Les propositions dans les programmes de Benoît Hamon et de Manuel Valls ne vont rien changer d’essentiel. Leurs différences ne sont que des différences périphériques, explique l'économiste et candidat à la présidentielle 2017 Jacques Nikonoff.
RT France : Pour vous, les deux programmes proposés par Manuel Valls et Benoît Hamon, sont-ils effectivement de gauche ?
Jacques Nikonoff (J. N.) : La notion de gauche aujourd’hui n’a plus aucune signification ; on ne sait plus ce que représente la gauche et quelle est la différence avec la droite si vous regardez et comparez la politique menée par Nicolas Sarkozy précédemment et la politique menée par François Hollande. Evidemment, dans les détails, sur les questions secondaires, il y a bien des différences. Mais sur les questions stratégiques, c’est-à-dire, celles qui déterminent tout le reste – la puissance de l’économie, le niveau de l’emploi, le bien-être de la population, ce sont les mêmes politiques.
Aujourd’hui, se demander si c’est une politique de gauche ou une politique de droite, n’a plus de signification, parce qu’on ne sait pas ce qu’est la différence entre la gauche et la droite, et il n’y a plus de différence globale. Les différences portent sur des points de détails, par exemple, la légalisation du cannabis ou autres babioles.
Il faut que tout le monde ait accès à l’emploi. On a du revenu en travaillant.
Il faut que tout le monde ait accès à l’emploi. On a du revenu en travaillant, en attendant le chèque à la fin du mois
RT France : Comment voyez-vous la proposition phare du programme de Benoît Hamon concernant le revenu universel ?
J. N. : C’est absurde. Ça veut dire que désormais, on entre dans une société où on est payé à ne rien faire. C'est absolument invraisemblable, parce que la vraie question est celle du plein emploi. Il faut que tout le monde ait accès à l’emploi. Et c'est en travaillant qu'on a un revenu, pas en attendant sans rien faire un chèque à la fin du mois. Ce n’est pas une société acceptable. C’est un profond mépris pour les citoyens. Les citoyens, que veulent-ils finalement ?
Au-delà de l’emploi, et à travers l’emploi, ce qu’ils veulent c’est être utiles aux autres. Avoir un emploi c’est faire des choses qui seront utiles à d’autres personnes, à la société. Je trouve absolument inacceptable que dans une société où il y a des millions de personnes âgées qui ont des difficultés, quand il y a des problèmes d’environnement, qu’il n’y pas assez de personnel dans les hôpitaux, etc., que l’on propose à des gens d’être payés à ne rien faire. Ils pourraient être utiles dans les hôpitaux, pour aider les personnes âgées, les jeunes en difficultés, les handicapés, dans les écoles, etc. C’est vraiment n’importe quoi.
Un bon programme c’est un programme qui va scier les trois piliers sur lesquels repose la mondialisation néolibérale
Un bon programme c’est un programme qui va scier les trois piliers sur lesquels repose le programme de la mondialisation
RT France : Le programme économique de Manuel Valls réaffirme que la loi travail était une bonne mesure afin de préserver l’Etat social. Partagez-vous cette vision ?
J. N. : Pas du tout. Il faut bien entendu abroger la loi travail. C’est une loi qui n'aurait pas dû être votée.
RT France : Lequel des deux programmes préférez-vous ?
J. N. : Il faut mettre les deux à la poubelle. Parce qu'il y a une sorte de «sérum de vérité» concernant les programmes politiques à l’élection présidentielle et aux élections législatives : c’est le rapport à la mondialisation. Un bon programme c’est un programme qui va scier les trois piliers sur lesquels reposent les politiques de mondialisation néolibérale. C’est à cette condition qu’un programme pourra réduire le chômage, améliorer le niveau de vie de la population, améliorer la qualité de l’environnement et résoudre les problèmes de protection sociale et de services publics.
Le premier pilier c’est le libre-échange. Il faut arrêter le libre-échange. Aucun des candidats, ni Manuel Valls, ni Benoît Hamon, ne propose de l’arrêter. Ça signifie que la mondialisation va continuer, la désindustrialisation va continuer, le chômage va continuer avec leur programme.
Nous allons rester sur la domination des marchés financiers, et les entreprises continueront d’être étouffées
Le deuxième pilier c’est la globalisation financière. C’est-à-dire, la dictature des marchés financiers. Il faut se retirer des marchés financiers, il faut revenir à un système simple de financement de l’économie par le crédit bancaire. Aucun de ces deux programmes ne propose quoi que ce soit en la matière, nous allons rester sous la domination des marchés financiers, et les entreprises continueront d’être étouffées, car elles n’auront pas de crédit. Et l’Etat lui-même sera placé sous la tutelle des marchés financiers, comme aujourd’hui. Leurs programmes ne changent rien de ce point de vue-là.
Le troisième pilier qu’il faut scier c’est sortir des institutions supranationales, telles que l’OTAN, l’UE, l’euro, l’OMC, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce. Toutes ces institutions ont été mises en place pour étouffer la souveraineté des nations, afin que seule une politique néolibérale puisse s’appliquer. Il faut que la France et chaque pays sorte de tout ça, sorte de l’ordre néolibéral mondial.
Aucune des propositions dans les programmes de Benoît Hamon et de Manuel Valls ne porte sur ces trois piliers, ils veulent rester dans le système mondial actuel. Tout le reste, toutes les différences qui existent entre eux, sont des différences périphériques qui ne vont rien changer d’essentiel.
Du même auteur : «La crise bancaire italienne témoigne de l'absurdité du système européen»
Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.