La Russie d'aujourd'hui représente «une certaine vision du monde» et «une culture politique» que l'Occident ne veut pas accepter, ce qui le pousse à l'accuser de tous les péchés, selon le géopoliticien Dario Citati.
RT France : Pourquoi François Hollande accuse la Russie de vouloir influencer la présidentielle française ?
Dario Citati (D. C.) : Je crois qu’il cherche à «chevaucher» cet argument, parce qu’après ce qui s’est passé aux Etats-Unis avec l’élection de Donald Trump et les polémiques sur l’ingérence russe, il s’agit d’un argument fort, mais inapproprié de la part de François Hollande. D’abord, parce qu’il n’est pas candidat, il parle en qualité de président parmi les présidents les plus impopulaires de toute l’histoire de France. Deuxièmement, il parle non seulement de l’ingérence de la Russie, mais dans le contexte du Front national et donc d’une influence négative concernant la diffusion d’une culture conservatrice. En ce sens-là, il y a un ancien préjugé, selon lequel il y a une culture conservatrice qui serait hors de la démocratie, raciste, xénophobe, même quand elle représente en réalité les positions de droite classique. C’est une stratégie inappropriée sur le plan des résultats et sur le plan de contenu en elle-même.
Si le FN va être en mesure d’articuler un débat sur les intérêts de la politique étrangère sans prendre la défense de la Russie, cette stratégie de François Hollande ne va aboutir à rien
RT France : Pensez-vous que ce discours favorise d’une certaine façon un des candidats du point de vue de la stratégie électorale ?
D. C. : Du point de vue de la stratégie électorale, ce serait bien de ne pas toucher à ce sujet en ces termes. Cela pourrait donner quelques chances si l’adversaire, c’est-à-dire Marine Le Pen, accepte ce genre de confrontation, s’épanche dans des éloges exagérés de la Russie, cela pourrait avoir un sens. Mais si le Front national est en mesure d’articuler un débat sur les intérêts de la politique étrangère sans prendre la défense de la Russie ou d’autres pays, cette stratégie de François Hollande ne va aboutir à rien.
La Russie ne représente donc pas seulement un pays étranger, mais une culture politique qu’on refuse
RT France : Pourquoi cette ingérence russe devient encore une fois un des sujets clés de la campagne présidentielle ?
D. C. : Premièrement parce que la Russie effectivement est devenue protagoniste sur la scène internationale, on le voit sur beaucoup de sujets, au Moyen-Orient en particulier, mais aussi en Europe orientale. De ce point de vue, il s’agit d’une lutte politique contre la Russie. Il y a un establishment qui est opposé non seulement à l’influence russe dans certains pays, mais au rôle de la Russie comme puissance au niveau international. De l’autre côté, la Russie ne représente pas que la Russie, elle représente dans ce moment historique une certaine vision du monde, certaines valeurs conservatrices. Les liens présumés entre la soi-disant extrême droite occidentale et la Russie sont donc présentés comme épouvantables, mais découlent du nivellement de la culture politique européenne où il n’y a pas vraiment d’opposition et de différence entre gauche et droite. La Russie ne représente donc pas seulement un pays étranger, mais une culture politique qu’on refuse.
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