Le sentiment d’hostilité vis-à-vis des réfugiés à travers l'Europe et les Etats-Unis «n'a jamais été aussi fort». Mais pour le journaliste John Wight ce ne sont pas les migrants qu'il faut accuser de la crise que vit en ce moment l'Occident.
Il n'y a pas eu de plus grande épreuve pour la civilisation occidentale, au cours de ces dernières années, que le traitement des réfugiés qui ont débarqué en Europe et aux Etats-Unis depuis le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Jusqu'à présent, l'Ouest échoue dans cette épreuve test et échoue lamentablement.
Le fait de réduire la situation des victimes de la guerre, de l’effondrement social, et du chaos économique à un assaut dépérissant devrait être classé dans une catégorie spéciale du honteux. Surtout quand cette tentative est faite par des médias, des journaux, et des voix basés dans ces mêmes pays qui ont été responsables de la destruction des Etats et des sociétés d'origine des réfugiés.
Le sentiment d’hostilité vis-à-vis des réfugiés à travers l'Europe et les Etats-Unis n'a jamais été aussi fort. Il est mesuré par les progrès réalisés sur la scène politique au cours de ces dernières années par les partis de droite et d’extrême-droite du spectre politique, comme le Front national en France, le Parti de la Liberté en Autriche et UKIP au Royaume-Uni. De même, selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNCHR), à l'échelle planétaire le nombre de réfugiés n’a jamais été aussi élevé, atteignant 65 millions en 2015.
Le démantèlement du camp de réfugiés controversé de «la Jungle» à Calais et le déplacement forcé de ses 10 000 occupants, a fait ressurgir la question des réfugiés et de leur sort dans les médias dominants.
La plupart de ces 10 000 occupants seront réinstallés dans des camps sur le territoire français, tandis que certains, principalement des mineurs isolés, seront amenés au Royaume-Uni à travers le tunnel sous la Manche. Dans ce contexte, l'appel très médiatisé du ministre du gouvernement britannique David Davies demandant à effectuer des contrôles dentaires afin de s’assurer que les arrivants sont vraiment des enfants et pas des jeunes adultes ou des adolescents, n'a servi qu'à attiser les passions des deux côtés. Le ministre a justifié sa position en affirmant que certains des réfugiés abusaient de leur «hospitalité».
Les inquiétudes concernant la sécurité sont valables, mais une grande partie de ces préoccupations sont fondées sur l'ignorance
En mettant de côté l'idée que les réfugiés arrivent de l'autre bout du monde comme des invités à un dîner, est-il vraiment impossible de comprendre que, dans le désespoir de chercher et obtenir un refuge après avoir vécu l'enfer, certaines personnes pourraient s’aventurer à dire une demi-vérité, voire même un mensonge, afin d’y parvenir ? En sommes-nous arrivés au point de priver de refuge tous ces êtres humains traumatisés par des épreuves que nous ne pouvons imaginer que dans nos pires cauchemars, sur la base d’un examen dentaire ?
Le fait qu'une forte proportion de ceux qui sont arrivés en Europe depuis que la crise a commencé semblent être des jeunes hommes, a également occupé une place importante dans le discours hostile aux réfugiés, qui a gagné en ampleur à travers l'Europe et le monde occidental. Tout d'abord, étant donné que ce sont les hommes en âge d’effectuer leur service militaire qui sont les principales victimes de la guerre – même en termes démographiques, car ils sont plus susceptibles d'être tués ou mutilés, d’être enrôlés ou contraints de se battre – cela ne devrait pas être une surprise que beaucoup d’entre eux décident de s’enfuir. Ensuite, le voyage qu’il faut faire pour atteindre l'Europe en partant du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est si périlleux que ce sont les jeunes hommes qui ont le plus de chances et sont les plus à même d'y survivre.
