centenaire de l’Armistice, la chanteuse choisie pour entonner un bel hymne africain n’est autre qu’Angélique Kidjo, qui s’est signalée par un zélé activisme anti-Trump, participant aux manifestations hostiles dès son intronisation et traitant le président des États-Unis d’apprenti dictateur, de raciste et autres qualificatifs affectueux. Question : qui a choisi Angélique Kidjo sachant qu’il ne pouvait s’agir que d’une jolie petite claque envers Trump ?
Et cerise sur le gâteau : «Make France great again», ultime tacle de Trump. Cela va s'arrêter là ? On l'espère.
Et puis la rafale de tweets d’un sanguin énervé au plus haut point : le mode n’est peut-être pas très présidentiel, mais à tout prendre, mieux vaut la franchise, même brutale, que l’hypocrisie, même courtoise. Tout cela ne laissera pas de traces profondes puisque la géopolitique mondiale et les rapports de force qui régissent le village planétaire exigent des alliances, du pragmatisme, de l’adaptation, quand on est obligé, comme ils le sont presque tous, de se tenir par la barbichette. Et avant que de montrer ses muscles et de parader en mode viril, il est urgent de cesser de jouer les leaders d’une Europe qui ne sait plus à quel saint se vouer, prise en étau entre les dissidences de l’est, les sécessions anglaise et italienne et le rouleau compresseur sino-américain. Petite leçon de choses pour Macron, Trump et les autres : arrêter de tirer morale et stratégie de leurs humeurs peccantes. Il y a, messieurs, et vous le savez mieux que personne, mieux à faire.
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