Les médias et les élites britanniques reçoivent le patriarche russe avec suspicion et indignation

Les médias et les élites britanniques reçoivent le patriarche russe avec suspicion et indignation© Sergey Pyatakov Source: Sputnik
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Le patriarche Kirill étant en visite oficielle à Londres, le journaliste britannique Bryan McDonald réfléchit aux chances du religieux de faire fondre la glace dans les relations entre la Russie et le Royaume-Uni.

Le patriarche de l'Eglise orthodoxe russe, Kirill, est en visite en Grande-Bretagne à un moment où les tensions entre Londres et Moscou pourraient difficilement être plus graves. On pouvait s'y attendre : les médias et une partie de l'establishment politique du Royaume-Uni sont très critiques à l’égard de ce voyage.

Ceux d'entre nous qui suivent l'actualité savent exactement à quel point les relations russo-britanniques sont terribles ces jours-ci. Pensez à un mauvais Qui a peur de Virginia Woolf. Enrichi des éléments de Liaison fatale. C'est parce que nous avons un scénario bizarre où les élites des deux pays se détestent l'une l'autre, mais sont tout aussi étrangement fascinées, et parfois peut-être envieuses de leurs rivaux.

Ainsi, en Russie il reste plein d'aventuriers britanniques et tout le monde, là-bas, sait que «Londres est la capitale de la Grande-Bretagne». Surtout les super riches, qui, presque à un homme (ou femme) près, semblent se vanter d'avoir une (ou dix) propriété(s) de luxe dans le Sud-est d'Angleterre. Et si cela ne suffisait pas, faite un tour du périphérique de Moscou, le MKAD, et vous trouverez des villages entiers conçus pour reproduire les hameaux britanniques, véritables communautés en briques rouges, avec des noms comme Bristol et Cambridge.

Le patriarche, comme la reine et le pape, joue un rôle politique

Ce sentiment est souvent partagé. Bien que voulant une nouvelle fois sanctionner le Kremlin, le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, s’est lui-même dit «russophile» et la reine Elisabeth avait elle-même déclaré qu’elle était intriguée par tout ce qui est russe. Elle trouve même le temps pour écrire d'occasionnelles lettres à des écolières sibériennes.

Un seul, mais pas le même

Peut-être est-ce dû au fait que les Britanniques et les Russes ont beaucoup plus en commun qu’ils ne veulent bien l’admettre? Les deux ont vu leur empire s’écrouler il n'y a pas si longtemps et les deux sont en grande partie en Europe, mais pas tout à fait européens. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ils ont toujours regardé au-delà du continent, le jugeant probablement trop petit pour contenir leurs ambitions ? Ou cela pourrait aussi être une question de religion. Les principaux centres de pouvoir européens – à l'exception du Nord de l'Allemagne – ont une chose qui les unit : le religion commune, le catholicisme. Et le fait d'adhérer à des versions différentes du christianisme laisse souvent la Russie et la Grande-Bretagne de côté.

Ce qui expliquerait pourquoi la reine Elizabeth, en tant que chef de l'Eglise d'Angleterre est si désireuse de rencontrer le patriarche Kirill, même si une partie des députés et la plupart des médias britanniques ne l'approuvent pas. Certains membres du Parti travailliste du Royaume-Uni ne sont pas plus contents de sa présence et ont soulevé des objections. De son côté, le Times de Rupert Murdoch est passé en mode atomique en prétendant que Kirill serait un ancien agent du KGB.

Le patriarche Kirill et la reine Elizabeth ont beaucoup de thèmes à évoquer

Le patriarche, comme la reine, et à un degré moindre le pape, joue également un rôle politique. Et c’est sans doute la raison pour laquelle le député travailliste John Woodock, actif dans le comité de la défense de son parti, a déclaré qu’il était «très troublant» que quelqu'un de si proche du président Poutine soit reçu avec un tapis rouge au palais de Buckingham à un moment où la Russie soutient un «régime syrien meurtrier».