Mais même si on garde cela à l’esprit, les données compilées par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNCHR) réfute l'affirmation selon laquelle la plupart des réfugiés qui arrivent sont de jeunes hommes. Elles révèlent au contraire que ce groupe démographique ne représente qu'entre 15 et 25% du nombre total de réfugiés qui sont arrivés de Syrie en 2016. En d'autres termes, la majorité des réfugiés qui débarquent ne sont pas des jeunes hommes – comme de multiples voix voudraient nous le faire croire – mais des hommes plus âgés, des femmes et des enfants.
Les inquiétudes concernant la sécurité sont certainement valables, mais, une fois de plus, une grande partie de ces préoccupations sont fondées sur l'ignorance. La série d’attaques terroristes qui ont eu lieu dans toute l'Europe occidentale ont été menées par des individus et des groupes de personnes vivant et éduqués en Occident, en Europe et aux Etats-Unis, plutôt que par des personnes ayant pénétré en Europe en qualité de réfugiés.
Accuser de leur sort les victimes des guerres et du chaos causés par nos propres gouvernements est une injustice grave
Ben Emmerson, Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste a conclu dans un rapport récent de l'ONU qu'il n'y avait aucune preuve de ce que Daesh et d'autres groupes terroristes opérant au Moyen-Orient et en Afrique du Nord utilisent les flux de réfugiés pour préparer ou exécuter des attaques en Occident.
Peu importe, toute une politique a été construite autour de la question des réfugiés et des migrants au cours des dernières années, avec le Brexit au Royaume-Uni et la montée de Donald Trump aux Etats-Unis en tant qu'applications les plus concrètes.
Cela étant dit, ce serait une erreur de considérer qu’il s’agit d’un phénomène nouveau, l'histoire révélant que nous avons déjà vécu ce genre de situation. Au milieu du XIXe siècle, l'afflux de migrants irlandais pauvres aux Etats-Unis, fuyant la famine, a alimenté l'émergence du courant politique du nativisme. Il est basé sur les mêmes arguments anti-migrants et anti-réfugiés que ceux qui sont mis en avant aujourd'hui – à savoir que ces personnes représentent une menace pour notre culture, notre mode de vie, la sécurité, l'emploi, les moyens d’existence, etc. Beaucoup de pauvres et de migrants démunis en partance d'Irlande ont décidé d’emprunter un chemin beaucoup plus court et moins périlleux en se dirigeant vers l’île britannique, où, aussi, ils ont été accueillis par un poing furieux plutôt que par la main de l'amitié. Alors, oui, ce phénomène n'a rien de nouveau, et il est en grande partie fondé sur le ressenti d’une menace pour un statu quo qui nous donne un sentiment de sécurité.
Qu’importe. Accuser de leur sort les victimes des guerres et du chaos causés par nos propres gouvernements est une injustice grave. Là, n’ayons pas peur des mots. En grande partie – si ce n’est déjà pas complétement – le sentiment d’hostilité vis-à-vis des migrants et des réfugiés, qui est devenu un cliché en Occident, est enraciné dans le racisme et la xénophobie, en particulier l'islamophobie fondée sur un amalgame entre les musulmans et le terrorisme.
Cela est particulièrement injuste vu que ce sont les musulmans qui participent à la plupart des combats et meurent dans la lutte contre le terrorisme. Que ce soit les musulmans qui combattent dans l'Armée arabe syrienne, ou les Iraniens et les combattants libanais à leurs côtés, que ce soit les Kurdes, - qui à l’heure actuelle font plus que les Musulmans pour vaincre Daesh, al-Nosra, et les d’autres groupes terroristes différents ?
La colère des habitants des pays occidentaux ne devrait pas être tournée vers les réfugiés. Elle doit être tournée vers leurs propres gouvernements dont l’action a déstabilisé l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, menant à des résultats tellement catastrophiques que des milliers d'êtres humains ont été déracinés et contraints de risquer leur vie et celle de leurs enfants pour atteindre un sanctuaire.
La solidarité plutôt que l'hostilité envers ces personnes – ce n’est pas seulement juste et bon, c’est un investissement dans notre propre humanité.
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