Le fabuleux discours de Donald Tusk à Rome, face à un détail de l’Histoire

Le fabuleux discours de Donald Tusk à Rome, face à un détail de l’Histoire© Yves Herman Source: Reuters
Donald Trusk et sa couronne de laurier
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Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a célébré les soixante ans de l’Union européenne par un édifiant retour à la guerre froide, pointe Pierre Lévy, directeur du site Ruptures.

Tout le monde connaît Donald Trump. Mais qui connaît Donald Tusk ?

A l’attention des 99% d’impardonnables ignorants qui n’ont jamais entendu parler de ce noble personnage, précisons qu’il s’agit de l’homme le plus important de l’Union européenne, puisqu’il préside le Conseil européen formé des vingt-huit chefs d’Etat et de gouvernement. Il vient d’ailleurs d’être reconduit à ce poste le 9 mars par ces derniers. Il avait été le Premier ministre polonais de 2007 à 2014.

Il fut donc l’un des très nombreux orateurs qui s’exprimèrent à Rome à l’occasion du soixantième anniversaire du Traité du même nom. C’était le 25 mars, lors d’une célébration mémorable qui cloua littéralement les 500 millions de citoyens européens passionnés devant leurs téléviseurs, tant personne n’imaginait manquer cet événement historique. Il fut celui qui a brandi les signatures des vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement qui entendent bien poursuivre la merveilleuse aventure au moins «jusqu’à son centenaire», selon la promesse de son compère de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

C’est grâce au sacrifice inouï mais aussi à l’effort militaire avec tous les autres Alliés que le sort de la guerre fut scellé par l’écrasement du nazisme

Donald Tusk, donc, prononça une brève allocution, où il s’efforça de prendre de la hauteur par rapport aux crises et bisbilles internes qui font le quotidien bruxellois. Il y rappela que sa propre naissance coïncida avec celle de la Communauté européenne (malgré ces soixante ans de part et d’autre, aucun ne se résigne à la retraite), censée – selon l’historiographie très officielle – avoir permis « la paix sur le continent ». Et le Polonais de rappeler que sa ville natale, Gdansk, avait été «détruite par Hitler et Staline».

Manière de renvoyer – implicitement mais clairement – l’Allemagne nazie et l’URSS dos à dos. Dans le parterre des dirigeants européens, nul n’a moufté. Et on peut prendre le pari qu’au sein de l’aréopage qui l’entourait durant les festivités – le président français, la chancelière allemande, le président du Conseil italien, celui de la Commission européenne et la vaste escouade des puissants qui tentaient de festoyer dans le centre de la ville éternelle – nul n’a songé à lui rappeler un détail de l’Histoire. A savoir qu’il y eut, lors de la seconde guerre mondiale un agresseur (la guerre commença officiellement par l’invasion de la Pologne par la Wehrmacht le 1er septembre 1939) et, le 22 juin 1941, un agressé.

Que ce dernier, en l’occurrence l’Union soviétique, a payé un tribut sans précédent historique – plus de vingt-cinq millions de morts – à cette tragédie, soit plus que tous les autres pays réunis. Et, surtout, que c’est grâce au sacrifice inouï mais aussi à l’effort militaire sans commune mesure avec tous les autres Alliés que le sort de la guerre fut scellé par l’écrasement du nazisme. Sans les batailles de Koursk et de Stalingrad, sans les 34 millions de Soviétiques mobilisés et les 360 divisions de l’Armée rouge qui combattirent la Wehrmacht (à comparer au 90 divisions américaines au plus fort de leur engagement), Monsieur Tusk n’aurait sans doute pas chanté en 2017 les louanges de l’Europe. Quoique.

L’intervention de Monsieur Tusk a eu au moins un mérite : rappeler les gênes fondateurs de l’intégration européenne

Celui-ci a tenu à rappeler sa jeunesse « sous le joug communiste » : «J’ai vécu plus de la moitié de ma vie derrière le rideau de fer, là où il était interdit ne serait-ce que de rêver aux valeurs européennes» au rang desquelles figure notamment «la dignité humaine». C’était à l’époque de la Pologne socialiste, où il était en effet impossible de rêver au chômage et à l’absence de perspective pour la jeune génération.

Heureusement, tout cela est aujourd’hui forclos. Les jeunes Polonais peuvent librement chercher du travail au sein de l’UE – ils sont ainsi plus de 830 000 à avoir émigré rien qu’au Royaume-Uni, certainement mus par le seul amour des voyages. Il est vrai que Donald Tusk lui-même est un travailleur détaché à Bruxelles.

Ce dernier a, dans la foulée, salué «les millions de gens qui, aujourd’hui, défilent dans les rues de nos capitales, à Rome, à Varsovie, et même à Londres» pour fêter l’Europe. Des millions ? Mais que fait le Décodex ?

Plus sérieusement, l’intervention de Monsieur Tusk a eu au moins un mérite : rappeler les gênes fondateurs de l’intégration européenne. Celle-ci est née de, dans et par la guerre froide. Chassez le naturel, il revient au galop.

Chacun est, après tout, libre d’oublier Monsieur Tusk. Il est en revanche des repères historiques dont il est parfois bon de se souvenir.

Lire aussi : Ruptures : Désarroi et divisions des Vingt-sept : à Rome, un bien funèbre anniversaire…

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