Pour l'avocat Régis de Castelnau, le parquet de Nanterre «veut mettre son grain de sel» dans les offensives judiciaires contre Marine Le Pen dans l’espoir de «l’affaiblir politiquement».
RT France : Le Parlement européen vient de prononcer la levée de l'immunité de Marine Le Pen. Est-ce qu’elle peut s'attendre à un procès avant la présidentielle ?
Regis de Castelnau (R. C.) : Cette affaire est parfaitement ridicule. Le parquet de Nanterre veut mettre son grain de sel, comme on dit en France, dans les offensives judiciaires contre Marine Le Pen dans l’espoir de l’affaiblir politiquement. C’est l’histoire d’une publication de photos de crimes commis par Daesh qui ont provoqué fort normalement de la réprobation politique, mais dont la dimension pénale est microscopique. C’est bien ce qu’a pensé l’Assemblée nationale française puisque le parquet de Nanterre veut aussi poursuivre Gilbert Collard député apparenté Front national qui avait également publié ces photos. La demande de levée de l’immunité de Gilbert Collard a été vertement rejetée par le bureau de l’assemblée alors même qu’il est à majorité socialiste. La seule intention du parquet de Nanterre est de faire du buzz. Il n’y a aucune chance qu’une procédure puisse se dérouler avant le scrutin présidentiel. L’objectif poursuivi est évidemment de provoquer des incidents pendant la campagne électorale. Il est déplorable que des magistrats du parquet se livrent à ce genre de manipulations.
RT France : Le fait que les tweets incriminés de Marine Le Pen sont relativement anciens peut-il avoir des conséquences dans cette affaire ?
R. C. : Non, il n’y a pas de prescription acquise. En revanche, le caractère ridicule de la poursuite saute aux yeux. Et s’agissant de la liberté d’expression et de communication, même si elle était reconnue coupable, Marine Le Pen ne risquerait pas grand-chose. De toute façon si la procédure se poursuivait, première instance, appel, cassation... On en reparlera dans trois ans.
Cela devient très préoccupant. D’abord parce que le gouvernement n’hésite pas à tenter de fausser l’élection présidentielle en esquivant le débat derrière des écrans de fumée judiciaire
RT France : L'immunité de Marine avait déjà été levée en 2013 et cela n'avait pas eu de conséquences graves pour sa carrière politique. Faut-il s'attendre à des conséquences plus graves cette fois ?
R. C. : Comme je vous l’ai dit, elle ne risque pas grand-chose. Je pense même que si jamais le parquet jugeait quand même bon de la renvoyer en correctionnelle, il aurait toutes les chances de subir l’affront d’une relaxe. La famille Le Pen a multiplié les procédures dans ce que l’on appelle chez nous le «droit de la presse» qui réglemente et limite dans certaines conditions la liberté d’expression. Dans la mesure où la liberté est le principe, les restrictions doivent être mesurées et proportionnées. En dehors de cas avérés de négationnisme répété, il n’y a jamais eu autre chose que des peines d’amende et éventuellement de très courtes peines de prison avec sursis.
RT France : Qu'implique pour Marine Le Pen la levée de son immunité lors de la présidentielle. Chutera-t-elle ou progressera-t-elle, bénéficiant de l'image d'une martyre auprès de ses partisans ?
R. C. : Comme le Parlement européen a fait la bêtise de lever son immunité pour cette bricole, il se ridiculise. Il alimente aussi la popularité de Marine Le Pen dans les milieux eurosceptiques qui sont majoritaires dans notre pays. Pour les mêmes faits, l’Assemblée nationale française rejette la demande de levée d’immunité d’un de ses députés alors que le Parlement européen la décrète contre Marine Le Pen ? Je crois que c'est lui faire un joli cadeau. Toutes les procédures intentées contre son père et elle-même n’ont jamais eu d’effet négatif, au contraire, sur les résultats du Front national.
RT France : Est-ce que le cas de Marine Le Pen est exceptionnel, ou s'agit-il d'une procédure régulière au vu du contenu des tweets qu’on lui reproche d'avoir envoyés ?
R. C. : La relance de cette procédure, à cette période, pour des faits déjà anciens démontre s’il en était besoin que le pouvoir politique instrumentalise la justice à des fins électorales. François Fillon l’a appris à ses dépens. A ce niveau-là, cela devient très préoccupant. D'abord parce que le gouvernement n’hésite pas à tenter de fausser l’élection présidentielle en esquivant le débat derrière des écrans de fumée judiciaire. Ensuite, parce que des magistrats acceptent de jouer ce jeu. Ces dérives sont graves en ce qui concerne le fonctionnement des institutions, mais surtout, elles produisent l’effet inverse que celui qui est recherché.
Marine Le Pen est annoncée à un peu moins de 30% dans les sondages du premier tour. C’est absolument considérable et cela provoque dans la classe politique un début de panique. La diabolisation n’a jamais permis de faire reculer le Front national. L’instrumentalisation de la justice ne marchera pas non plus. Elle ne fera qu’affaiblir les institutions.
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.