Ces commentaires n’auront pas surpris Kirill, dont la visite intervient à un moment assez sensible pour les relations entre Moscou et Londres. Comme l'indiquent l'hystérie militariste des médias britanniques et l'appel de Boris Johnson à manifester devant l'ambassade de Russie à Londres.

Quand être proche c'est être trop proche

Un dénominateur commun : le patriarche est allié à Poutine, qui est le méchant du jour dans la presse britannique. Pourtant, le fait d’utiliser ce lien pour salir le chef religieux démasque une ignorance totale des affaires intérieures de la Russie. La raison pour laquelle Kirill a décrit le temps que Poutine a passé en qualité de chef d’état comme un «miracle de Dieu» (quelque chose qui attire l’attention des médias britanniques) ne veut pas dire qu'il attribue des pouvoirs presque-divins au chef d'Etat, mais plutôt que, sous sa direction, l’église a gagné en prestige.

En effet, la religion a été interdite – et ses membres persécutés – par le Kremlin pendant plus de 70 ans (la période soviétique). Puis, le premier président indépendant (Boris Eltsine) ne montrait aucun intérêt particulier pour la foi. Gardant cela à l'esprit, n’est-ce pas normal que l'évêque de Moscou apprécie tant Vladimir Poutine qui soutient publiquement l'église et affiche librement ses propres fortes croyances ?

Beaucoup de gens influents à Londres voient en Vladimir Poutine un tyran, considèrent la Russie comme un ennemi de la démocratie

Comme indiqué précédemment, les relations russo-britanniques sont tellement dégradées que Dieu lui-même pourrait ne pas être en mesure de les ressusciter. Néanmoins, le patriarche va tenter le coup lors de sa première visite officielle à Londres et la rencontre avec la Reine sera un évènement clé.

Les deux ont beaucoup de thèmes à évoquer. Kirill veut mettre en évidence les souffrances des chrétiens dans l'incendie visiblement sans fin des guerres du Moyen-Orient – et la Grande-Bretagne est célèbre pour avoir alimenter ce feu en envahissant illégalement l'Irak en 2003. Il va aussi certainement aborder le sujet de la crise des migrants dans l'Union européenne, que les Russes perçoivent comme une accélération de l'islamisation de la partie occidentale du continent.

Les résultats nets

Ironie du sort, toute cette agitation stimule la foi orthodoxe, qui se positionne comme le défenseur des valeurs chrétiennes européennes traditionnelles. Comme l'église catholique se libéralise lentement, suivant l'exemple de l'église d'Angleterre, Kirill est sans doute conscient que la marque conservatrice de Moscou séduit de nombreux opposants au changement.

Le patriarche va sûrement essayer de parler à la reine afin de trouver un terrain d'entente entre leur pays et religion

Beaucoup de gens influents à Londres voient en Vladimir Poutine un tyran, considèrent la Russie comme un ennemi de la démocratie. Cela provoque l'amusement à Moscou, où les fonctionnaires estiment que personne n'a jamais fait autant de dégâts à l'UE que David Cameron, le précédent Premier ministre du Royaume-Uni. Pour sa part, le Kremlin estime également que le Royaume-Uni n'a pas une politique étrangère indépendante et se contente d'accepter des instructions de Washington. Cela le rend de plus en plus désintéressé à déployer beaucoup d'efforts pour essayer d’influencer Downing Street.

Vladimir Poutine pense de même de la France et de l'Allemagne. Voilà ce qu’il a dit la semaine dernière : «Nous voulions parler à Paris, mais les Français se sont précipités à Washington, y ont jeté une résolution et créé l'hystérie». Le patriarche va sûrement essayer de parler à la reine afin de trouver un terrain d'entente entre leurs pays et religions. Tant que Washington reste le patron de Londres, ses chances d'un succès politique sont probablement minces. Mais ça vaut la peine d’essayer.

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