RT : L'année 2016 a été l'année lors de laquelle un nombre record de migrants est arrivé aux côtes de l'Italie. Votre pays est en fait une porte d'entrée pour aller en Europe occidentale depuis l'Afrique. Ces réfugiés présentent-ils une menace terroriste ?
Virginia Raggi (V. R.) : Nous faisons tout ce que nous pouvons pour prévenir le risque terroriste. Je soutiens la politique d'intégration des migrants et des réfugiés et je demande aux autres pays européens de fournir de l’aide à l'Italie. Selon les accords mutuels, les autres pays européens sont obligés d'accepter les migrants arrivant en Italie.
Nous nous sommes concentrés sur le travail dans les banlieues difficiles, parce qu'elles sont un maillon faible de la chaîne de la sécurité
RT : Pourriez-vous évoquer les problématiques d’intégration ? Comment peut-on aborder le problème du terrorisme national – comme on l’a vu en France ou en Belgique – quand des gens qui sont nés et ont grandi en Europe deviennent des terroristes ?
V. R. : Tout individu, dans notre ville, doit se sentir bienvenu, c'est un climat d’ouverture que nous voulons créer. Cela concerne non seulement les migrants, mais tous les gens qui se trouvent en Europe et qui ne sont pas citoyens de l'un de ses état membres. Mais nous devons également prendre des mesures de sécurité. La nation ne peut tout simplement pas se soumettre à cet afflux de migrants. Mon administration, par exemple, s’est concentrée sur le travail dans les banlieues difficiles, parce qu'elles sont un maillon faible de la chaîne de la sécurité.
Souvent, les résidents s'impliquent activement dans ce travail également. Nous avons des résidents qui aident les gens dans les centres pour réfugiés, certains amènent leurs enfants avec eux et ces derniers jouent avec les enfants qui vivent dans ces centres pour migrants. Voici comment les liens et les relations s'établissent : les gens apprennent à se connaître et à vivre en communauté.
Je veux relancer les procédures d'appel d'offres afin de choisir les organisations qui aideront vraiment les autorités à résoudre les problèmes liés aux réfugiés
RT : Comment voyez-vous cette politique d’«ouverture» ? Rome a des banlieues qui sont privées de services sociaux et de transports – comme d'autre grande ville européenne –, et où les migrants vivent dans des ghettos radicalisés. Que faites-vous à cet égard ?
V. R. : En ce moment, nous travaillons sur un accord de coopération avec la préfecture de Rome, qui représente essentiellement le ministère de l'Intérieur. Cet accord nous permettra d'engager des migrants, et surtout des réfugiés qui attendent une décision sur leur droit d’asile, dans des projets communautaires variés. Ainsi, pendant qu'ils attendent, ils pourront travailler et démontrer leurs compétences et prouver qu'ils ont le droit d'obtenir le statut de réfugiés. Et, bien sûr, cela leur permettra de se sentir comme faisant partie de la communauté.
RT : Une affaire de corruption de haut niveau a révélé que les schémas de la mafia italienne liés aux migrants lui rapportait beaucoup d'argent, plus même que le trafic de stupéfiants. Avec cet afflux de réfugiés, ne croyez-vous pas qu’elle va trouver là une nouvelle façon d’en profiter ?
V. R. : L'affaire «Mafia capitale» a révélé des liens douteux entre les autorités de la ville et certaines organisations qui fournissaient de l’aide aux migrants, ou plutôt qui déclaraient aider les migrants alors qu'en réalité elles se faisaient de l'argent sur les migrants. C'est pourquoi j'essaie maintenant d’assainir ce système et de faire en sorte que toutes les organisations d’aide aux réfugiés respectent la loi. Par exemple, je veux relancer les procédures d'appel d'offres afin de choisir les organisations qui aideront vraiment les autorités à résoudre les problèmes liés aux réfugiés. Naturellement, cela va couper les vivres à tous les groupes mafieux auxquels nous avons fait face précédemment.
Mon administration a commencé à appliquer les règles, en coupant les ponts avec des groupes mafieux qui avaient une relation «spéciale» avec mon prédécesseur
RT : L'ONU a critiqué votre politique à l’égard des réfugiés à Rome, parce qu'ils inondent les rues, et vivent dans des maisons abandonnées. S’il y a des camps de fortune administrés par des volontaires – pourquoi ne pas faire la même chose dans la ville ?
V. R. : Ces camps sont le résultat de relations malsaines entre les autorités et les organisations d'aide aux réfugiés qui se sont transformées en schémas de corruption. Il n'y a pas eu de procédure d'appel d'offres, les directives concernant le travail avec les réfugiés n'ont pas été suivies du tout. Mon administration a commencé à appliquer les règles, en coupant les ponts avec des groupes mafieux qui avaient des relations «spéciales» avec mon prédécesseur.
En réponse à nos actions, ces organisations ont suscité des troubles civils, en encourageant les migrants à sortir dans les rues. Mais nous avons maintenant repris le contrôle de la situation, les migrants sont placés dans des centres qui ont été installés en pleine conformité avec la loi. Le fait que nous avons commencé à nous débarrasser des éléments criminels dans ce domaine est une victoire majeure.
Le fait que notre lutte contre la corruption mène souvent à des conflits avec la mafia ne nous effraie pas. Rome a besoin d’Etat de droit afin de regagner la confiance des citoyens
RT : L’affaire «Mafia capitale» a aussi montré que la mafia était enracinée dans la structure de la ville, des millions d’euros sont tout simplement dérobés au budget de la ville. Êtes-vous prêts pour une guerre contre la mafia romaine, ce qui signifierait en réalité une guerre contre toute la mafia ?
V. R. : Le Bureau du procureur fait sa part du travail, sans aucun doute. Et la nouvelle administration de la ville fait sa part. Cela signifie que nous devons assurer la légitimité, accroître la responsabilité et la transparence, en commençant par un processus d'appel d'offres pour toutes sortes de projets. Bien sûr, dès le début, mon administration s’en tient strictement aux méthodes légitimes de lutte contre la corruption. Le fait que cela mène souvent à des conflits avec la mafia ne nous effraie pas. Rome a besoin d’Etat de droit afin de regagner la confiance des citoyens – c'est pourquoi je me suis présentée aux élections et c'est pourquoi je suis ici maintenant.