Les attaques dont François Fillon est l’objet sont motivées par des animosités personnelles contre lui et la menace qu’il fait peser sur les grands équilibres du pays, estime l'essayiste Eric Verhaeghe.
RT France : A part l'affaire de François Fillon, des soupçons plannent sur Emmanuel Macron qui aurait financé sa plate-forme politique par les fonds de Bercy. Pourquoi les médias prêtent-ils beaucoup plus d'attention à l'affaire de l'ex-Premier ministre qu'à celle de l'ancien ministre de l'Economie ?
Eric Verhaeghe (E. V.) : Il y a d’abord des raisons anecdotiques qui expliquent cette différence de traitement. La première raison c’est que l’affaire Macron est sortie après l’affaire Fillon. Tout le monde parle de l’affaire Fillon, elle occupe le devant de la scène. C’est un feuilleton à rebondissements, puisque chaque semaine, voire chaque jour et toutes les heures, il y a des révélations.
Emmanuel Macron est très protégé médiatiquement, alors que François Fillon à de nombreux égards n’est pas un homme de système
La deuxième raison c’est que les montants en jeu ne sont pas les mêmes et les circonstances non plus. Entre un ministre qui utilise de l’argent – public, certes, mais dédié à des frais de réception –, et un candidat à la présidentielle donné favori qui a caché la situation de sa femme et qui tient des discours politiques contre le mensonge, on n’est pas dans le même degré d’importance.
Troisièmement, Emmanuel Macron est très protégé médiatiquement, alors que François Fillon à de nombreux égards n’est pas un homme de système, en tout cas pas un homme qui a bénéficié d'une protection semblable à celle d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron a, de fait, rendu service à beaucoup de médias, et son passage comme ministre de l’Economie s’est en effet accompagné d’un certain nombre de cadeaux faits à d’importants groupes de médias
RT France : L'ancien ministre de l'Economie est souvent qualifié de «candidat des médias». Comment l'expliquez-vous ?
E. V. : Il y a deux choses : d’abord, comme on dit, Emmanuel Macron est un bon client pour les médias, il présente bien, c’est un bon communicant, il sait ce qu’il faut dire devant les caméras et il a une popularité incontestable. Quand on fait un plateau avec lui, on est sûr d’avoir plus de spectateurs que quand on le fait avec un homme politique de moindre notoriété. Deuxième chose : Emmanuel Macron a, de fait, rendu service à beaucoup de médias et son passage comme ministre de l’Economie s’est en effet accompagné d’un certain nombre de cadeaux faits à d’importants groupes de médias, notamment à celui de Patrick Drahi, qui est devenu l’un des principaux groupes des médias en France.
Les attaques dont François Fillon est l’objet répondent aux animosités personnelles contre lui
RT France : Marine Le Pen fait également objet des révélations de Wikileaks notamment, pensez-vous qu'elle s'attirera autant d'attention que François Fillon ?
E. V. : Aujourd’hui on peut penser que les attaques dont François Fillon est l’objet sont motivées par des animosités personnelles contre lui et la menace qu’il fait peser sur les grands équilibres du pays. S'il est élu, ce sera sur un programme de réformes en profondeur susceptibles d’endiguer le déclin français. Il n’est pas impossible que les candidats qui représentent une moindre menace pour l’abaissement de la France dans le monde fassent moins l’objet de critiques ou, en tout cas, de manœuvres destiné à le déstabiliser. Il faudra voir comment se passent les prochains mois ; rien n’exclut l’apparition d’autres révélations qui transforment la campagne électorale en un véritable carnage. Pour l’instant, il faut voir ce qui va se passer. Il est sûr que la dégradation de la vie publique en France sera porteuse de conséquences extrêmement lourdes pour l’ensemble des institutions européennes. Mon pronostic est qu’en bout de course, si le climat détestable qui existe aujourd’hui en France devait se prolonger, les institutions elles-mêmes de la Cinquième République seraient remises en cause dans leur forme actuelle.
La défense maladroite de François Fillon a d’une certaine façon organisé sa propre destruction
RT France : François Fillon est en baisse dans les sondages, pensez-vous que c'est perdu pour lui ?
E. V. : Le problème est qu’aujourd’huiFrançois Fillon est son meilleur ennemi. Si, face à ces révélations François Fillon avait fait un véritable passage au confessionnal, s’il était venu devant les Français, en disant : «Oui, la situation de ma femme n’est pas complètement claire, c’est vrai, je ne suis pas exemplaire. Je comprends que ce soit un problème pour vous, quand je serai élu, je prendrai telle et telle mesure pour éviter que cela ne se reproduise et nous allons changer le système en profondeur», il aurait pu retourner la situation en sa faveur. Mais François Fillon a tendance à expliquer que tout cela est un complot et qu’il n’a rien à se rapprocher. Il tend donc le bâton pour se faire battre. Il a annoncé lui-même que s’il était mis en examen, il renoncerait à se présenter à la présidentielle. Ainsi, il a lui-même lancé un compte à rebours qui nourrit ses ennemis dans la conviction qu’ils auront sa peau. La défense maladroite de François Fillon a d’une certaine façon organisé sa propre destruction. Je crois que cela va être très compliqué de revenir en arrière. Cela ne veut pas dire que c’est impossible, mais ses chances sont vraiment très limitées aujourd’hui.
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