La Nouvelle-Calédonie reste française : cachez votre joie Monsieur Macron !

La Nouvelle-Calédonie reste française : cachez votre joie Monsieur Macron !© Ludovic Marin/Pool via REUTERS
Emmanuel Macron lors des commémorations de la Première guerre mondiale (image d'illustration).
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Après la victoire du «non» lors du référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie, l'essayiste Guillaume Bigot revient sur l'absurdité de l'accueil glacial que le gouvernement français a réservé à ces résultats.

Prononcée loin de la vieille Europe et par des non-Européens, la souveraineté nationale devient un mot doux à l’oreille de ceux qui ne veulent en entendre parler sous nos latitudes. Quelle autre leçon tirer de l’accueil glacial réservé par Emmanuel Macron à la large victoire du camp loyaliste lors du référendum du 4 novembre organisé en Nouvelle-Calédonie ?

Car les mêmes qui nous invitent à longueur d’année à dépasser nos égoïsmes étatiques et à jeter aux orties la notion ringarde de nation dans un contexte de globalisation redécouvrent le charme suranné du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. A condition que ce droit soit brandi sous les tropiques et revendiqué par d’anciens colonisés.

L’aveuglement idéologique est la seule explication rationnelle à ce flegme déconcertant avec lequel Paris a accueilli la victoire du non au référendum pour l’autodétermination en Nouvelle-Calédonie.

Nos gouvernants semblaient presque gênés qu’une large majorité des habitants de cette terre australe que l’on surnomme «le caillou» se prononce pour le maintien dans le giron de la République.

Le Président qui, de son propre aveux, ne croit guère dans la culture française et qui n’hésite pas à qualifier l’attachement à la souveraineté nationale de «lèpre» était sans doute déçu que des descendants de Maghrébins, de Basques, de Corses, de Bretons, d’Antillais, d’Indiens mêlent leurs voix aux descendants des indigènes kanaks pour proclamer leur volonté d’appartenir à un seul et même peuple.

Tout à son itinérance mémorielle, Emmanuel Macron n’a d’ailleurs pas cru bon de faire le déplacement à Nouméa pour saluer cette victoire française.

La victoire du «oui» à la France aurait pourtant méritée d’être célébrée

Le Président s’est également empressé de faire savoir que les accords de Matignon prévoyaient deux nouvelles fenêtres de tir possible pour atteindre l’indépendance, avec un référendum dans deux ans et un troisième dans quatre ans.

Formidable effet de contraste avec la consultation de 2005 qui vit le rejet clair et massif du projet de Constitution européenne par les Français. Non seulement, il n’aura été tenu aucun compte de ce résultat mais un Emmanuel Macron ne voudrait pour rien au monde organiser une réédition de ce scrutin pour ou contre l’Union européenne. Outre-Manche, des voix et des manifestations appellent à grand cri à organiser un second référendum pour effacer le Brexit.

Si les peuples votent «mal», on prévoit de les refaire voter mais s’ils votent bien, on se garde de réorganiser tout nouveau référendum et on verrouille le résultat du scrutin.

Curieuse réaction donc face à une victoire du «non» en Nouvelle-Calédonie qui est d’abord celle de la concorde sur la guerre civile.

La victoire du «oui» à la France aurait pourtant méritée d’être célébrée à plus d’un titre : d’abord car ce référendum signait la victoire de la réconciliation sur l’esprit de division qui avait ensanglantée l’île. En 1988, la Nouvelle-Calédonie était en état de siège. Quatre gendarmes étaient assassinés par les nationalistes du FLNKS tandis que les troupes de choc de la gendarmerie et de l’armée française prenaient d’assaut la grotte d’Ouvéa, libérant une vingtaine d’otages et neutralisant, au passage, une dizaine de rebelles. Ensuite, cette victoire du non marque la volonté de ces Français d’Océanie de partager un avenir commun. Nos dirigeants, qui nous font quotidiennement la leçon sur le vivre ensemble, devraient s’en réjouir.

Mais vérité dans l’hémisphère nord devient mensonge dans l’hémisphère austral. Là-bas, à l’autre bout du monde, l’idéal n’est pas de se mêler mais de se séparer. Ici, la minorité européenne d’origine n’a aucun droit à maintenir ses traditions et ses usages ancestraux tandis que là-bas, la République s’est pliée en quatre pour permettre aux habitants qui le souhaitent de vivre selon les us et coutumes kanaki.

La France, pays de la centralisation jacobine, pour sortir de l’ornière dans laquelle la jaquette nationaliste des années 80 avait plongé le caillou et dressé les deux communautés l’une contre l’autre a su faire preuve d’une formidable souplesse institutionnelle en inventant un statut totalement dérogatoire dans la République. En effet, un Congrès du territoire, doté de larges compétences transférées de manière permanentes, a été institué par la accords de Nouméa. Grâce à cette assemblée locale élue et à un «gouvernement de pays» travaillant dans un esprit de consensus respectueux de la culture océanienne, tous les Calédoniens, indépendantistes kanaks et loyalistes caldoches, gèrent leur affaires économiques, sociales, financières et culturelles.  Les «lois de pays» qu’ils élaborent ensemble ont en effet valeur législative.

