La Corée du Sud pourrait renvoyer aux Etats-Unis le THAAD (Terminal High Altitude Area Defense, bouclier antibalistique destiné à détruire les missiles de portées moyenne et intermédiaire dans leur dernière phase d’approche), le système de défense américain récemment installé, s’il ne répondait pas aux procédures juridiques nationales, affirme Woo Won-Shik, membre du Parti démocrate au pouvoir.
Le système THAAD a été déployé dans le pays l’année dernière, dans le cadre d’un accord conclu par les anciens dirigeants américains et sud-coréens afin de contrer la menace de Pyongyang.
Mais depuis l’entrée en fonction du nouveau président sud-coréen сe mois-ci, cette installation est devenue une importante source de discorde. Les tensions se sont aggravées lorsque le président américain Donald Trump a appelé une nouvelle fois Séoul à injecter un milliard de dollars dans le projet.
RT : Pourquoi les sud-coréens s’opposeraient-ils à l’installation d'un système de défense antimissile conçu pour les protéger ?
Charles Shoebridge (C. S.) : Lorsque vous examinez plus en profondeur la situation sur la péninsule, elle n’est pas aussi simple qu’il n'y paraît. De prime abord, beaucoup de gens diraient que la menace principale pour les Sud-coréens vient de Corée du Nord. Et il faut reconnaître qu’une telle menace existe, parce que la Corée du Nord, de son côté, se sent également menacée par la Corée du Sud et son allié américain. Le plus grand danger provient des forces conventionnelles nord-coréennes, très nombreuses.
Les essais nord-coréens concernaient jusqu’à présent des systèmes de missiles de portées moyenne et longue qui ne menaçaient pas vraiment la Corée du Sud
Si vous regardez sur une carte où se trouve Séoul, la capitale du Sud, vous verrez qu'elle n'est qu'à quelques dizaines de kilomètres de la frontière nord-coréenne. La menace pour la Corée du Sud vient des forces conventionnelles et non pas vraiment des missiles balistiques qui ciblent le pays, du moins pour le moment. Comme nous le savons, la Corée du Nord a des armes nucléaires et en développe d'autres ; ils travaillent aussi à placer ces armes sur des missiles balistiques. Mais tous leurs essais concernaient jusqu'à présent les systèmes de missiles de portées moyenne et longue qui représenteraient un danger pour des pays tels que le Japon, peut-être même l’Australie, éventuellement la Russie – nous ne savons jamais comment la situation géopolitique peut évoluer – ou les Etats-Unis eux-mêmes, mais pas réellement la Corée du Sud.
D’autres raisons expliquent également la défiance du pays face à ce bouclier. Avec l’arrivée du nouveau gouvernement sud-coréen, je pense qu'une certaine colère envers les Etats-Unis se propage : le gouvernement sud-coréen sortant avait été prompt à déployer ce système antimissile le présentant comme un fait accompli. De fait, désormais, les commentaires laissant entendre que l'on pourrait demander aux Etats-Unis de retirer leur système peuvent être un choc pour ceux qui l’ont déployé à la hâte, en pensant qu’une fois que le THAAD serait là, il serait accepté.
Les Chinois craignent que ce système antimissile ne soit dans les faits qu'un prétexte des Américains pour installer de puissants radars qui auront un effet déstabilisateur sur leur potentiel de dissuasion nucléaire
RT : Le système antimissile ayant déjà été installé, est-il encore possible de le retirer ?
C. S. : Bien sûr que c'est possible ! Mais il s’agirait d’une démarche importante non seulement du point de vue militaire, mais également sur l'avenir des accords de sécurité passées entre la Corée du Sud et les Etats-Unis. Il y a, au-delà de cela, des enjeux à plus grande échelle : la Corée du Sud veut aussi améliorer ses relations assez tendues avec la Chine. Les Chinois se prononcent contre ce système parce qu’ils craignent qu'il ne soit dans les faits qu'un prétexte des Américains pour installer de puissants radars qui auront un effet déstabilisateur sur le potentiel de dissuasion nucléaire de la Chine. Si les radars américains sont capables d'atteindre la Chine, ils pourraient de facto diminuer l’efficacité de la dissuasion nucléaire chinoise. Enfin, de nombreux Sud-coréens croient que le déploiement de ce système antimissile pourrait faire de la Corée du Sud une cible de choix, et il y a des raisons pour y croire. Les inquiétudes concernent également les conséquences financières du projet. On peut les résumer en une seule et simple question : qui paiera pour le THAAD ?
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