Après avoir recontré le fils de Donald Trump en octobre à Paris, l'écrivain et femme politique franco-syrienne Randa Kassis estime qu'avec l'élection de Trump aux Etats-Unis, la collaboration avec la Russie en Syrie peut réellement commencer.
RT France : De quoi avez-vous parlé lors de votre rencontre avec Donald Trump junior ?
Randa Kassis (R.K.) : Monsieur Trump-junior a été invité par le CPEFA, Center for political and foreign affairs. C’était pendant la campagne présidentielle et Monsieur Trump a accepté une invitation pour venir à Paris nous voir. Nous avons déjeuné avec lui. Ensuite nous avons eu un dîner très restreint pour une trentaine de personnes auquel j’ai aussi participé puisque je suis concernée par le dossier syrien. J’ai parlé avec Donald-junior pendant le déjeuner, on a parlé de la Syrie, nous avons échangé quelques idées – comment nous pourrions arriver à une solution politique, avoir un accord entre les Américains et les Russes. Il m’a semblé que Monsieur Trump junior était très pragmatique. Il connaît la complexité du dossier syrien, ce qui est bien. Il est conscient qu’il ne peut pas y avoir de solution politique sans, certainement, un accord avec la Russie. J’étais aussi très impressionnée par sa conscience, par sa connaissance de cette région. Il voit que le dossier syrien est très complexe et qu'il faut commencer par étapes ; qu’on ne peut pas avoir un changement radical mais un changement progressif, parce que si on essaye de réaliser un changement radical, nous avons l'exemple de l’Irak qui a tout perdu et où la situation est bien pire qu’en Syrie. J’espère et je crois que nous pourrons arriver à un accord.
Bachar el-Assad n’est pas la question aujourd’hui
RT France : A quel point les idées de l'administration américaine actuelle différent de celles exprimées par Trump junior ?
R.K. : Nous ne connaissons pas toutes les personnes de l’administration américaine. Mais je suis confiante, parce que je vois quelques personnes qui sont comme nous anti-islamistes, c’est-à-dire contre cette pensée radicale, cet islam radical et qui veulent aussi en terminer. Certainement le dossier syrien ne se limite pas à la lutte contre le terrorisme, c’est aussi le début d'un processus politique. Nous avons besoin de la collaboration entre les Russes et les Américains afin d’en terminer et d’exterminer tous ces islamistes radicaux qui décapitent, qui égorgent, qui sont aussi accusés de crimes de guerre. Je peux même les qualifier de crimes contre l’humanité puisqu'ils exterminent des minorités dans des villages et des villes syriennes. Donald Trump junior en était conscient. Pour arrêter cette guerre sanglante, il n’y a pas que la lutte contre le terrorisme, mais aussi le commencement d'un vrai processus politique. Nous avons besoin d’un accord entre les Américains et les Russes. Nous savons très bien que les Américains, avec Monsieur Kerry et malheureusement l’administration américaine de Barack Obama, ont toujours joué un double jeu. Même quand Kerry était d’accord pour séparer l’opposition, l’armée, les rebelles armés soit disant «modérés» des autres rebelles extrémistes, même s’il était d’accord avec la Russie et avec nous pour séparer les rebelles modérés, il ne faisait rien une fois rentré aux Etats-Unis. Et nous savons très bien que le Pentagone a saboté, à plusieurs reprises, des accords entre les Russes et les Américains. Ce que nous espérons, ce à quoi nous allons travailler, c'est continuer un dialogue avec les Américains afin d’arriver à un accord entre les deux et séparer les modérés de ceux qui ne le sont pas. Mais il faut savoir qu’il y a beaucoup d’islamistes sur place, surtout dans le nord de la Syrie, qui ne sont pas du tout modérés, qui sont des vrais islamistes radicaux.
Donald Trump, le président élu, est réaliste
RT France : Quel était l'avis de Trump-junior au sujet du départ de Bachar el-Assad ?
R.K. : Il faut être aussi réaliste, cela fait six ans que l’opposition de Riyad, avant c’était la coalition nationale syrienne avec d’autres pays comme l’Arabie saoudite, la France, l’Angleterre, ils ont toujours voulu un départ immédiat de Bachar el-Assad avant tout commencement du processus politique. Ce n’est pas possible, parce qu’il faut aussi préparer l’alternative. Moi aussi je suis bien sûr pour le départ de Bachar el-Assad, mais je suis aussi pour un vrai changement. C’est-à-dire que Bachar el-Assad n’est pas la question aujourd’hui. Ce qui est important c’est comment peut-on commencer un vrai changement de système et de régime. Et pour cela nous avons besoin de l’aide et de la collaboration d'une partie de régime. Puisque nous savons très bien qu’il n’y a pas de solution militaire : cela veut dire que le régime ne pourra pas gagner, les autres ne pourront pas gagner, donc nous avons besoin d’un compromis entre toutes les parties, entre tous les Syriens afin de dire «oui, nous commençons un processus politique même avec celui qui était en partie responsable de cette guerre en Syrie mais nous avons quand même besoin de collaborer afin d’avancer et de déclencher une vraie période de transition.
RT France : Après votre rencontre, pensez-vous qu'il y a des chances pour plus de collaboration entre les Etats-Unis et la Russie au sujet du dossier syrien ?
R.K. : De toute façon nous avons besoin de deux pays : nous avons besoin de la Russie ce qui est sûr et nous avons aussi besoin des Etats-Unis afin de collaborer ensemble et de commencer ce processus. Moi je crois qu’il y aura cette collaboration – je ne dis pas que ce sera facile mais au moins on a évité le pire avec l’élection de Clinton. Donald Trump, le président élu, est réaliste. Il partage, je crois toutes nos peurs, nos craintes à propos des islamistes et aussi l’idée que le changement doit être progressif. Je le crois.
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