Il revient désormais aux électeurs de faire le choix entre les questions de morale et de fond, estime le député LR Nicolas Dhuicq à propos des démêlés judiciaires de François Fillon, qui sera probablement mis en examen le 15 mars.
RT France : Suite à la conférence de presse de François Fillon, Bruno Le Maire a annoncé sa démission du poste de conseiller pour les affaires européennes et internationales de François Fillon parce que ce dernier n'a pas respecté sa promesse de renoncer à la présidentielle s'il était mis en examen. Comprenez-vous son choix ?
Nicolas Dhuicq (N. D.) : Non, je ne comprends pas sa décision mais je me l'explique par rapport au parcours de Bruno Le Maire qui n'a aucune connaissance en politique étrangère et qui n'a suivi que ce qu'il pensait être son propre intérêt. Il y a deux ans, il disait qu'il fallait une intervention au sol en Syrie et qu'il fallait renforcer les sanctions contre la Russie. Pendant la campagne de la primaire de la droite et du centre, il affirmait qu'il fallait lever ces sanctions. Bruno Le Maire, pour moi, n'est pas un exemple de courage en politique et de loyauté par rapport à ses camarades de combat. Je suis assez déçu par cette attitude mais on pouvait s'y attendre.
Est-ce que les Français souhaitent poursuivre le programme de François Hollande qui est incarné – qu'il le veuille ou non – par Emmanuel Macron ?
RT France : La décision de Bruno Le Maire soulève tout de même une question qui va se poser aux électeurs : peut-on soutenir un candidat qui n'a pas tenu sa promesse de se retirer dans le cas où «son honneur était entaché» ?
N. D. : La question qui est posée aux Français et aux Françaises est la suivante : «Allez-vous considérer que l'élection présidentielle – qui est destinée à donner un chef de l'Etat à la France et à nous redonner une voix souveraine dans le concert des nations – doit être un jugement moral sur une personne ou le choix d'un programme en matière d'économie, de politique étrangère et nationale ?» Est-ce que les Français souhaitent poursuivre le programme de François Hollande qui est incarné – qu'il le veuille ou non – par Emmanuel Macron ? Est-ce qu'ils veulent tenter les aventures économiques proposées par les autres candidats ou plutôt choisir une personne qui a un programme et qui aura la majorité parlementaire pour appliquer les réformes dont la France a besoin ? Voilà la question primordiale.
Je souhaite que les électeurs pensent que c'est le programme qui compte
RT : Vous pensez que les électeurs choisiront en fonction du programme et du fond ?
N. D. : Je ne dis pas cela. Je n'en sais rien. Cela restera le choix des électeurs. Ce qui m'intéresse c'est l'avenir de la France. Je pense modestement que l'intérêt de notre pays est dans le programme de François Fillon – même si il y a des points sur lesquels je ne suis pas totalement d'accord avec lui. Comme vous le savez, je mets l'accent sur la politique étrangère qui est essentielle pour les emplois en France car il est important que nous puissions exporter dans un monde ouvert. J'attache beaucoup d'importance à la paix et à l'amélioration des relations entre la France et la Russie. Je pense qu'il n'y aura pas de solution politique pour la Syrie – qui est en guerre depuis six ans – sans une entente avec la Russie ni solution intégrant Bachar el-Assad. Pour toutes ces raisons, j'ai choisi de soutenir François Fillon. Maintenant la question reste : quel sera le choix des électeurs ? Vont-ils trancher sur la question morale ou sur celle du programme ? Je souhaite qu'ils pensent que c'est le programme qui compte.
Nous assistons à la mort des partis traditionnels dans leur forme classique
RT France : Dans ce contexte, votre famille politique va-t-elle rester unie et continuer à porter la campagne de François Fillon ?
N. D. : Je n'en sais rien non plus. Ce qui est très intéressant, c'est que nous assistons à la mort des partis traditionnels dans leur forme classique. A l'heure des réseaux sociaux, le monde des élus – qui sont ainsi de plus en plus en contact avec leurs électeurs – demande une réforme profonde. Les partis actuellement sont sclérosés. Néanmoins, c'est une autre question qui est annexe à l'élection présidentielle.
Je pense que François Fillon craint que la date de sa convocation au 15 mars n'ait pas été choisie au hasard par les magistrats
RT France : Dans sa conférence de presse, François Fillon a eu des mots durs parlant d'«assassinat politique», opposant le peuple et la démocratie à la justice. Cette rhétorique rappelle d'ailleurs celle employée par le Front national. Cela ne va-t-il pas nuire à François Fillon ?
N. D. : Je ne pense pas qu'il faille prendre ses propos dans ce sens-là. On peut constater qu'il y a une réalité qui fait qu'au 17 mars il ne sera plus possible de se présenter à l'élection présidentielle. Nous sommes déjà le 1er mars. Je pense que François Fillon craint que la date de sa convocation au 15 mars n'ait pas été choisie au hasard par les magistrats. Cette date fait que s'il se passait quelque chose pour François Fillon, la majorité des électeurs qui veulent voir du changement et souhaitent porter leur choix sur un candidat issu de la droite ne pourraient pas participer à l'élection présidentielle. Ce serait une situation très grave. C'est cela qui est en jeu et cela pose une question sur la nature profonde de nos institutions.
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