Nous y revoilà. Encore un peu d'«agression russe». Au moins pour ceux qui lisent la presse occidentale.
Le populaire journal britannique The Sun a annoncé cette semaine : «Les tensions montent en flèche... Une avion de chasse russe a volé à TROIS METRES près d'un avion-espion américain.» La chaîne de Rupert Murdoch Sky News a annoncé de son côté qu'«un jet russe a[vait] volé à moins de trois mètres d'un avion-espion américain.»
Et ce n’était pas seulement les Britanniques. Reuters a continué avec «un jet russe est passé à trois mètres d’un avion espion américain, selon des responsables américains», alors qu'Al Arabiya a écrit «Avion russe volant à 3 mètres de l’avion espion américain».
Les diffuseurs mettent ça et là des «Poutine qui... » et «Kremlin qui...»
En même temps, ABC Australie est allée jusqu'à «un avion de chasse russe a volé à quelques mètres d’un avion espion américain - une interception «imprudente» selon le Pentagone», alors que son homonyme américain a titré «une confrontation entre un avion de chasse russe et un avion espion américain».
Ce qui est particulièrement intéressant, dans l’article de la filiale américaine d’ABC, c'est qu'il est accompagné de deux nouveaux clips, de 59 secondes pour l’un et d'une minute 26 secondes pour l’autre. Le lieu de la supposée transgression [russe] n'est pas mentionné une seule fois pendant cette minute 26 secondes.
Le public d’ABC a clairement l'impression que la Russie est l’agresseur et que les Américains n’ont rien fait de mal. Les diffuseurs mettent également ça et là des «Poutine qui... » et «Kremlin qui...»
Alors, où s'est réellement déroulé ce mystérieux incident ? Etait-ce près du golfe de Floride ou au large des côtes californiennes ? Ou encore quelque part sur le territoire européen de l'OTAN ? Eh bien, non.
Ce qui s’est réellement passé, c'est que l'avion de la marine américaine P-8A Poseïdon volait au-dessus de la mer Noire – à la frontière de la Russie.
Quoi qu’il en soit, la situation était dangereuse, et une seule erreur aurait facilement pu initier un conflit, ce qui n’aurait pas été une bonne chose
En outre, selon la version de Moscou, l'avion américain volait avec son transpondeur éteint, raison pour laquelle les médias occidentaux avaient fait la morale à la Russie [pour un vol effectué vers les] pays baltes. Washington n'a par ailleurs pas nié les accusations de la Russie. En même temps, Moscou ne semble pas contester les affirmations américaines, selon lesquelles un des deux avions de chasse Su-27 basés en Crimée a réussi à voler à trois mètres de l'avion américain.
Quoi qu’il en soit, la situation était dangereuse, et une seule erreur aurait facilement pu initier un conflit, ce qui n’aurait pas été une bonne chose. Ce qui est inquiétant est que ce n'est même pas la première fois que nous voyons, cette année, un tel affrontement. En avril encore, quelque chose de ce genre a eu lieu aux alentours du Kamtchatka, 9 000 kilomètres, plus loin, sur la côte Pacifique de la Russie.
Mais ce que les médias occidentaux font est véritablement impardonnable. Au lieu d'expliquer que l'avion américain était tout près du territoire russe, avec probablement son transpondeur éteint, ils ont fait leurs rapports de façon à donner l’impression que Moscou était le seul responsable.
Si on était quelque part à côté du Texas et que la Russie y effectuait des sorties, là, on pourrait écrire une histoire dans laquelle la Russie serait le méchant
On pourrait écrire encore tout un article sur les raisons pour lesquelles l’avion américain se trouvait là, mais notre court article n'est dédié qu'aux réactions des médias.
La mer Noire fait partie de la frontière sud de la Russie. C’est à des milliers de kilomètres des Etats-Unis. Si on était quelque part à côté du Texas et que la Russie y effectuait des sorties, là, on pourrait écrire une histoire dans laquelle la Russie serait le méchant.
Dans ce cas-là, il semble bien que les Américains ont d’abord provoqué la Russie, et cette dernière a répondu avec sa propre provocation. Pourtant, les informations des médias nous font croire qu’il n’y n'avait qu’un seul agresseur et que l’Amérique est totalement irréprochable, ce qui est à la fois injuste et mensonger. Le plus grand perdant étant, bien sûr, le consommateur occasionnel de news à qui on livre une telle désinformation.
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