Les récentes déclarations de Donald Trump sur l'Iran mettent les relations entre les deux pays sur «une pente glissante», car elles pourraient provoquer une escalade des tensions susceptible de dégénérer, explique l'analyste Milad Jokar.
RT France : Donald Trump a dit que l’Iran était mis en garde après le lancement d’un missile balistique. Comment pensez-vous que les relations entre les Etats-Unis et l’Iran puissent évoluer ?
Milad Jokar (M. J.) : C’est une déclaration dangereuse dans le sens où elle offre la possibilité d’un retour à l’escalade des tensions entre les Etats-Unis et l’Iran. Sous l’administration de Barack Obama, il y avait déjà des relations, des dialogues étaient instaurés pour au final arriver à une négociation et à l’accord sur le nucléaire. L’administration de Barack Obama avait compris qu’après le printemps arabe et la dislocation de l’Etat irakien, l’Iran était arrivé en position de force dans la région, pays stable parmi tant de pays instables, et qu’il fallait traiter avec l’Iran. Le président Trump a twitté que l’Iran était prêt à s’effondrer. Si jamais c’est vraiment le but, que l’Iran s’effondre, on arrive dans une période très dangereuse, parce que l’Iran répondra avec d’autres mesures qui contribueront à une plus grande escalade des tensions. C’est dangereux, avec l’accord nucléaire qui est en jeu et un risque de confrontation militaire avec l’Iran, une situation qui serait vraiment catastrophique.
C’est vraiment une pente glissante, si jamais il y a davantage d’escalade des tensions
RT France : Vous parlez donc d’une confrontation militaire entre l’Iran et les Etats-Unis ?
M. J. : Cela peut devenir hors de contrôle, parce que chaque politique est locale, l’Iran va avoir une élection. Lorsque l’Iran entend que les Etats-Unis se font menaçants, l’Iran répond, parce que la population attend aussi une réponse forte de la part de son gouvernement. Le président Hassan Rohani, qui est modéré, est aussi en opposition avec les conservateurs qui l’attaquent pour être trop doux avec les Etats-Unis. Cela veut dire qu’il y a des jeux internes qui forcent le gouvernement modéré à durcir sa position vis-à-vis des Etats-Unis, notamment vis-à-vis de l’administration de Donald Trump avec laquelle cela peut dégénérer. C’est vraiment une pente glissante, si jamais il y a davantage d’escalade des tensions. C’est pourquoi il est impératif d’instaurer un dialogue entre eux, même si c’est un dialogue tenu secret, mais qu’il y ait, au moins, une communication pour faire en sorte qu’il n’y ait pas d’escalade trop dangereuse.
C’est un scénario très dangereux qui nécessite absolument une communication entre les deux parties
RT France : Est-il possible d’établir un dialogue entre l’Iran et les Etats-Unis ? On connaît bien la position de Donald Trump à l’égard de Téhéran…
M. J. : C’est vrai qu’il a une position dure. Il disait lors de la campagne électorale que l’accord sur le nucléaire était le pire accord jamais signé et qu’il voulait le rompre. Les Iraniens ont répondu que, si jamais il le rompait, ils le brûlerait. Cela reste donc une relation fragile.
Le dialogue avait été instauré avec le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif et le secrétaire d’Etat américain John Kerry à un niveau sans précédent. C’était vraiment remarquable car cela permettait d’effacer les tensions grace à la compréhension, au dialogue et à la négociation. Maintenant que le dialogue est rompu, on retourne à une configuration qui ressemble à celle de 2003, un scénario très dangereux qui nécessite absolument une communication entre les deux parties. Il est vrai que, politiquement, ces déclarations amènent à des difficultés, car lorsque le général Flynn met l’Iran en garde, cela appelle une réponse de l’Iran et l’option qu’il y ait un dialogue entre le gouvernement de Hassan Rohani et l’administration de Donald Trump deviendra de plus en plus impopulaire auprès des populations respectives.
L'accord sur le nucléaire n’est pas entre les Etats-Unis et l’Iran, c’est entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne
RT France : Pensez-vous que l’accord sur le nucléaire va tomber à l’eau ?
M. J. : Cet accord n’est pas entre les Etats-Unis et l’Iran, mais entre l’Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne. C’est un accord multilatéral, Jean-Marc Ayrault était en visite à Téhéran, où il a dit qu’il se présentait comme un défenseur de l’accord. Les Allemands et les Britanniques ont aussi appelé l’administration américaine à respecter l’accord sur le nucléaire. Bien évidemment, la Russie et la Chine s’opposeront à toute tentative de saboter l’accord. Par contre il peut y avoir des mesures qui peuvent fragiliser sa stabilité. Après il y a les tests de missiles balistiques de l’Iran. Ce n’est pas en soi une violation de l’accord, car la Résolution 2231 du Conseil de sécurité des Nations unies appelle l’Iran «à ne pas faire de test de missiles balistiques étant capable de porter des ogives nucléaires». Il faut savoir s’ils sont capables de porter une ogive nucléaire, et, enfin, la résolution ne dit pas que l’Iran ne doit pas, elle précise : «Nous appelons l’Iran à ne pas le faire.» Cela ne veut pas dire que ce n’est pas illégal en soi, mais cela reste une provocation.
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