A la veille du referendum, Patrick L Young, expert des marchés financiers mondiaux, présente ses hypothèses sur le futur de la Grèce post-scrutin.
Voici un guide simple de ce qui pourrait se passer dans cette casserole à pression qu'est le défaut grec.
On a beaucoup parlé de la folie d’une impasse grecque. Pour ma part, je n’ai pas l'intention de réitérer ce désordre grotesque causé par un sauvetage mal avisé en 2010 qui avait eu pour objectif de sécuriser le futur de la folie économique, suite à laquelle la Grèce s’est trouvée pitoyeusement endetée et dans une servitude totale.
La dernière tentative pour aider à restructurer la dette grec a été refusée. Bien sûr, M. Tsipras pourrait plier sous la pression avant dimanche et, dans ce cas , être poussé à démissionne. Je soupçonne que la Grèce va éclater dans la tourmente et que ses fanfaronnades finiront par livrer le pays à la colonisation par les créanciers de la troïka.
What our referendum is about: Ending, at last, the 'extend & pretend' approach to the Greek financial drama: http://t.co/tGSeTfxKem
— Yanis Varoufakis (@yanisvaroufakis) 2 Juillet 2015
Dans le cas du referendum, on pourrait avoir plusieurs variantes.
- La Grèce dit «oui»
Tsipras démissionne, l’Union Européenne se réjouit, mais, à moins qu'un gouvernement technocrate soit concocté au Parlement, la campagne électorale qui s'en suivra fera perdre de précieuses semaines et augmenter l'incertitude et l'instabilité. Toutes négociations mèneraient à ce que la Grèce soit sacrifiée économiquement par des créanciers persistants.
- La Grèce dit «non»
Techniquement, un referendum est considéré comme consultatif et nécessite une participation de 40% pour être considéré comme pertinent.
La Grèce étant en défaut à cause de sa dette au FMI, croire qu'un «non» strict renforcerait sa position lors des négociations relève tout simplement de la folie. Pas de négociations, veut dire : pas de position non plus. Cela renforcerai l'ego, mais les retraités grecs n'en seraient pas mieux lotis.
Greek babies born during the crisis face a very different future than their German peers http://t.co/8jRGlfEBx9pic.twitter.com/1BpsLFr84Y
— Bloomberg Business (@business) 2 Juillet 2015
Les choix possibles:
1. Le ministre grec de la Fonction public et de la Réforme administrative George Katrougalos a déclaré qu’il n’y avait pas de menace de defaut pour la Grèce et que le pays allait profiter du referendum pour renforcer sa position au cours des négociations. On a envie de dire : «balivernes que tout cela».
Aucun vote n'autorise une simple résolution. L’Union Européenne chicaneuse, irritée par une non-volonté de la Grèce de se soumettre à sa superpuissance illusoire, ne va pas accueillir Alexis Tsipras comme un enfant prodigue.
2. La Grèce maintient l'Euro. C’est visiblement le choix (voué à l'échec) de Syriza. Athènes devra relancer la machine pour rééquilibrer la Grèce en favorisant les futures exportations et la hausse d’une affluence de touristes, alimentée par une Nouvelle Drachme moins chère.
(Rappelons que c’est le sixième défaut de Grèce depuis 1826).

3. La Grèce est forcée de sortir de la zone Euro : Actuellement, il n y a pas de mécanisme de refus de monnaie. Tandis que l’Union Européenne la jouera dur, la Grèce fera tout son possible pour y rester et s'accrochera comme elle pourra. Le ministre grec des Finances Yanis Varoufakis a promis de poursuivre en justice quiconque pousserai la Grèce vers la sortie. Un pays ruiné aurait assez d'argent pour payer des avocats ? Intéressant. De plus, Athènes sera-t-il en mesure de payer ses salariés en euros à la fin du mois ? Cela nous mène à :
4. La Grèce fait paraître de nouvelles monnaies parallèles pour payer ses factures. Ainsi une "Nouvelle Drachme" sera émise et la Grèce quittera de facto la zone euro. l’Union Européenne sera bien trop préoccupée par ses propres problèmes de crédibilité pour tenir la Grèce au sein de ses structures.
Rappelons que le président conservateur Prokopis Pavlopolus a annoncé qu'il démissionnerait en cas de sortie de la Grèce de la zone euro.
5. Mais qu’en est-il d’un financement à court terme? Que la Grèce reste dans le carcan de l'euro ou non, les deux années à venir seront dans tous les cas une période de purdah, les marchés internationaux étant hostiles à une nouvelle dette grecque. Toutefois, sur un marché concurrentiel à l'échelle mondiale, les investisseurs tôt ou tard vont prêter à tout gouvernement souverain affichant ne serait-ce qu'un vague semblant de compétence économique. A court terme, on peut attendre des offres d'aide de la part de créanciers non-européens. La Chine pourrait par exemple être particulièrement active, la Russie est déjà en train de réorienter ses gazoducs. Pourtant, aucune nation n'a l’intention de nourrir des risques politiques et économiques pour sauver la Grèce seule.
6. Il ne faut pas sous-estimer non plus un changement de régime motivé par un tiers. Certains créanciers en colère pousseraient Syriza à l'éviction. Pourtant, en cas de victoire finale du «non», Syriza pourra obtenir un mandat pour gouverner, mais dans un contexte très instable, voire chaotique.
7. La Grèce renonce à l'Euro en faveur du bitcoin – une idée géniale qui garantirait au moins aux citoyens la protection contre une dévaluation dans le futur. Hélas, cette variante est seulement un brin plus plausible que l'acceptation par les créanciers du "Non" comme une base d'allégement de la dette.
Et qu’en est-il de la zone euro?
L’Union Européenne a commis de graves fautes et elle a désormais une monnaie agonisante dont le caractère sacré est minée. Du point de vue économique, le PIB grec est à 1,8% dans la zone euro comptant 335 millions de citoyens. L’Europe a retardé des reformes den structure vitales et payera un prix beaucoup plus élevé que celui d'une «simple» stagnation liée à haut niveau de chômage qui perdure ces dernières années, où l’Asie éclot et l'Europe gèle. Les investisseurs seront effrayés lorsqu'ils se rendront compte que l'Euro n’est pas seulement périssable, mais qu'il est carrément en danger de mort. La Grèce est un petit pays méditerranéen, criblé de dettes, derrière l’orgueil politico-narcissique de l’UE qui reste un géant de l'influence mondiale.
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