L'eurodéputé Manfred Weber a de bonnes chances d'être désigné candidat du PPE au poste de président de la Commission européenne, en novembre. Il s'est distingué en martelant qu'il ne souhaitait pas de débat «pour ou contre l'Europe».
Qui connaît Manfred Weber ? Jusqu’à présent, la notoriété de cet eurodéputé ne dépassait pas le microcosme bruxellois. Depuis 2014, il préside le groupe le plus important de l’europarlement, celui du PPE, la droite européenne, dont sont notamment membres Les Républicains (LR), pour la France, et l’Union des chrétiens-démocrates (CDU) d’Angela Merkel.
Le sémillant politicien guigne désormais un poste plus prestigieux encore, en l’occurrence celui de président de la future Commission européenne, prévue pour être renouvelée en 2019. L’actuel patron de l’exécutif communautaire, le luxembourgeois Jean-Claude Juncker, issu de la même famille politique, ne se représentera pas. Manfred Weber a de bonnes chances d’être désigné, en novembre prochain, comme candidat du PPE à ce poste, puisque la chancelière allemande lui a témoigné son soutien.
Reste à savoir si cette ascension annoncée intéressera si peu que ce soit les citoyens des pays de l’Union européenne. On en doute. Pourtant, son profil est édifiant.
L’homme est lui-même issu de la CSU, la petite sœur bavaroise de la CDU, au sein de laquelle il défend les positions – cela va sans dire – d’un «Européen convaincu et fervent». Il appartient du reste à différents groupements fédéralistes, dont l’obscure Union paneuropéenne, fondée en 1926 par le comte d’origine austro-hongroise Richard Coudenhove-Kalergi.
Parmi ses collègues PPE au sein de l’hémicycle à Strasbourg, Manfred Weber a en outre la réputation d’un ultra conservateur. Il est d’ailleurs membre du Comité central de l’Eglise catholique allemande.
Quoi qu’il en soit, ce Bavarois de 46 ans est déjà en campagne. Il a donc les honneurs d’une interview publiée par Le Monde (daté du 11/09/2018). Au centre de l’entretien : l’opinion de Manfred Weber sur le Premier ministre hongrois. Viktor Orban est en effet l’«enfant terrible» du PPE : partisan proclamé d’une démocratie «illibérale», il est accusé par certains de ses pairs de restreindre la liberté de la presse, de faire voter des lois jugées anti-minorités et anti-immigration, d’attaquer le financier américain George Soros mais aussi de s’opposer à une Europe fédérale.
Depuis la crise migratoire, les contradictions se sont tendues entre gouvernements au sein de l’UE
Jusqu’à présent, Manfred Weber et Viktor Orban étaient cependant plutôt en bons termes, l’un et l’autre se voulant défenseurs d’une Europe assise sur les valeurs familiales et chrétiennes. Mais depuis la crise migratoire, les contradictions se sont tendues entre gouvernements au sein de l’UE. Du coup, l’europarlement s’est saisi du cas hongrois : après la Pologne (dont les dirigeants n’adhérent pas au PPE) qui fait l’objet de poursuites par Bruxelles pour «atteintes à l’Etat de droit» (notamment en matière de système judiciaire), il n’y a pas de raison que Budapest ne soit pas également mis en accusation, ont clamé nombre d’eurodéputés (y compris du PPE). Un vote demandant au Conseil européen de prendre la Hongrie dans le viseur a eu lieu ce 12 septembre.
#Budapest qualifie le vote du parlement européen de "petite vengeance" des "pro-immigration"#Hongrie#Orban#UE#Bruxelles
— RT France (@RTenfrancais) 12 septembre 2018
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Manfred Weber a joint sa voix aux partisans du texte, finalement adopté. Il avait certes plaidé pour «écouter M. Orban», mais a déploré finalement : «Je n'ai vu aucune volonté de la part du Premier ministre hongrois de faire un pas vers ses partenaires de l'UE et répondre à nos inquiétudes.»
Dans l’entretien accordé au Monde, il avait stigmatisé le rapprochement entre le chef du gouvernement hongrois et le vice-Premier ministre italien, Matteo Salvini (Ligue), rapprochement décrié par certains comme une possible convergence «d’une partie de la droite avec l’extrême droite» : «Nous sommes dans un moment historique et décisif pour le futur de l'Union. Nous devons pratiquer la démocratie au niveau de l'Union, […] maintenir son unité et avoir une approche ambitieuse pour son futur. Ces trois priorités ne peuvent être atteintes sans une solide majorité pro-européenne à l'issue des prochaines élections. C'est la raison pour laquelle je me sens très proche de mes amis sociaux-démocrates et libéraux, nous sommes les trois formations politiques dépositaires du futur de l'Union.»
Les trois principales formations à l’échelle de l’UE sont d’accord sur l’essentiel
Nous voilà donc prévenus : au-delà des passes d’armes censées égayer la campagne des futures élections européennes (mai 2019), les trois principales formations à l’échelle de l’UE sont d’accord sur l’essentiel. C’est tout sauf une surprise mais il n’est jamais mauvais de l’entendre confirmé par une voix autorisée.
À sa manière, Emmanuel Macron ne dit pas autre chose quand il prétend – en tordant le sens des mots, voire en l’inversant – opposer les «progressistes» (comprendre : pro-européens) et «nationalistes», un qualificatif décerné à leurs adversaires assimilés à de fieffés réactionnaires quand ce n’est pas à des néo-fascistes déguisés.
Dans cette droite ligne, Manfred Weber poursuit : «Je me suis engagé, durant cette période législative, pour qu'aucune force d'extrême droite ne puisse atteindre un poste important [au sein de l’europarlement]. Le PPE a même voté pour des communistes afin de préserver ces postes.»
L’affirmation n’est pas anodine : ce représentant patenté des élites politiques et économiques européennes, bien sûr ultralibéral, désigne les «populistes» comme l’ennemi à abattre et les «communistes» comme des appuis pour contrer ceux-ci. Lesdits «communistes» ne semblent pas avoir à redire ni à cette stratégie, ni à cet hommage implicite. Il y a peut-être là matière à réflexion pour tous ceux qui pensent encore que les sociétés ne se divisent pas entre gentils (partisans de l’ouverture) et les méchants (stigmatisés comme archaïques), mais plutôt entre exploiteurs et exploités…
Cela illustre en tout cas l’impopularité croissante de l’«idée européenne» dans la plupart des pays, face à laquelle il ne reste plus que l’union sacrée des différents partis pro-UE pour contrer les «barbares» qui, ces derniers mois, ont collectionné les succès électoraux en Allemagne, en Tchéquie, en Autriche, en Hongrie, en Italie, et tout récemment en Suède.
«Nous nous battrons contre eux durant la campagne des européennes», martèle Manfred Weber, qui précise : «C’est aussi pour cette raison que je ne suis pas en faveur d'un débat pour ou contre l'Europe lors des prochaines élections : cela renforcerait le camp des antieuropéens.»
Quel extraordinaire aveu !
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