L'OTAN a rejeté les propositions sur la sécurité aérienne faites par la Russie, qui pourraient obliger tous les avions militaires croisant dans la région de la mer Baltique à opérer avec leur transpondeur en marche. Cela n'a aucun sens.
Les gros titres attestant de vols militaires russes «dangereux» et «risqués» ont été fréquents aux cours de ces deux dernières années
Selon The Wall Street Journal, les fonctionnaires de l'OTAN prétendent que ces propositions «ne feraient que peu améliorer» la sécurité aérienne, une réponse bizarre, si on prend en considération que l'OTAN a critiqué à de nombreuses reprises la Russie pour le fait que ses avions militaires volent prétendument au-dessus de la mer Baltique.
Les gros titres attestant de vols militaires russes «dangereux» et «risqués» ont été fréquents aux cours de ces deux dernières années. De telles histoires sont devenues si omniprésentes, et les média tellement obsédés par les exagérations, qu’un jour une femme était persuadée d’avoir vu des bombardiers russes au-dessus du comté de Cornouailles (une région britannique), alors qu'elle prenait un cours de conduite.
En tenant compte des préoccupations et des critiques de l’OTAN sur la sécurité dans la région de la Baltique, on pourrait imaginer qu’ils acceptent toute sorte de proposition raisonnable à bras ouverts. Et quand la Russie répond avec de quoi contribuer à calmer les préoccupations possibles de l’OTAN – soudainement, miraculeusement, les transpondeurs ne sont plus une question clé. D’après un rapport du Wall Street Journal, certains fonctionnaires ont déclaré qu’ils considèraient ces propositions de «distraction», sans spécifier pour autant de quoi exactement Moscou veut détourner leur attention.
Jusqu’à présent, l’OTAN n’a pas condamné ses propres membres pour avoir mené des missions sans transpondeur. L’indignation de façade est réservée à la Russie
Ces mêmes fonctionnaires déclarent que tous les avions en mission pour l’OTAN volent avec les transpondeurs allumés, mais concèdent que certains membres volent de temps en temps avec leur transpondeur éteint. Jusqu’à présent, l’OTAN n’a pas condamné ses propres membres pour avoir mené des missions sans transpondeur. L’indignation de façade est réservée à la Russie.
Mais attendez, cela va encore plus loin. Au côté des propositions sur l’utilisation de transpondeurs, la Russie a aussi proposé d’accueillir une réunion d'experts en sécurité aérienne, pour discuter d'une future coopération et les mesures supplémentaires à adopter. L’OTAN a aussi rejeté cette proposition. Pourquoi ? Parce que la convocation d’une telle réunion «violerait» la décision de l’OTAN de «suspendre toute coopération pratique» avec la Russie.
Il faut bien le comprendre : l’OTAN est préoccupée par la sécurité aérienne dans la région de la Baltique, mais quand la Russie propose des solutions, l’OTAN l’envoie promener – parce qu'une collaboration avec Moscou «violerait» sa position de principe contre la «coopération pratique». Sur quelle planète cela a-t-il du sens ?
Les Etats-Unis ne vont pas consentir à allumer leurs transpondeurs pour chaque mission au-dessus de la mer Baltique, parce que dans ce cas, ils devront cesser de provoquer cette situation en faisant voler des avions-espions qui collectent des renseignements à proximité de la frontière russe
Evidemment, l’OTAN s’inquiète que la mise en marche des transpondeurs n'empêche pas les avions russes d'effectuer des manœuvres dangereuses et des survols à proximité de navires et avions occidentaux. Si ces questions sont la source d’une véritable préoccupation pour l’OTAN, c’est compréhensible, mais pourquoi ne pas faire un pas en avant pour améliorer la coopération dans la région ? Dans ces temps d'hostilité et de méfiance accrues, tout effort serait le bienvenu.
Tout cela nous mène à une conclusion évidente : il ne convient simplement pas à l'OTAN de coopérer avec la Russie de cette façon. Notamment, l’acceptation de la stratégie toujours-en-marche pour les transpondeurs serait hautement gênante pour le membre le plus puissant de l’alliance. Les Etats-Unis ne vont pas consentir à allumer leurs transpondeurs pour chaque mission au-dessus de la mer Baltique, parce que dans ce cas, ils devront cesser de provoquer cette situation en faisant voler des avions-espions qui collectent des renseignements à proximité de la frontière russe.
Il est important de noter que le rejet catégorique des propositions russes par l’OTAN a été négligé par les principaux médias. La grande majorité des sources médiatiques favorables à l’OTAN qui couvraient l'annonce de ces propositions quand elles ont été faites, ont gardé le silence. Cela va de pair avec leur penchant pour les reportages qui font paraître la Russie intransigeante et obstinée et ignorer tout ce qui pourrait jeter une lumière négative sur l’OTAN. Le Wall Street Journal reste la seule publication d'importance à avoir annoncé la nouvelle.
Maintenant, puisque nous avons abordé le sujet, il est facile de constater comment les médias communiquent presque toutes les informations concernant des avions russes et l’OTAN. C’est un modèle standard : le titre va invariablement inclure le mot «dangereux» ou «risqué». Le texte même contiendra une ou deux citations d’un fonctionnaire de l’OTAN. Et vous y trouverez toujours une ligne attestant que ce n’est pas la première fois que la Russie est accusée des dangereuses actions indiquées.
On peut facilement s’imaginer un avion américain voler directement jusqu’à Moscou, avant que CNN annonce que des avions russes ont intercepté agressivement un avion-espion américain innocent
A aucun moment l’auteur ne pensera à insérer l'incident dans le contexte en communiquant des informations sur la fréquence avec laquelle les avions de l’OTAN s’approchent de l'espace aérien de la Russie. L’auteur va rarement inclure des détails pertinents sur les avions-espions américains volant à proximité de la frontière russe. Et certainement, l’auteur ne va pas annoncer que, contrairement aux Etats-Unis, la Russie possède en réalité une partie importante de la côte Baltique – ce qui explique l’apparition d'avions russes dans la région. Tout ce qui précède vaut également pour chaque histoire incluant des avions russes ou de l’OTAN au-dessus de la mer Noire.
C’est un éclairage tellement sens dessus-dessous, qu’on peut facilement s’imaginer un avion américain voler directement jusqu’à Moscou, avant que CNN annonce que des avions russes ont intercepté agressivement un avion-espion américain innocent lors d'une ordinaire mission d’entrainement.
En tout cas, la prochaine fois que l’OTAN se plaindra de l’activité aérienne dangereuse de la Russie, il faudra prendre cette information avec des pincettes.