John Laughland est un universitaire britannique spécialisé en géopolitique et philosophie politique. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages traduits en sept langues.

Attentats à Ankara et Berlin : le fruit d'une culpabilité commune des gouvernements turc et allemand

Attentats à Ankara et Berlin : le fruit d'une culpabilité commune des gouvernements turc et allemand© Pawel Kopczynski Source: Reuters
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Berlin et Ankara sont tous les deux des soutiens infatigables des mêmes islamistes qui tuent dans les rues des deux capitales - les deux attentats du 19 décembre sont donc liés par un symbolisme profond, remarque l'historien John Laughland.

Pendant la guerre froide et la division de l'Allemagne, L'Eglise du souvenir à Berlin était un symbole de l'Occident et donc de la liberté que la nouvelle Allemagne voulait incarner. Située sur l'un des boulevards les plus connus de la capitale allemande, le Kurfürstendamm, cette église en ruines, bombardée pendant la guerre, avait été conservée dans son état comme monument commémoratif dédié à la mémoire de la tragédie de la guerre.

C'est à l'ombre de cette église on ne peut plus symbolique que le terroriste, un réfugié arrivé en Allemagne l'an dernier, a foncé avec son camion dans la foule du marché de Noël, une institution qui, tout comme le sapin, a été exportée dans le monde entier à partir de son pays d'origine, et qui symbolise et incarne celui-ci. L'attentat de Noël à Berlin est donc le pendant allemand de l'attentat commis à Nice le 14 juillet après les célébrations commémorant le début de la Révolution française.

De même, pendant toute l'histoire post-ottomane de la Turquie, la ville d'Ankara, sa capitale, est le symbole du nouvel Etat turc. Tournant le dos volontairement à l'ancienne capitale ottomane, Istanbul, Kémal Atatürk s'est installé dans la petite ville d'Angora pour créer un état laïc basé non pas sur le pouvoir du calife-sultan, dont le prestige rayonnait bien au-delà de l'Anatolie, mais seulement sur l'Etat-nation turc. Ankara est donc le symbole de l'abolition du califat en 1924.

Une évidence s'impose : Merkel et Erdogan ont semé le vent. Maintenant, ils récoltent la tempête

C'est dans cette capitale laïque que, une heure avant le massacre à Berlin, l'ambassadeur russe a été assassiné dans une galerie d'art, un lieu on ne peut plus paisible, par un islamiste criant «Allah akhbar», se liant donc, au moins sur le plan symbolique, avec le désir de renouer avec le califat aboli, un désir qui été réalisé par la proclamation de l'Etat islamique en 2014.

Les deux attentats du 19 décembre sont donc liés par un symbolisme profond. Dans les deux cas, il s'agit de briser les atouts des Etats allemand et turc modernes. Mais dans les deux cas aussi, ces attentats sont le fruit d'une culpabilité commune des gouvernements turc et allemand. Car Berlin et Ankara sont tous les deux des soutiens infatigables des mêmes islamistes qui aujourd'hui tuent dans les rues des deux capitales. La Turquie le fait en envoyant des troupes pour abattre le régime Assad dans le but d'étendre l'influence sunnite en Syrie et dans le monde arabe ; l'Allemagne le fait en soutenant de façon plus indirecte les mêmes rebelles islamistes en Syrie et, accessoirement, en faisant venir des millions de migrants en Allemagne pour des raisons économiques et idéologiques.

Quelle différence, en effet, entre une Madame Merkel qui a explicitement accusé la Russie d'avoir commis des crimes de guerre lors de la libération d'Alep et le message que l'assassin d'Andrei Karlov a hurlé après avoir commis son attentat ? Celui-ci a commis son meurtre au nom de la soi-disant martyre de la ville syrienne.

Quelle différence entre un gouvernement allemand qui veut effectuer un grand remplacement démographique pour mettre fin aux racines chrétiennes et à l'homogénéité ethnique de l'Allemagne - pour citer les propos explicites tenus par le président de la République fédérale d'Allemagne, Joachim Gauck, en pleine crise migratoire en août 2015 - et l'actuel président de la République turque Erdogan qui, à Cologne en 2008, quand il était encore premier ministre, a déclaré devant une foule d'immigrants turcs : «L'assimilation est un crime contre l'humanité».

Quelle différence entre Madame Merkel qui, en présentant ses vœux de fin d'année en 2014, s'en est prise violemment à ceux qui protestaient paisiblement à Dresde contre l'islamisation de l'Occident, et Monsieur Erdogan qui martèle depuis des années que les Européens sont islamophobes, et qui, à Strasbourg en 2015, a qualifié son propre pays de rempart de la civilisation contre un Occident rongé par la xénophobie.

Il est de notoriété publique qu'Ankara soutient les rebelles en Syrie depuis de début du conflit. Fin novembre, le président Erdogan affirmait sans ambages que les troupes turques étaient en Syrie pour abattre le régime syrien. Pour Erdogan, les vrais terroristes ne sont pas ceux qui se revendiquent de Daesh à Alep ou de l'Etat islamique à Mossoul et à Raqqa, mais les peshmergas kurdes qui combattent ces derniers. Mais l'Allemagne, tout comme le reste de l'Europe, soutient la même politique, pleurant la défaite des islamistes à Alep, par exemple en coupant l'éclairage de la Tour Eiffel quand cette ville a été libérée.

Combien d'autres réfugiés islamistes y a-t-il en Allemagne, parmi ceux dont Madame Merkel disait l'an dernier qu'on pouvait facilement les intégrer ?

En Syrie, Merkel comme Erdogan ont tout simplement choisi le mauvais camp. Pour les deux, l'islamophobie est un crime. Bornée par l'idéologie européiste, Madame Merkel ne peut pas voir que l'importation de millions de migrants est un danger pour son pays. Borné par son propre islamisme, Erdogan ne peut pas voir que soutenir les rebelles islamistes en Syrie contre le régime Assad, c'est jouer avec le feu. N'oublions jamais que c'est Erdogan qui, en 1999, avait fait de la prison pour avoir proclamé ce poème :

«Les minarets sont nos baïonnettes, les coupoles nos casques

Les mosquées sont nos casernes, les croyants nos soldats

Cette armée divine garde ma religion

Allahou akbar, allahou akbar»

L'assassin d'Ankara était un policier qui soi-disant assurait la sécurité de l'ambassadeur russe, et qui se tenait immédiatement derrière lui juste avant d'ouvrir le feu. Ce cliché symbolise non seulement la faiblesse de la victime, mais aussi celle du régime turc. Combien d'autres policiers islamistes y a-t-il en Turquie ? Combien d'officiers de l'armée, cette armée qui a été plusieurs fois purgée de ses kémalistes par Erdogan ? Sur quel sable est construit son régime chancelant ? A qui peut-on se fier en Turquie ?

L'assassin de Berlin est un réfugié. Combien d'autres réfugiés islamistes y a-t-il en Allemagne, parmi ceux dont Madame Merkel disait l'an dernier qu'on pouvait facilement les intégrer et dont elle souhaitait ardemment le venue ? Les migrants sont-ils une chance pour l'Allemagne ou un vivier de terrorisme ? Une évidence s'impose : Merkel et Erdogan ont semé le vent. Maintenant, ils récoltent la tempête.

Lire aussi : Alep : la musique orientale de la propagande de l'Occident

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