La caractéristique de ce conflit qui avait éclaté en 1984 était d’articuler des revendications identitaires (défense de la langue et des coutumes locales mais aussi revivification de mémoire des ancêtres conquis par les armes françaises le 24 septembre 1853) et lutte contre les injustices économiques et sociales (les Caldoches formant à l’époque moins de 50% de la population de l’île et détenant plus de 90% des richesses de l’île). Très intelligemment, les accords de Matignon et de Nouméa avaient non seulement prévu de pousser jusqu’au maximum l’autonomie culturelle mais avait aussi lancé un grand plan d’exploitation par des Kanaks des mines de nickel qui forment la principale ressource de l’île.

La voie est étroite entre la conservation de leurs traditions plurimillénaires et le développement scientifique, technologique et économique

L’une des raisons très réalistes qu’aurait eu Paris de se réjouir de ce résultat est de conserver un bout de terre à l’autre bout du monde qui abrite le deuxième producteur mondial de nickel. Un métal fort utile puisque ses propriétés lui permettent de renforcer la plupart des alliages. Hélas, si les Kanaks commencent à exploiter directement leur ressources métalliques grâce à la SMSP (Société minière du sud Pacifique), ce ne sont pas des entreprises tricolores qui en bénéficient mais des géants métallurgiques canadiens et coréens.

Certes, les inégalités sociales et économiques demeurent profondes et les richesses encore concentrées aux mains des Caldoches. Un choix cornélien se pose d’ailleurs aux Kanaks comme aux autres peuples premiers. L’ethnologie occidentale nous a appris que ces cultures traditionnelles pré-historiques n’étaient nullement arriérées sur un plan intellectuel et encore moins moralement ou spirituellement. Mais la voie est étroite entre la conservation de leurs traditions plurimillénaires et le développement scientifique, technologique et économique. L’accord jadis conclu par Jacques Lafleur et par Jean-Marie Djibaou a cependant permis de créer les leviers d’un développement plus équitable.

Si bien que seule la revendication identitaire demeure. Or, comme le montre l’exemple, peu encourageant du Vanuatu voisin (indépendant depuis 1980), la voie de l’indépendance est périlleuse sur un plan économique et peut être surtout sur le plan de la défense de la souveraineté. Un sentiment de fierté autochtone compréhensible mais aussi de rancœur anime encore certains nationalistes. Ils négligent cependant cette sage leçon de Renan qui dit qu'une nation, c’est beaucoup de souvenirs communs mais plus encore d’oublis en commun. 

Les Britanniques, au travers de leurs dominions australiens et néo-zélandais, avaient très tôt pris fait et cause pour l’indépendance de la Kanakie

Enfin, la Nouvelle-Calédonie, en plus d’ouvrir à la France une fenêtre sur le Pacifique sud, est comme le disait le général McArthur le porte avion naturel de la région. Commander la Nouvelle-Calédonie, c’est tenir une position hautement stratégique entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande au sud est et l’Indonésie et le sud-est asiatique au nord-ouest. C’est sans doute pour cela que les Britanniques, au travers de leurs dominions australiens et néo-zélandais, avaient très tôt pris fait et cause pour l’indépendance de la Kanakie, ne perdant jamais une occasion de rappeler que la Nouvelle-Calédonie figurait encore sur la liste des pays à décoloniser des Nations unies. Encore récemment, une chercheuse australienne, Angélique Stastny, qui évoque l’apologie à peine voilée de la violence par les indépendantistes kanaks (citant Daniel Goa, le leader indépendantiste kanak qui, en cas d’échec de l’indépendance, renvoie l’Etat à sa responsabilité de «maintenir la sécurité des populations non kanaks sur le territoire»), publiée par Le Monde du 3 novembre 2018, rappelle cette volonté manifeste des Anglo-saxons d’expulser la France de la région. On peut comprendre qu’ils poursuivent des objectifs de real-politik mais on ne saurait admettre qu’une Australienne ose brandir un argument aussi tartuffe que celui de la décolonisation. Un comble lorsque l’on sait le triste sort réservé par les descendants des colons anglais aux indigènes d’Australie, privés de droit lorsqu’ils n’étaient pas assassinés. Jusqu’à la fin des années 70, des enfants aborigènes étaient kidnappés et confiés à des familles d’accueil.

Le président de la République, Emmanuel Macron, avait donc toutes les raisons du monde de se réjouir de ce vote du 4 novembre 2018 qui transformait l’acte de possession illégitime du 24 septembre 1853 en choix démocratique.

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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