On ne sait pas encore comment agira Emmanuel Macron, s'il est élu président, explique le journaliste Renaud Girard, en ajoutant qu'on ne peut juger les hommes politiques qu’à l’ouvrage, et non sur leur programme ou leurs intentions.
RT France : Comment expliquez-vous la défaite des partis majeurs du système politique français ?
Renaud Girard (R.G.). : Les deux grands partis qui ont géré ce pays depuis plus de 40 ans, j’entends le Parti socialiste (PS) et le parti néo-gaulliste (RPR, les Républicains, bref, qu’importe le nom ...), l’ont mal fait. Le taux de chômage s’élève ainsi à 10% alors qu’il est bien inférieur en Allemagne ou en Angleterre. C’est entre autres dû au fait que la France a contracté une dette publique de 2000 milliards d’euros. Alors les Français se demandent, fort naturellement, d’où ces chiffres peuvent bien sortir. La France, aurait-elle vécu une guerre ? Un tsunami ? Une épidémie de peste ? De même, le climat sécuritaire laisse à désirer. Le système scolaire s’est sensiblement dégradé au cours des 30-40 dernières années. Les citoyens sont mécontents et aspirent donc à une nouvelle génération d’outsiders, si bien sûr cet anglicisme est de mise. Dans une certaine mesure, Marine le Pen est une outsider parce que le Front national n’a jamais géré le pays. Macron l’est aussi mais il a, pour lui, sa jeunesse. Certains disent qu’il appartient au Système, mais il a quand même démissionné de son poste de ministre de l’Economie en un an. Personne ne lui donnait une chance, mais il a quand même réussi à fonder un immense mouvement, et à arriver en tête du premier tour de l'élection présidentielle. Donc, pour être un outsider, il l’est. Je le comparerais à Barack Obama en 2008. Macron n’a jamais été membre du Parlement, alors que François Fillon est membre du Parlement depuis 1981, tout autant que M. Mélenchon. Nous sommes actuellement confrontés à un choc considérable dans la vie politique française : les deux partis de gouvernement sont éliminés de la principale compétition politique.
Emmanuel Macron a répondu à un désir patent des Français qui se résume à ceci : Ni gauche, ni droite !
RT France : Qu’est-ce qui a fait gagner Emmanuel Macron au premier tour, lui que personne ne connaissait il y a encore quelques années ?
R.G. : Je crois qu’il a répondu à un désir patent des Français qui se résume à ceci : Ni gauche, ni droite ! Il refuse ce clivage. Une autre caractéristique d’Emmanuel Macron, c’est un pro-européisme extrêmement marqué. Il veut une France qui s’implique dans l’Europe, qui la réforme, et il a souligné dans son discours du 23 avril, après sa victoire au premier tour, son attachement absolu à l’Europe, alors que la candidate qui va lui être opposée au deuxième tour, Marine le Pen, préconise la sortie de la France de l’UE et de la zone euro.
RT France : Que pensez-vous de l’appel lancé par certains leaders des partis à soutenir Macron ? Assisterait-on à un ralliement sous-jacent des partis dominants à travers la figure de Macron ?
R. G. Cela ne signifie pas que les partis seront avec Macron sachant notamment que des élections législatives vont suivre et que chacun y jouera sa propre carte. Cela étant, on relève un replay de 2002 quand tout le monde s’était rallié à Jacques Chirac contre Jean-Marie Le Pen qui était alors arrivé en deuxième position et avait été largement battu. Marine le Pen a quelques points de plus que son père n’en avait eu en 2002, quatre points de plus, pour rappel, c’est donc la deuxième fois que le FN arrive au deuxième tour avec une différence quantitative assez peu importante. Peut-être fera-t-elle un meilleur score que Jean-Marie le Pen, au deuxième tour, en 2002, mais personne aujourd’hui en France n’envisage qu’elle pourrait gagner cette élection.
RT France : Quels sont vos pronostics pour le second tour ?
R.G. : Je pense qu’Emmanuel Macron va remporter une très large victoire.
Il y aura sans doute une réforme à réaliser pour les petits candidats
RT France : Comment ce résultat influencera-t-il le système politique français ?
R.G. : Il y aura sans doute une réforme à réaliser pour les petits candidats. Nous avons eu 11 candidats dont certains étaient fantaisistes. Je pense qu’il faudra repenser le système des signatures qui permet à quelqu’un de se présenter comme candidat à l’élection présidentielle. Sinon, évitons les pronostics hâtifs. On ne sait si Emmanuel Macron parviendra à décrocher une majorité absolue au Parlement et à bien gouverner. On ne sait, au vu de sa grande jeunesse politique, s’il parviendra à faire quelque chose pour le pays ou s’il restera paralysé, indécis, inapte à prendre une décision comme l’était François Hollande. Mais peut-être sera-t-il, au contraire, le grand réformateur de la France, le jeune Kennedy français qui ramènera la France dans le peloton de tête des pays européens. On ne peut juger les hommes politiques qu’à l’ouvrage, et non sur leur programme ou leurs intentions que bien souvent ils n’ont pas respectés. C’est le cas depuis 40 ans, il n’y a qu’à se souvenir des promesses, finalement creuses, concernant l’inversion de la courbe du chômage. Qui vivra verra. Laissons Macron agir.
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